Loi 101 : une action syndicale s'impose

2007/08/30 | Par L’aut’journal 

Au lendemain de la marche organisée par le Mouvement Montréal français pour célébrer le 30e anniversaire de la Loi 101, la FTQ-Construction s’est entretenue avec M. Fernand Daoust sur le rôle de la FTQ dans le processus de francisation des milieux de travail, mais aussi sur les enjeux actuels quant au français comme langue officielle du Québec.

Notons que M. Daoust a été secrétaire général (1969-1991) puis président (1991-1993) de la FTQ. Membre du conseil d’administration de l’Office de la langue française (OLF) de 1977 à 2002, il a consacré l’ensemble de sa carrière à la défense de la langue française : il est d’ailleurs récipiendaire de l’Ordre des francophones d’Amérique et du prix Georges-Émile Lapalme.

(photo: FTQ)

L’anglais mur à mur

 Afin de dépeindre le contexte de l’époque, M. Daoust rappelle que, dès le tout début des années cinquante, la FTQ dénonce l’unilinguisme anglophone des milieux de travail dans l’ensemble de la province. Soulignons que la FTQ, par le biais de ses syndicats, est surtout présente dans le secteur privé et doit donc faire face à des entreprises anglophones et des multinationales.

Imaginez un peu que vous deviez, comme travailleurs et travailleuses francophones, négocier vos conditions de travail et vos salaires dans une langue qui n’est pas la vôtre. Comment faire pour se défendre justement? Comment arriver à s’exprimer clairement, avec éloquence et conviction, quant on peine à comprendre le sens des mots que l’on emprunte?

Difficile à croire aujourd’hui pour ceux et celles qui sont de l’époque « post Loi 101 ». Cette situation humiliante prévalait néanmoins dans la quasi-totalité des entreprises, détenues pourtant par une minorité linguistique. La Loi 101 aura permis, entre autre, de donner enfin la légitimité nationale à la majorité francophone.

La FTQ trace la voie

La FTQ avait donc entrepris de conscientiser l’opinion publique en donnant une vitrine aux luttes menées par ses syndicats. Au Congrès de 1969, la FTQ adopte une résolution étonnante et franchement moderne qui trace une politique linguistique globale en une douzaine de revendications. La philosophie derrière ces revendications est semblable à celle qui émerge du texte de M. Camille Laurin, père de la Charte de la langue française au Québec.

En ce sens, M. Daoust a souligné le courage, l’audace et la détermination de cet homme grâce à qui le Québec s’est doté d’une légalisation lui ayant permis de prendre conscience d’elle-même. Dès son adoption, cette loi est acclamée.

L’édifice s’effrite

«La fierté que nous tirons de ce qu’elle a déjà été ne doit pas empêcher de constater ce qu’elle n’est plus», insistait le MMF dans une déclaration émise à l’occasion du 30e anniversaire de la Loi 101.

C’est aussi en ce sens qu’abonde M. Daoust. Il exprime sa crainte ouvertement quant à l’attitude des gouvernements dans ce dossier : «Disons les choses comme elles sont… Décidément, le gouvernement dort sur ses lauriers dans ce dossier. Il va falloir bouger et surtout, se donner les moyens de le faire.»

Au fil des ans, en tant de membre du conseil d’administration de l’Office de la Langue française, Fernand Daoust a vu les budgets alloués à l’organisme être considérablement diminués et le personnel constamment réduit. «Ils (les gouvernements successifs) ont coupé les ailes de l’OFL. On a assisté littéralement à la dégringolade de nos budgets», déplore-t-il.

Des moyens financiers amoindris, des amendements qui limitent le champ d’action, une situation socioculturelle en mutation, une nouvelle génération qui s’amène, la mondialisation, la globalisation des marchés et donc, du marché du travail : les enjeux sont de taille et il faut s’outiller pour y faire face.

L'action syndicale s'impose 

Il ne s’agit pas d’une guerre. Il s’agit plutôt de la défense d’une loi mettant de l’avant certains principes fondamentaux de la société québécoise en reconnaissant que le français est indéniablement la langue officielle du Québec.

De ce fait, le français doit prévaloir au travail (alors que l’on sait que la majorité des allophones et des anglophones utilisent l’anglais comme langue au travail), dans les institutions (alors que l’on sait que le bilinguisme institutionnel est en vogue et qu’il n’est pas rare de se faire servir d’abord en anglais). Pourtant, le français n’est-il pas la langue publique du Québec, celle qui permet au gens, peu importe leur origine, de communiquer entre eux?

Pour la construction, le phénomène se fait peut-être moins sentir, même si l’intégration à l’industrie d’immigrants est de plus en plus fréquente. Qu’à cela ne tienne, si la création de la Charte de la langue française doit la vie, bien sûr à Camille Laurin, mais aussi beaucoup au mouvement syndical et à la FTQ, c’est aussi par l’action syndicale que les choses devront bouger.

À ce sujet, M. Daoust soutient qu’« il faut absolument que le mouvement syndical fasse pression sur le gouvernement afin qu’il dote les organismes (OLF) de moyens financiers adéquats, sans quoi rien ne sera possible. »

En coupant l’herbe sous le pied à l’OLF, le gouvernement a fait preuve d’un manque de vision à long terme. Il ajoute qu’il faut renforcer la Loi 101, l’appliquer avec vigueur et investir de l’énergie dans les comités de francisation (comité prévus par l’article 136 de la Loi 101 pour les entreprises de 100 salariés et plus), s’assurant ainsi de maintenir le taux de francisation en milieux de travail, ce qui est vital.

«Il faudra aussi se pencher sur les jeunes, sur l’éducation et la sensibilisation, sans quoi, nous passerons nécessairement à côté de ce pourquoi nous avons tant lutté», ajoute-t-il en terminant cet entretien.

La FTQ-Construction dans l’action!

La FTQ-Construction était présente à la marche dimanche pour ajouter sa voix à celle de milliers d’autres personnes qui voulaient dire combien ils étaient fiers que le français soit la langue officielle du Québec, à quel point ils souhaitent ardemment qu’elle le demeure et comment ils sont prêts à faire en sorte que cela ne soit pas source de conflit, mais que notre langue soit plutôt le ciment qui permet la cohésion des multiples éléments composant notre société.

Source: Service des communications de la FTQ-Construction