Les enfants de la loi 101

2007/09/03 | Par Ginette Leroux

Les enfants de la loi 101 d’Anita Aloisio arrive à point nommé alors que le débat linguistique refait surface au Québec. Le 26 août dernier, des milliers de manifestants scandaient « Le Québec en français » dans les rues de Montréal, rappelant le statut toujours précaire du français au Québec.

Anita Aloisio nous présente une autre facette de ce 30e anniversaire. Le documentaire montre comment cette loi, 30 ans après son adoption, a profondément changé la société québécoise. La scénariste et réalisatrice, elle-même une enfant de la Loi 101, a recueilli les témoignages et réflexions intimes de quatre de ces enfants, aujourd’hui adultes, qui se sont retrouvés, au moment où la loi 101 est entrée en vigueur, à l’âge de commencer à fréquenter l’école élémentaire.

Le portrait ne serait pas complet si Anita Aloisio n’avait pas pensé aux parents, directement concernés par ce bouleversement social, et aux directions d’écoles, peu préparées aux changements annoncés dans les milieux scolaires de l’époque.

Guerina, une italo-québécoise, est un exemple d’intégration réussie. Pourtant, sa mère reste, encore aujourd’hui, profondément marquée par l’imposition des mesures qu’a entraînées la loi 101. En accord avec son mari, cette femme en colère reproche à sa fille de refuser que ces deux garçons apprennent l’anglais, qu’elle considère comme la langue de promotion sociale. Elle l’accuse même sa fille d’être passée dans le camp adverse. Son entêtement est franchement choquant.

Mauro a fait l’école clandestine anglaise, au mépris de la loi 101. Il regrette aujourd’hui d’avoir été enfermé dans un ghetto, la presque totalité des élèves de sa classe étaient, comme lui, d’origine italienne.

Courtney reste par contre ambivalent. Jamaïcain, arrivé au pays à l’âge de 4 ans, ne parlant que l’anglais, il ne veut surtout pas que son fils revive les mêmes traumatismes à l’école primaire. Son institutrice, démunie devant un enfant qui cherchait ses mots et elle-même mal préparée à enseigner à des élèves immigrants, l’avait brusqué sans raison. Il s’en rappelle encore.

Maintenant, grâce à son travail d’intervention auprès des jeunes Noirs de sa communauté, il dit que la loi 101 est bénéfique aux gens qu’il aide bien qu’elle ait eu des effets négatifs sur lui. « Cependant, croit-il, ces effets négatifs se sont transformés en effets positifs sur la communauté et les jeunes avec qui je travaille. »

« Je pense en croate, je me parle à moi-même en croate, je parle à mes parents, à mon chat et je rêve en croate. Ce qui ne m’empêche pas de vivre en français et de me sentir concernée par tout ce qui se passe au Québec », résume Tihana, avec aplomb. Les enfants de la loi 101 sont la première génération qui doit s’assurer de créer la solidarité entre les Québécois de vieille souche et les nouveaux Québécois, ces immigrants partagés, souvent déchirés, entre la nécessité et le non-sens apparent de parler une langue qui ne s’affirme que dans une seule partie de l’Amérique, au Québec.

Ensemble, sommes-nous intéressés à partager la grande aventure du Québec moderne et francophone? La cinéaste Anita Aloisio, elle-même une enfant de la loi 101, répond avec brio à la question.

LES ENFANTS DE LA LOI 101, produit par Virage, écrit et réalisé par Anita Aloisio, est présenté à CANAL D, le 6 septembre à 13h.