Rions un peu avec Stephen Harper

2007/09/24 | Par Léo-Paul Lauzon

Ça commence en juillet 2007 lors de la visite officielle de notre Premier ministre conservateur du Canada, Stephen Harper, au Chili, pays dirigé par la socialiste Michelle Bachelet. Le niaiseux, il aurait pu choisir un pays avec des politiques très à droite, similaires au Canada et aussi inféodé aux États-Unis comme la Colombie par exemple!

Mais non, il a préféré faire son cirque au Chili, pays qui a expérimenté douloureusement dans le passé les politiques conservatrices du dictateur Pinochet qui avait, en 1973, renversé par la force et avec l’appui des États-Unis le socialiste Salvador Allende, élu démocratiquement.

Stephen Harper a cité en exemple le Canada et proposé son pays comme modèle à suivre aux pays d’Amérique latine. Il a dit : «Certains dans l’hémisphère sont portés à croire que les seuls choix se limitent à un retour au syndrome du nationalisme économique, à l’autoritarisme politique et à la lutte des classes…», comme le rapporte La Presse du 18 juillet 2007.

Le beau Stephen aurait pu commencer à faire preuve de moins d’ignorance crasse en lisant cet article de La Presse du 25 mai 2007 intitulé : «Chili : la présidente Bachelet met le cap sur le social» dans lequel on mentionne que le gouvernement socialiste de ce pays va investir des centaines de millions dans l’éducation, la santé, les retraites et la construction de 12 nouveaux hôpitaux publics, toutes des politiques contraires à ce qui est fait au Canada, le supposé pays de la troisième voie et au Québec, province réingienérée et modernisée par les libéraux.

Au Chili, Stephen Harper a dit qu’il était stérile et futile de s’attaquer aux inégalités puisque, selon lui, il y en a si peu au Canada qu’il préfère ne pas les voir. Quant à la lutte des classes, il y aurait ici si peu de riches qu’il faut les laisser s’enrichir en sainte paix sans trop les taxer.

(Photo: Santiago Llanquin. Stephen Harper et la présidente chilienne Michelle Bachelet à La Moneda, Santiago, le 17 juillet 2007)

Le problème le plus important : la répartition de la richesse

Petite nouvelle pour Stephen Harper! Dans un sondage international sur les problèmes de l’heure mené par Jean-Marc Léger et reproduit dans Le Devoir du 27 mars 2006, le problème le plus important et de loin pour les Canadiens est la pauvreté et les écarts entre riches et pauvres.

Dans un autre sondage mené par l’Association d’études canadiennes et reproduit dans Le Devoir du 4 mai 2007, les principales préoccupations des Canadiens et des Québécois sont l’égalité entre les sexes, le système de santé universel, pas privé comme veulent nous l’imposer les profiteurs, et la réduction des écarts entre les riches et les pauvres.

Dans un article du Journal de Montréal du 29 mars 2006, ont peut lire le titre suivant «Classement du PIB (produit intérieur brut) par habitant : L’économie du Québec est au 20e rang mondial» sur 235 pays, selon l’Institut de la statistique du Québec. On a au Québec un PIB par habitant égal à des pays comme l’Allemagne, la France et la Finlande. Le problème pour les Canadiens et les Québécois, ce n’est pas la création de richesse, mais bel et bien sa répartition équitable afin d’atténuer les énormes écarts grandissants entre les riches et les pauvres et d’éradiquer la pauvreté incessante qui sévit dans un pays et une province où l’on a justement jamais créé autant de richesse.

Une étude majeure qu’on s’est empressé d’ignorer

Dans une étude majeure rendue publique en mai 2007 par Statistique Canada et reproduite en partie dans Le Devoir du 12 mai 2007 sous le titre de : «Les riches sont plus riches, les pauvres plus pauvres. Et la classe moyenne est une espèce en voie de disparition», il est mentionné que : «La tendance se confirme : le clivage entre riches et pauvres s’est considérablement (sic) accentué au Canada au cours des 20 dernières années ».

La disparité des revenus des ménages après impôts est désormais de «grande ampleur» peut-on lire dans cette étude intitulée «Inégalité et redistribution du revenu au Canada, 1976 à 2004. Pour le statisticien René Morissette, de Statistique Canada, « l’affaiblissement des systèmes de redistribution de la richesse collective au cours des dernières années (sic), jumelé aux inégalités croissantes des revenus offerts par le marché du travail depuis plus de 30 ans (sic), serait à l’origine de cette plus grande disparité entre riches et pauvres au pays. Le marché a toujours généré des inégalités a-t-il indiqué. Or, avant 1989, les programmes de transfert de la richesse et les impôts avaient un effet égalisateur (sic) et limitaient l’écart entre les riches et les plus pauvres. Mais depuis 1990, ce n’est plus le cas (sic)».

Pourtant, depuis 1990 et bien avant, on a jamais créé autant de richesse au Québec et au Canada et les profits des entreprises n’ont jamais été aussi élevés en pourcentage du produit intérieur brut, comme le laisse voir les titres du Journal de Montréal du 23 février 2007 : «Les profits des entreprises ont atteint un sommet» et du Devoir du 21 juin 2007 : «Canada : la croissance la plus forte du G7». Je vous laisse trouver l’erreur, mes amis.

Cette importante étude a fait l’objet d’un minuscule encart dans La Presse et de rien du tout dans le Journal de Montréal. Les chroniqueurs et les éditorialistes de ces médias ont tenu ça mort, les lucides et leurs semblables, comme par hasard, n’y ont attaché aucune importance, de même que Stephen Harper, Jean Charest et Pauline Marois dans la conception de leur projet de société moderne.

Cachez ces vérités que le peuple ne doit pas voir car il est important de les gaver de mensonges et de sophismes si l’on veut parvenir à nos fins abjects. Ignorez totalement cette étude majeure de Statistique Canada, quelle merveilleuse leçon d’éthique et de rigueur journalistique et politique.

Une autre vision du « modèle canadien »

Voici d’autres études de Statistique Canada et d’autres organismes nationaux que Stephen Harper a omis de mentionner dans son éloge du «modèle canadien» :

«Le salaire des jeunes travailleurs a reculé de 15% en 20 ans», selon une étude de Statistique Canada publiée dans La Presse du 27 janvier 2005. Et dire que les politiciens et les lucides n’arrêtent pas de nous présenter leurs politiques au nom du mieux-être des générations futures alors qu’ils exploitent à tour de bras les jeunes d’aujourd’hui. S’ils sont vraiment honnêtes, qu’ils commencent donc par penser au bien-être des générations actuelles.

« Malgré la prospérité, la pauvreté frappe encore les enfants canadiens», nous apprend une étude de l’organisme Campagne 2000 parue dans La Presse du 25 novembre 2003 et dans laquelle on mentionne qu’au Canada 15,5%, et au Québec 18,7%, des enfants vivent dans la pauvreté. Bien oui, ils vont continuer à vous mentir et dire que le «libre marché» va réduire «naturellement» (ça fait partie de leurs pseudo lois naturelles de leur supposé libre-marché) la pauvreté et les inégalités. Ça frise le socialisme, mes amis! Le Canada, après les States a le deuxième taux de pauvreté infantile des pays occidentaux.

Stephen, lors de ses récentes péripéties en Amérique Centrale et du Sud, a aussi oublié de mentionner dans sa vision idyllique du modèle canadien que : «L’ONU sermonne le Canada pour sa mollesse dans la lutte contre la pauvreté», comme le titre le journal Le Devoir du 23 mai 2006. L’article mentionne que : «Le Comité d’experts indépendants de l’ONU est particulièrement préoccupé par la persistance des problèmes de pauvreté, de faim et de logement malgré la prospérité économique qui existe au Canada. Le Comité note des lacunes sévères (sic) en ce qui a trait au salaire minimum, aux prestations d’aide sociale, à la protection de l’assurance-emploi et à l’accès aux logements sociaux».

Quant on y regarde d’un peu plus près et avec un peu plus d’objectivité et d’honnêteté, le modèle canadien en est un à rejeter et c’est ce qu’ont fait les pays d’Amérique latine qui, pour la plupart, ont élu récemment des gouvernements socialistes. Meilleure chances la prochaine fois, si prochaine fois il y a, monsieur Harper!