Comment renforcer la participation citoyenne?

2007/09/25 | Par Jacques Fournier

Comment faire en sorte que davantage de citoyens-nes s’impliquent aux plans social, communautaire et politique? Bref, comment faire pour que ce ne soit pas « toujours les mêmes » (TLM) qui s’engagent? Telle était la grande question abordée lors des Journées sur la participation citoyenne de Longueuil, qui se sont tenues le jeudi soir 20 et le vendredi 21 septembre à Longueuil. L’événement était organisé par la Corporation de développement communautaire (CDC) de Longueuil et plus d’une centaine de personnes y ont participé.

Sylvie Tardif et l’implication progressive

Sylvie Tardif, conseillère municipale à Trois-Rivières et directrice du Centre d’organisation des services et d’éducation populaire (COMSEP) a expliqué comment la pression populaire l’a incitée à se lancer en politique municipale et comment cela a été cohérent avec son engagement communautaire. Aux dernières élections, elle a reçu l’appui de 88% de ses électeurs-trices. Elle a ensuite présenté plusieurs cas concrets de citoyens-nes qui se sont impliqués progressivement, malgré les nombreux obstacles présents au départ.

Pour elle, il y a trois principales conditions de réussite :

1. L’approche à privilégier est une approche favorisant le développement de la capacité des gens et des collectivités de choisir, de décider, d’agir sur leurs propres conditions de vie et leur environnement.
2. Il faut avoir une manière d’être avec les gens qui favorise les rapports égalitaires, qui fournit des espaces réels de participation, du temps pour le faire, dans un esprit de démocratie, par des expériences et des projets concrets, avec de la formation si nécessaire.
3. Il faut favoriser les processus de passage du « je » individuel au « nous » collectif, en permettant aux personnes d’exprimer leur réalité, de comprendre et d’analyser cette réalité, de proposer des solutions et des changements et de passer à l’action.

Louise Larrivée et l’engagement social

Louise Larrivée est une citoyenne engagée, de Longueuil, qui travaille depuis de nombreuses années dans le mouvement communautaire, après avoir eu des expériences de coopération internationale. Pour elle, l’engagement social est une façon d’être heureuse. Elle a décrit ses nombreux engagements en soulignant, à chaque fois, le plaisir concret qu’elle en retirait.

Parfois, son engagement avait pour objectif de « canaliser sa rage » (comité contre la guerre en Irak). Ses enfants ont été associés à son implication : elle leur transmet ce qu’elle a reçu de ses parents. Sa philosophie : au lieu de chialer et de se sentir impuissants, pourquoi ne pas se faire des amis et réfléchir ensemble pour « sauver le monde »?

Pour elle, s’impliquer, c’est se gâter, tout en participant à l’amélioration de la communauté. Cela augmente l’estime de soi, la fierté, le bien-être et le sentiment d’accomplissement. « Un cadeau rentable à tout âge, qui ne vieillit pas ».

Luc Rabouin et le Budget participatif

Luc Rabouin, coordonnateur du Centre d’écologie urbaine, avait pour mandat de présenter l’expérience du Budget participatif (BP) qui a été mis en place dans l’arrondissement du Plateau Mont-Royal, à Montréal. Il a donc fait la genèse de ce projet, inspiré de Porto Alegre au Brésil.

Pour lui, la mise en place d’un PB présente six défis :

1. Le défi de convaincre une personne à la tête d’un arrondissement de s’y lancer. Ce fut le cas de Helen Fotopulos à Montréal.
2. Le défi du partage du pouvoir ou comment amener les élus-es à passer de la simple consultation à la véritable co-gestion.
3. Le défi du partage de l’expertise ou comment conjuguer les savoirs spécialisés de l’administration et les savoirs profanes basés sur la connaissance et l’expérience des citoyens-nes.
4. Le défi de la participation des citoyens-nes de tous les groupes sociaux ou comment s’assurer que ceux et celles qui sont habituellement exclus des débats publics participent.
5. Le défi de l’engagement du milieu communautaire ou comment passer d’une stratégie de représentation à une approche d’éducation populaire et de mobilisation des citoyens-nes pour qu’ils et elles se représentent eux-mêmes
6. Le défi du changement de la culture bureaucratique ou comment les fonctionnaires peuvent apprendre à travailler en collaboration avec les citoyens-nes.

Questions au milieu communautaire

M. Rabouin a terminé par une série de questions pertinentes à l’intention du milieu communautaire :

Vous définissez-vous comme partie prenante du mouvement social qui vise la transformation des rapports de domination de la société?
Quel est le lien entre la notion de participation citoyenne et les concepts de citoyenneté et de démocratie?
Quelle est la place de ces questions dans votre organisme?
Est-ce que les groupes communautaires ont un rôle à jouer dans la démocratisation des institutions, notamment les villes et les arrondissements?
Est-ce que cela fait partie de votre travail?
Que pensez-vous de l’idée d’ouvrir des espaces de participation directe pour que les citoyens-nes puissent débattre, tout en sachant que les citoyens-nes ne sont pas nécessairement porteurs des mêmes valeurs et revendications que les organismes communautaires?

Lorraine Guay et la participation citoyenne

Porte-parole de D’abord solidaires, un collectif non partisan d’éducation politique et populaire, Mme Guay est une militante féministe et communautaire d’expérience. Elle a d’abord dénoncé la « culture de centre d’achats » qui domine aujourd’hui. La seule préoccupation semble l’économie, les cours de la Bourse et la consommation. Pour le reste, il y aurait une soi-disant « lassitude des citoyens ».

Pour elle, il faut trouver un sens à ces questions. Nous ne sommes pas que des êtres de besoins, à gaver, mais aussi des êtres de participation et de délibération. Il faut combattre le rétrécissement de nos vies qu’amène l’omniprésence de l’économie. Pendant qu’on prend beaucoup de temps à choisir un rouge à lèvres, le Canada est en guerre en Afghanistan.

Les anciens Grecs, pourtant, présumaient déjà de la compétence citoyenne. Toute personne (libre) était considérée apte. Nous sommes des concitoyens, pas seulement des citoyens. Dans nos vies, il faut du temps pour la culture, la famille, l’amour, l’amitié, le travail mais aussi pour la politique. Nous ne sommes pas génétiquement programmés pour la participation citoyenne, il faut la développer.

Les trois formes de la démocratie

Pour Mme Guay, nous devons revitaliser les trois formes de la démocratie :

1. La démocratie représentative, dont la faille est notre propre abdication de notre pouvoir.
2. La démocratie participative, plus exigeante que la représentative. A quand un processus participatif pour obtenir un mode de scrutin proportionnel?
3. La démocratie délibérative. Quelle sera la meilleure décision, par exemple concernant les accommodements raisonnables? Le bien commun n’est pas prédéterminé, il faut délibérer.

S’impliquer sans bouder le plaisir

Cinq ateliers ont été offerts aux partipants-es. C’est Jean Panet-Raymond, ex-professeur à l’École de service social de l’U. de M. qui a livré la synthèse finale, rassemblant les propos tenus au cours de ces deux journées. Il a noté de nombreux fils conducteurs complémentaires dans les diverses interventions. Selon les commentaires entendus, les participants-es ont été enchantés de cette rencontre et se proposent dorénavant d’ « avoir davantage de plaisir dans leur implication citoyenne ».

Lien :
Les actes de la rencontre seront vraisemblablement disponibles dans quelques mois sur le site www.cdclongueuil.org