L'ONU veut la fin de l'embargo contre Cuba

2007/10/31 | Par Benoit Rose

Pour la 16e fois depuis 1992, l’Assemblée générale de l’ONU a demandé avec une majorité écrasante la levée du blocus économique, commercial et financier imposé à Cuba par les États-Unis. La résolution non contraignante a été adoptée mardi, presque à l’unanimité, par 184 voix contre 4 et une abstention.

Comme l’an dernier, les quatre pays opposés à la résolution demeurent les États-Unis, Israël, mais aussi les îles Marshall et Palau, deux États du Pacifique. C’est un autre pays de la région, la Micronésie, qui s’est abstenu lors du vote.

Une application acharnée

Avant de saluer la victoire éclatante de son pays, le ministre cubain des Affaires étrangères Felipe Perez Roque avait déclaré à l’assemblée, avant le vote, que le blocus n'avait jamais été appliqué avec autant d'acharnement que pendant la dernière année. Le régime cubain estime à 222 milliards de dollars les conséquences économiques de cet embargo depuis sa mise en place en février 1962 par le président John F. Kennedy.

Plusieurs pays ont pris la parole à l’assemblée pour dénoncer l’embargo contre Cuba, dont le Mexique, le Vietnam, l’Afrique du Sud, la Chine et le Venezuela. Le groupe des 77, qui représente quelque 130 pays en développement et la Chine, a appelé Washington a «remplacer la politique de l’embargo par celle du dialogue et de la coopération».

Le rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à l’alimentation, Jean Ziegler, a estimé mardi que cet embargo est une attaque contre l’ordre international et la déclaration des Droits de l’homme. Il a également évoqué les limitations et les souffrances occasionnées par le blocus états-unien en matière d’alimentation.

Bush s'adresse aux militaires cubains

L’adoption de cette résolution survient une semaine après un discours du président Bush à propos de Cuba, dans lequel il a dit vouloir maintenir les sanctions jusqu’à un changement de régime sur l’île.

S’adressant au peuple cubain, Bush a rappelé que les Cubains avaient le pouvoir de forger leur propre destin, et il a incité les militaires du pays à appuyer un éventuel soulèvement populaire, concluant le discours par un Viva Cuba libre!.

Fidel Castro a rétorqué à l’affront en comparant Bush à un roi espagnol de l’époque coloniale. La Havane juge les propos de Bush comme un geste irresponsable. Pour le ministre Perez Roque, ce discours majeur indique que les États-Unis pourraient être prêts à faire usage de la force.

Menace communiste, menace terroriste

Rappelons que le blocus a été décrété il y a 45 ans suite au célèbre débarquement de la Baie des Cochons, une invasion ratée de l’île cubaine par des anticastristes exilés et entraînés aux États-Unis par la CIA. L’opération visait le renversement du régime de Fidel Castro.

Les arguments de la première puissance mondiale pour justifier l’embargo ont varié au fil des décennies : «menace communiste» à l’époque de la Guerre froide, Cuba est accusé depuis l’effondrement du bloc soviétique de ne pas être un pays démocratique, et de ne pas respecter les Droits de l’homme. Cuba figure maintenant sur la liste noire des pays dits terroristes par l’administration américaine.

Ironiquement, la désormais célèbre base militaire américaine de Guantanamo, située dans la partie sud de l’île de Cuba, a été maintes fois dénoncée pour ses détentions arbitraires, ses violations aux droits de l’homme et ses actes de torture, ce que le président cubain n’a pas manqué de rappeler au président Bush plus tôt cette année.

Au mois d’août 2007, Castro avait d’ailleurs rappelé que Cuba réclamait la restitution du «territoire illégalement occupé de Guantanamo», convertie selon ses propres termes en un «horrible camp de torture».

À l’Assemblée générale de l’ONU, depuis 1992 et selon l’année du vote, les États-Unis et Israël ont été appuyés dans leur opposition à la levée de l’embargo par la Roumanie en 1992, l’Albanie et le Paraguay en 1993, l’Ouzbékistan en 1995 et 1997, et plusieurs fois depuis 1998 par les îles Marshall et maintenant Palau. Fait cocasse, en 1992, la Roumanie vota contre par erreur.


Avec l'AFP, l'ONU et Salim Lamrani - Cuba face à l'Empire