Guerre contre l’Iran : le Pentagone hésite

2007/11/18 | Par Michel Chossudovsky

Alors que les plans américains d’attaque contre l’Iran sont dans un état avancé de préparation, les divisons se creusent à propos de ces attaques entre les militaires et la Maison blanche.

Selon l’Associated Press du 8 novembre, « des responsables de la défense américaine confirment que des plans d’attaque actualisés sont prêts si cela s’avérait nécessaire dans l’escalade de la crise autour des objectifs nucléaires de l’Iran, bien que des frappes ne soient apparemment pas imminentes… Parmi les cibles possibles, outre les installations nucléaires comme la centrifugeuse de Natanz, il y a les sites de missiles balistiques, les bases des Gardiens de la révolution, et des ressources de guerre navale que Téhéran pourrait utiliser en fermant par représailles le détroit d’Hormuz, une artère vitale pour l’écoulement du pétrole du Golfe. »

Ces préparatifs de guerre en cours correspondent bien aux déclarations officielles et menaces politiques dirigées contre l’Iran par le président Bush et le vice-président Cheney.

Le 12 octobre, Bush a lâché une bombe en déclarant que la confrontation avec l’Iran pourrait conduire à une « Troisième Guerre mondiale ». Dans une interview télévisée ultérieure, Bush a clarifié pourquoi il avait parlé de « Troisième Guerre mondiale ». C’était, a-t-il déclaré « parce qu’il y a un pays, l’Iran, qui a défié l’AIEA… »

Cette déclaration est un mensonge éhonté. L’AIEA a confirmé dans un rapport d’août dernier la nature civile du programme nucléaire iranien.

Le vice-président Dick Cheney a déclaré le 21 octobre que l’Iran subirait des « conséquences sérieuses » s’il ne se conformait pas aux exigences américaines concernant son programme nucléaire.

Cheney continue à chercher un prétexte qui justifierait le déclenchement d’une guerre contre l’Iran, y compris un « Second 11 Septembre » ou une « urgence de catastrophe » aux États-Unis.

Simultanément, les candidats à l’élection présidentielle, Rudi Giuliani le Républicain et Hillary Rodham Clinton la Démocrate ont tacitement adopté la position de l’administration en place sur l’Iran.

La « capacité à mener des guerres » de l’armée américaine

Ces déclarations agressives de la Maison blanche sont en contradiction avec celles qui émanent de militaires américains.

Le nouveau président de l’État-major conjoint interarmes, l’Amiral Michael Mullen, en poste depuis le début du mois d’octobre a reconnu, tout en soutenant largement la Maison Blanche, les faiblesses militaires américaines.

Les guerres en Irak et en Afghanistan « peuvent avoir miné la capacité de l’armée à combattre des guerres contre des adversaires plus importants – dont l’Iran. » ( cité dans Haaretz, 22 Octobre 2007).

Dans une interview accordé New York Times, Mullen a déclaré : « ...Les risques pourraient être très, très élevés.... En ce moment, nous sommes en conflit dans deux pays là-bas…Il nous faut être incroyablement prudents sur le potentiel d’un conflit avec un troisième pays dans cette partie du monde. »

Les hésitations de Mullen à déclencher une guerre contre l’Iran ne se fondent pas sur des divergences dans les positions politiques, mais sur une évaluation réaliste des capacités militaires américaines.

L’Amiral Mullen reconnaît que l’armée américaine est en surchauffe. L’armée américaine fait face à un sérieux problème de recrutement.

En outre, le Pentagone reconnaît implicitement que les Etats-Unis et les forces de la coalition se heurtent à une résistance féroce aussi bien en Afghanistan qu’en Irak.

L’Amiral William Fallon, Commandant du Commandement central américain (USCENTCOM), et supporteur enthousiaste des plans de guerre de Bush-Cheney, a aussi minimisé les possibilités d’une guerre avec l’Iran. « L’Iran n’est pas dans mon planning », a-t-il déclaré.

Fallon est parfaitement conscient des capacités de l’Iran à infliger des pertes significatives aux Etats-Unis et aux forces de la Coalition.

Sur le front diplomatique

Pendant ce temps, la Maison blanche exerce des pressions sur l’Allemagne et la France pour que ces deux pays imposent de dures sanctions économiques à l’Iran.

Le Président Sarkozy a exprimé un soutien inconditionnel au président américain lors de son discours devant le Congrès. Bush et Sarkozy ont présenté, lors de la conférence de presse du 7 novembre, ce qui a été appelé par les analystes politiques un « front commun », appelant à l’imposition de sanctions économiques dures à l’Iran.

Le samedi 10 novembre, la Chancelière allemande Angela Merkel est arrivée au ranch texan de Bush pour des discussions avec le président. Merkel a déclaré : « Si l’Iran ne cède pas, l’Allemagne est prête à de nouvelles sanctions plus contraignantes. »

Ce qui émerge désormais, ce sont des efforts de Washington pour isoler l’Iran. À travers les négociations en cours avec l’Allemagne et la France, Washington pousse à l’imposition d’un régime de sanctions économiques (sous les auspices de l’Union européenne) contre Téhéran.

Ce qui est en jeu, ce sont les intérêts commerciaux européens, notamment ceux des entreprises pétrolières européennes, en Iran. Le vice-président Cheney a menacé les multinationales européennes dans une déclaration, le 8 novembre dernier. « Si elles restent en Iran, elle auront des problèmes pour faire des affaires aux Etats-Unis », a-t-il déclaré. (Guardian, 9 novembre).

(Sur la photo: le président iranien Mahmoud Ahmadinejad)