L'APTS écartée par le Groupe Castonguay

2007/11/27 | Par Pierre Dubuc

« Nous n'avons pas été invités à rencontrer le Groupe de travail de Claude Castonguay sur la santé », de nous déclarer Dominique Verreault, la présidente de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS).

Que l’APTS ait été écartée des consultations menées par le Groupe Castonguay a de quoi étonner. L’APTS est un joueur majeur dans le domaine de la santé. Elle représente 26 000 membres répartis dans 120 établissements du Québec, soit plus d’une centaine de titres d’emploi différents du secteur public de la santé et des services sociaux.

Mais au fil de l’entrevue que nous a accordée la présidente Dominique Verreault – de son métier une technologue en radiologie – les raisons de cette mise à l’écart se précisaient.

Comment on a réglé les délais d’attente en radio-oncologie

Mme Verreault aborde en effet les problèmes de notre système de santé par un angle peu commun : les solutions ! Elle nous entretient de quelques expériences vécues auxquelles a été mêlé son syndicat. Une première expérience, les listes d’attente en radio-oncologie. Ai-je dit « listes d’attente »? Dominique Verreault me corrige immédiatement. « Il faut plutôt parler de ‘‘délais d’attente’’. Que la liste soit longue ou courte, ça n’a pas d’importance, ce qui compte c’est le temps d’attente. »

Elle rappelle qu’il y a quelques années, les délais en radio-oncologie étaient tels que le gouvernement envoyait des patients se faire traiter dans des hôpitaux américains.

« Il y avait bel et bien pénurie de personnel », reconnaît-elle. Mais la seule solution alors envisagée était de demander aux quelques 250 à 300 technologues de faire du temps supplémentaire sur une base volontaire. Il y en a qui s’épuisaient. D’autres refusaient systématiquement. Cela créait un mauvais climat de travail.

« Nous avons plutôt proposé que tous acceptent de faire du temps supplémentaire obligatoire, moyennant une prime, le temps de diminuer les délais d’attente. En un an, les délais ont été réduits de moitié, passant d’une durée de 20 à 24 semaines à un temps d’attente de 10 à 12 semaines. Aujourd’hui, c’est en deçà de 4 semaines, ce qui est un délai médicalement acceptable. Et, plus personne ne fait de temps supplémentaire! », nous confie-t-elle.

« Si jamais, enchaîne-t-elle, le délai d’attente dépasse les 4 semaines, on prend immédiatement les mesures appropriées. Ça peut être de rétablir le temps supplémentaire obligatoire, le temps de régler le problème. »

Les dommages collatéraux de la privatisation

Pour Dominique Verreault, la solution aux problèmes actuels passe par une meilleure utilisation des ressources et la complémentarité des personnels, Parfois, les décisions prises par les autorités médicales et ministérielles ont des conséquences cachées et insoupçonnées.

Pour l’illustrer, elle nous donne l’exemple des traitements en réadaptation et en physiothérapie pour les victimes d’accidents de travail ou de voiture. « Autrefois, les clients de la CSST et de la SAAQ étaient tous traités dans le secteur public. Cela permettait aux établissements d’embaucher des professionnels à temps plein qui pouvaient traiter d’autres patients que ceux des sociétés d’État », explique-t-elle.

« Mais la privatisation de ces services a entraîné la disparition de ces ressources dans les établissements publics. Des patients qu’on pouvait traiter ne le sont plus avec pour conséquence que leur état s'aggrave et qu’on les retrouve par la suite aux urgences. »

La dérive vers le privé ou encore des décisions administratives incompréhensibles font en sorte que des installations neuves ne sont pas utilisées. « C’est le cas au Centre hospitalier Charles-Lemoyne, souligne-t-elle, où toute une aile de réadaptation ultra-moderne, récemment construite, sert de salle de débordement à l’urgence! »

Les laboratoires les plus performants en Amérique du Nord

Le travail de réorganisation en lien avec les laboratoires est un troisième exemple de réussite du secteur public pour diminuer les délais d’attente. « Plutôt que de fixer des rendez-vous pour des prises de sang ou des analyses d’urine, on a ouvert les CLSC à partir de 6h30 ou 7 heures le matin. Les gens se présentent quand ils les veulent ou le peuvent. Il n’y a presque pas d’attente pour ces services sans rendez-vous. »

La présidente de l’APTS ne manque pas de souligner que « nos laboratoires sont reconnus comme étant les plus performants en Amériques du Nord. Et nous avons réussi à contrer le développement des laboratoires privées. »

Ces exemples de réussites du secteur public, Dominique Verreault peut les multiplier. Dans les champs de compétence de ses membres, mais aussi dans les autres secteurs du système de santé. Elle nous parle de la Cité de la santé à Laval qui a réservé deux salles d’opération aux chirurgies du genou et de la hanche, avec pour effet de diminuer considérablement les délais d’attente.

Elle, qui a pratiqué pendant 17 ans à Chicoutimi, s’enthousiasme pour l’expérience multidisciplinaire pour le traitement des maladies pulmoniaires à Roberval qui permet à un médecin de voir plus de patients en le déchargeant d’un certain nombre de tâches et de contrôles.

Pour Dominique Verreault, les solutions aux problèmes du système de santé se trouvent au sein même du système. On comprend que ce n’est pas exactement le discours que Claude Castonguay veut entendre !

La flambée des primes d’assurances privées

L’approche que défend l’APTS est celle d’une plus grande importance accordée à la prévention, accompagnée d’une défense des principes de l’universalité et de l’accessibilité aux soins. Dominique Verreault déplore la désassurance des soins dentaires et des examens de la vue, des services qui sont aujourd’hui assumées par les clients ou par leurs assurances privées. Les primes de ces dernières sont d’ailleurs en pleine explosion.

« Nous avons de bonnes assurances complémentaires pour nos membres, nous explique-t-elle. Mais les coûts ont augmenté de 30 à 40% au cours des dernières années. Il en coûte présentement 3 000 $ en primes pour un régime familial moyen. C’est énorme. On voit bien que ce n’est pas la direction à prendre », conclut-elle.

Présente sur le terrain avec le SISP

Au mois de septembre dernier, la présidente de l’APTS a participé, avec d’autres syndicalistes québécois, au congrès de l’Internationale des services publics à Vienne en Autriche. « Nous avons constaté par le témoignage de nos collègues d’autres pays que la situation au Québec et au Canada n’est pas unique. Partout, à travers le monde, il y a une offensive en faveur de la privatisation des soins de santé. »

Aujourd’hui, l’APTS a joint les rangs du Secrétariat intersyndical des services publics avec la CSQ, le SFPQ, le SPGQ et la FIIQ. Le regroupement syndical, fort de 350 000 membres, a entrepris une campagne auprès de ses membres et de la population pour la défense des services publics, mais aussi pour le rétablissement des droits syndicaux brimés par l’imposition des conditions salariales et de travail par décret en décembre 2005.

« Par suite du décret, 26 sujets de négociation ont été transférés au plan local sans échéance de renégociation. On est pris avec cela jusqu’à ce que l’employeur veuille les changer! C’est inadmissible ! », lance-telle.

Sur ce terrain, comme sur celui de la défense des services publics et de notre système de santé, l’APTS fera entendre sa voix au cours des prochains mois, cette voix que le Groupe Castonguay n’a pas voulu entendre.