L’achat d’une maison : dépense ou investissement?

2008/01/14 | Par Jean-François Vinet

Qui n’a pas déjà entendu la sage parole qui dit que l’achat d’une propriété est LE meilleur investissement pour l’avenir ? Elle constituerait un gage durable et concret qui permettra de bénéficier, après le remboursement de l’hypothèque, d’un endroit peu coûteux pour se loger.

Mais est-ce vraiment le cas? Comment, un bien qui coûte à long terme presque autant d’intérêt que de capital, qui demande des paiements de taxes supplémentaires, qui coûte plus cher qu’un logement en électricité et en assurance et qui demande des investissements substantiels en réparation peut-il être considéré comme un investissement?

Si une maison est un investissement alors pourquoi les entreprises n’en achètent-elle pas? En effet, ne devrait-il pas y avoir des entreprises qui exploitent des maisons de manière à en extraire une plus-value?

Dans la réalité, ce n’est pas le cas parce que l’achat d’une propriété doit être considéré comme une dépense ou, si l’on préfère, un investissement pour améliorer sa qualité de vie. Son acquisition donne à l’acquéreur un chez-soi particulier, de l’espace, un statut social, mais très rarement un profit.

Même s’il est vrai que certaines personnes réaliseront une plus value, ces derniers auront bénéficié d’un événement imprévu qui n’a pas été calculé dans le prix d’achat.

Par exemple, lorsque la municipalité décide de prolonger le métro à proximité de votre domicile ou encore lorsqu’une entreprise s’installe dans votre localité et stimule l’activité économique. Cependant, dans la majorité des cas, ce ne sera pas le cas.

Les vendeurs de rêves

Or, le mythe qu’une maison représente l’investissement le plus important d’une vie est largement répandu au Canada. Il fait partie du fondement du rêve américain. Mais pourquoi?

Dans un premier temps parce que plusieurs personnes ont intérêt à faire perdurer ce mythe : les banques qui prêtent de l’argent, les compagnies d’assurance, les propriétaires fonciers, les promoteurs immobiliers, la panoplie d’entreprises liées à la vente de propriété, à la fabrication de maisons, à l’exploitation de ressources naturelles, à l’installation de services publics, à la vente de produits nécessaires aux rénovations et les gouvernements qui perçoivent des taxes supplémentaires en raison de la propriété.

Un univers de parasites gravite autour de ce soi-disant investissement et ils ont tous intérêt à faire croire que notre belle et grande maison a été un excellent investissement.


Un contexte différent pour les générations X et Y

Dans un deuxième temps, il y a l’aspect générationnel. Les Boomers ont connu une période d’euphorie économique. De façon massive, ils ont acheté des propriétés qui ont énormément augmenté de valeur. Pour eux, le choix fait se rationalise et se comprend compte tenu du contexte spécifique qu’ils ont vécu.

La chose n’est plus la même pour les plus jeunes générations. Les meilleures localisations sont déjà achetées et se vendent à des prix exorbitants. Pour la majorité, accéder à la propriété implique un déplacement considérable vers les banlieues éloignées de la ville et donc de leur emploi. Ce qui entraîne des coûts supplémentaires de déplacement.

De plus, le départ à la retraite des Boomers pourrait entraîner une baisse réelle de la valeur des maisons. En effet, une fois leurs progénitures hors du foyer et étant donné la baisse de revenu associée à la retraite, la génération des Boomers risque fort de vouloir se départir, à long terme, de leur propriété.

L’augmentation de l’offre pourrait conséquemment entraîner une baisse de la valeur des maisons disponibles sur le marché.

En fin de compte, nous avons souvent tendance à croire trop facilement ce qui est dit autour de nous. De surcroît, les entreprises comme les gouvernements ont tellement intérêt à nous faire croire que nous sommes chanceux d’être dans le meilleur pays du monde que nous finissons peut-être par y croire.

Deux livres m’ont particulièrement inspiré pour écrire cet article. Je vous les recommande fortement :

Éric Brassard, Un chez moi à mon coût
Stephen Jarislowsky, Dans la jungle du placement
Et dernièrement Paul-André Linteau, Maisonneuve : comment des promoteurs fabriquent une ville



( Sur la photo : maison modèle portsmouth / source : maison-laprairie.com )