42 millions de dollars dilapidés !

2008/02/25 | Par Michel Lemay

Michel Lemay est porte-parole national de l'Union des comités de citoyens du Québec

Kamouraska - Les contribuables du Québec ont appris par le Commissaire au développement durable du Québec, monsieur Harvey Mead, que 42 millions de dollars de leurs taxes ont été distribuées par la Financière agricole à 57 éleveurs porcins qui ne respectaient pas les mesures relatives à l'«écoconditionnalité» selon l'article 19 de la Loi sur La Financière agricole du Québec ( voir aussi le chapitre Q-2 de la Loi sur la qualité de l'environnement).

En clair cela signifierait que la Financière agricole a enfreint la loi qui l'a créé, qu'elle a outrepassé ses pouvoirs et qu'elle se serait substituée aux élus pour établir ses propres critères d'attribution des deniers publics.

Les règles de bonne gouvernance auraient été carrément bafouées. De tels agissements sont d'autant plus inquiétants que le commissaire n'a eu accès qu'à de rares données rendues disponibles par le MAPAQ.

Demande d’enquête

De telles allégations exigent une enquête immédiate du gouvernement sur la Financière agricole et, si justifié, une action en justice pour recouvrer les 42 millions qui, soit dit en passant, n'ont sûrement pas été distribués à de petits producteurs (plus de 735 000 $ par producteur).

Ces révélations du commissaire Mead sont également révélatrices du non-sens de ce système. Les données du MAPAQ sont supposées servir de critère écoconditionnel pour déterminer si un producteur peut se faire rembourser ses taxes municipales par l'État (jusqu'à 80 % ).

Ce programme à lui seul gruge 95 millions des finances publiques majoritairement distribués aux grands producteurs sans égard aux besoins des fermes familiales.

En ne faisant pas appliquer ses propres lois, l'État subventionne d'une main une minorité de grands producteurs alors qu'elle dépense de l'autre main pour corriger les situations environnementales engendrées par certains pollueurs subventionnés.

Est-il du rôle de l'État de payer les taxes municipales des grands producteurs qui sont des industries et non des fermes familiales ? Comme citoyens contribuables du Québec, avons-nous le droit d'exiger des corrections immédiates ?

Comment en somme-nous arrivés là ?

La Commission sur l'avenir de l'agriculture nous fournit quelques réponses. Elle souligne que le ministère de l'Agriculture n’est plus perçu comme une organisation ayant le leadership nécessaire pour dégager une vision mobilisatrice de l’agriculture.

Pour cause ! La Loi permet à la Financière de prescrire toute mesure nécessaire à la mise en application de la présente loi. À ces fins, elle peut notamment accorder une aide financière et en déterminer les conditions et les limites d'application, établir les critères servant à déterminer les entreprises qui peuvent bénéficier d'une aide, établir annuellement le prorata des contributions d'une entreprise, désigner les personnes qui peuvent agir comme prêteur en vertu d'un programme de financement et même déterminer quel engagement financier sera consenti dans le cadre d'un programme d'assurance.

La Financière contrôle également près des 2/3 du budget du MAPAQ. De tels pouvoirs et de tels moyens sont normalement attribués à un ministère dirigé par un élu imputable envers la population. La démocratie en prend pour son rhume !

D'autant plus que l'UPA est surreprésentée sur le conseil d'administration et place la Financière dans une situation de juge et partie.

Qui gouverne, le ministère ou l’UPA ?

Ces problèmes majeurs de gouvernance inhibent la capacité du MAPAQ à jouer son rôle. Cela démontre, s'il est encore besoin de preuve, où a mené le monopole syndical et la nécessité de l'abolir si on veut pouvoir changer les choses.

Penser qu'on peut changer ces choses sans éliminer ce monopole, c'est comme s'imaginer qu'on peut changer quelque chose en forêt sans abolir les CAAF (Contrat d'approvisionnement et d'aménagement forestier), et donc, sans toucher aux compagnies forestières.

La Financière cumule un déficit de 352 millions de dollars et le prochain bilan financier risque d'être encore plus catastrophique.

De tels constats exigent une action immédiate de la part du gouvernement, soit de mettre en tutelle ce monstre jusqu'à ce que la loi sur la Financière soit modifiée.

En attendant, nos élus doivent réaliser qu'ils sont imputables de la bonne gestion des deniers publics et que les citoyens sont très sensibles à l'injustice. La commission Gomery en est le plus bel exemple !