Nouvelles du Saguenay : Le cuisinier bio

2008/02/29 | Par Pierre Demers

Pierre Demers est correspondant au Saguenay-Lac-Saint-Jean.

André Michaud est cuisinier bio et directeur du développement des affaires aux épiceries Corneau-Cantin de Kénogami et de Chicoutimi. Des épiceries modèles en ce qui concerne le respect des produits locaux et de l'environnement et du recyclage.

1. Le rapport de la commission Pronovost pointe-t-il avec justesse les problèmes majeurs de l'agriculture et de l'alimentation québécoise?

De toute évidence, le rapport Pronovost cible bien l’ensemble des problématiques qui touchent de près ou de loin le secteur de l’Agroalimentaire au Québec. La diversité des rapports qui y ont été soumis ont fourni les éléments nécessaires pour produire un rapport complet.

Producteurs, transformateurs, distributeurs, syndicats, consommateurs, organismes coopératifs et associations de toutes sortes, tous les intervenants du secteur y ont apporté leur contribution ainsi que leur vision de la situation avec une étonnante rigueur et détermination. Il faut croire que le fruit était mûr.

2. Dans une région comme le Saguenay/Lac Saint-Jean, les consommateurs sont-ils conscients de l'importance de la provenance de leurs aliments?

Ni plus ni moins que dans les autres régions. Bien que le phénomène tend à prendre de l’ampleur, il n’en demeure pas moins qu’il est pour le moment marginal quoi que l’on en dise.

La problématique se situe au niveau de la chaîne de valeurs. C’est à dire que l’information qui vient de la base, soit par le producteur, le transformateur ou via une fédération de producteurs ne se rend pas au final ou encore marginalement au consommateur.

Le distributeur, ayant à faire face à une concurrence pour le moins féroce au sein de son industrie, tend à entretenir une certaine confusion en ce qui a trait à la traçabilité des produits ainsi qu’à leurs caractères distincts.

Le lien brisé au cours des dernières années entre le consommateur et le producteur est en partie responsable de cette méconnaissance et de ce peu d’intérêt des consommateurs pour les produits dit de proximité.

3. Les gens d'ici sont-ils conservateurs en cuisine? Autrement dit mangent-ils trop souvent les mêmes produits et sont-ils fermés à l'alimentation internationale?

Il faut comprendre que 20% des produits d’un supermarché génèrent 80% des revenus au sein de l’industrie.

Cela dit, les choses ont quand même bien changé depuis 30 ans. Le phénomène d’immigration (impact de la communauté Italienne, marché Jean-Talon) est selon moi la première cause de ce changement.

On peut identifier en second lieu l’augmentation des voyages des consommateurs à l’extérieur du Québec.

Au Québec proprement dit, il y a ce que j’appellerais l’effet Pinard qui a largement contribué au début des années 90 à vulgariser ce principe de provenance, de méthode de culture et d’élevage.

4. Les agriculteurs de la région sont-ils les otages de l'UPA comme dans les autres régions du Québec?

La question n‘est pas aussi simple que cela. Il faut avant toutes choses distinguer les petites productions dites de niche avec les industriels de l’agriculture. Encore là, il y a des subtilités qu’il faut analyser.

Effectivement, les petits producteurs sont certainement moins à l’aise dans un cadre de monopole de l’UPA. Les outils de commercialisation des fédérations qui les chapeautent ne conviennent pas toujours pour mettre en marché ces produits de niche.

L’exemple le plus frappant est celui des producteurs de produits d’érable marginaux qui souffrent considérablement de cette situation.

Par contre, il n’en demeure pas moins que plusieurs artisans fromagers ont quand même réussi à se tirer d’affaires dans ce contexte.

Tout n’est pas blanc ou noir, mais je pense que le système doit de toute évidence être reconsidéré ou pour le moins actualisé. Et c’est là que nous arrivons à la recommandation choc du rapport Pronovost. Sera t-elle pris en compte par le gouvernement qui a mis en place cette commission? Je n’en suis pas certain.

5. Quelles sont les conséquences du monopole ancestral de l'UPA sur les conditions de vie des agriculteurs et sur l'alimentation québécoise?

À mon avis, le problème se situe au sein même de la structure. Le contexte mondial dans son approche néo-libéraliste déstabilise une entité syndicale telle que l’UPA.

Je pense qu’il est fondamental que l’UPA ou toute autre organisation du même type soit assurée dans sa pérennité pour préserver certains acquis gagnés au fil des ans par l’industrie. Mais pas au détriment de certains artisans qui ont la volonté de faire autrement.

Il est d’un paradoxe déconcertant qu’une structure syndicale s’oppose à la création de petits syndicats qui veulent protéger les petits producteurs.

6. Est-ce que l'avenir de l'agriculture et de l'alimentation québécoises passe par une meilleure éducation et information au Québec? On compte sur les doigts d'une main les journalistes spécialisés dans ce domaine.

L’information et l’éducation passent marginalement par une approche journalistique. L’impact se situe au niveau du point de vente.

Tant et aussi longtemps que les producteurs et les transformateurs du Québec n’auront pas compris cela et ne se doteront pas eux-mêmes de leur propre réseau de distribution et de points de vente, la situation restera la même : un consommateur confus qui sera toujours insensible à l’importance de son geste d’achat, et qui considèrera strictement le facteur PRIX.