La démocratie de l’argent

2008/04/07 | Par Serge Mongeau

Dans Le Devoir du 6 septembre dernier, on pouvait lire l’information suivante :

« La Fondation Lucie et André Chagnon a promis hier d’investir 50 millions en dix ans pour aider le gouvernement à promouvoir une alimentation saine. La condition : que Québec légifère pour obliger les chaînes de restauration rapide et les fabricants d’aliments transformés à indiquer clairement sur leurs produits ou menus l’information nutritionnelle de ceux-ci. »

Voilà certainement une bonne idée. D’autres ont déjà demandé la même chose avant. Mais ils n’avaient pas le même poids (lire la même richesse) que la Fondation Chagnon, qui peut se permettre des engagements coûteux :

« Si Québec légifère, la Fondation poussera à la roue en payant ‘‘une intensive campagne d’information publique’’ pour favoriser les changements d’habitudes alimentaires des Québécois. »

Nous sommes dans la démocratie de l’argent! Que des associations de consommateurs réclament un meilleur étiquetage (par exemple pour l’identification des OGM), que les professionnels de la santé publique demandent diverses mesures pour la lutte contre l’obésité, le gouvernement québécois ne bouge pas. Mais qu’une Fondation privée appuie ses demandes de promesses de fonds supplémentaires, voilà qui fait sérieux.

Une fois encore, je ne veux discuter de la valeur des demandes de la Fondation Chagnon. C’est le processus qui m’inquiète, la renonciation du gouvernement à fixer ses priorités après consultation de la population pour se les laisser dicter par une fondation.

On va me dire : « Mais qu’est-ce que cela fait si ce sont de bonnes mesures qui sont entreprises? » Cette fois-ci, c’est le cas; en sera-t-il toujours de même?

Et il y a plus : car la Fondation exige d’avoir son mot à dire dans l’utilisation des fonds. Le Devoir nous rappelle que « plus tôt cette année, le gouvernement avait répondu favorablement à une autre proposition de la Fondation, qui promettait 200 millions dans la lutte contre l’obésité si Québec allongeait la même somme. »

Il y a quelques mois, j’ai voulu proposer au gouvernement un projet pour lutter contre l’obésité et on m’a adressé à la Fondation, car c’est elle qui administre la totalité des fonds destinés à ce programme. À la Fondation, on m’a répondu qu’il ne servait à rien de soumettre un projet, car M. Chagnon avait décidé de n’entreprendre aucun nouveau projet pendant qu’il évaluerait ce qui s’était fait.

Qui a élu M. Chagnon à la tête de sa fondation? Et à qui doit-il rendre des comptes? C’est cela la démocratie?

Serge Mongeau
19 septembre 2007