Nouvelles du Saguenay: Plus de bonheur à Alma ?

2008/04/07 | Par Pierre Demers

La nouvelle (?) est tombée comme une bombe ou un CF-18 dans un centre d’achats. On s’y attendait quelque peu. Les choses vont tellement mal dans la ville du maire Tremblay depuis… quelque temps.

L’équipe de hockey junior qu’on n’ose plus nommer s’est fait ramasser par le fils de Patrick Roy, Jonathan, des Ramparts de Québec en première de série. En clown de service, le maire Ti-Jean lui-même se promène avec le gilet de l’équipe de Québec sur le dos pour respecter une promesse faite au maire Régis Labeaume, autre gros ego municipal.

Et la cerise sur le sundae, le poil sur la soupe aux gourganes, Rimouski a décroché la finale de la coupe Mémorial à la place de Chicoutimi qui croyait dur comme fer qu’elle l’aurait.

Alma au troisième rang, Saguenay au douzième

Les choses vont mal à Saguenay, on dirait même que la neige fond moins vite qu’ailleurs et que les nids-de-poule ou d’orignaux sont plus profonds. Or donc, pour nous assommer encore un peu plus, nous citoyens malheureux de Chicoutimi, Jonquière, Arvida, Kénogami, la Baie, le Journal de Montréal et celui de Québec (ici on dit Le Journal DU Québec qu’on trouve gratuitement partout depuis que ses journalistes sont en lock-out) nous apprennent, le 5 avril, en grosses manchettes, que la ville d’Alma est rendue troisième (ex-æquo avec Rimouski) au palmarès des villes les plus heureuses au Québec loin devant Saguenay, qui est douzième. On n’ose plus sortir, on n’ose plus téléphoner au Lac de peur de se faire ridiculiser.

La nouvelle est prise au sérieux ici parce que c’est un quotidien de Montréal qui la diffuse. C’est toujours pareil, quand les autres (les médias montréalais) parlent de nous, on perd le Nord. On croit tout de suite que c’est la vérité toute crachée. Les journalistes de la région se font un devoir de surfer sur cette nouvelle.

Par exemple, toutes les nouvelles concernant l’avenir ou le passé de Alcan-Rio Tinto qui se retrouvent dans les pages économiques de La Presse ou du journal Les Affaires font automatiquement les manchettes ici.

Une grande enquête journalistique

Imaginez donc une nouvelle sur le degré de bonheur des gens du Saguenay ou du Lac. Surtout si la nouvelle vient directement du Journal de Montréal, qu’on considère ici comme un grand journal d’enquête (sic). Ben oui, c’est tout de même ce journal qui publie des reportages chocs sur les sectes, les chauffeurs de ministres qui ne respectent pas les limites de vitesse, les étudiants en grève qui perdent leur temps à l’université, les salaires des vedettes montréalaises, etc.

Et en plus, le IRB (l’indice relatif du bonheur) qui a servi à faire le palmarès du bonheur des villes du Québec a été compilé par un organisme sérieux, sans doute presque scientifique, IRB lui-même, un observatoire social indépendant qui mesure le bonheur avec des instruments statistiques précis au possible.

C’est sérieux tout ça parce que sinon, on n’en parlerait pas dans le journal. On nous explique donc qu’Alma est plus heureuse que les autres villes de la région du Saguenay Lac Saint-Jean parce que ces dernières sont encore plus amochées qu’elle. Mais les arguments du IRB ne tiennent pas la route quand on les examine de plus près. Ils seraient plus heureux que nous à Alma parce qu’ils sont situés sur le bord du Lac Saint-Jean et à la source de la rivière Saguenay. Nous autres aussi on est sur le bord de l’eau. Tout le monde a un chalet près d’un petit lac ou d’une rivière.

La ville d’Alma n’a pas été affectée par la crise forestière. Saguenay non plus ou pas beaucoup. C’est surtout dans le haut du Lac que cette crise risque de faire mourir des petits villages.

Alma vit d’espoir avec le mega-projet d’Alcan-Rio Tinto. Saguenay aussi. Enfin, la ville du maire Scullion (ex-militant écolo vert pur et dur devenu élu zélé à cravate) n’a pas d’emprunt et maintient les taxes au même niveau depuis dix ans.

Saguenay et son coloré maire médiatique essaient de faire la même chose, mais se voient obligé d’emprunter pour rencontrer les poursuites judiciaires qui pleuvent depuis quelque temps, des commerces et des multinationales qui n’ont pas prisé la dernière hausse de taxes.

Les vraies raisons

Mais que sont les raisons profondes qui font que le bonheur est plus palpable à Alma qu’à Saguenay ? Les raisons vraiment profondes ? Des amis d’Alma m’en ont refilé quelques-unes inédites.

La grosse bière coûte moins cher.

Les flics sont moins sur les dents et ne vous empêchent pas de respirer.

Le milieu culturel semble davantage uni et non compétitif.
La politique municipale n’est pas entre les mains d’une société plus ou moins secrète.

Le maire Scullion a ses défauts et aussi ses qualités. C’est tout de même le chum de Richard Desjardins.

L’été, tout le Saguenay se retrouve sur les plages du Lac et passe par Alma.

La piste cyclable qui part d’Alma pour faire le tour du lac a une valeur symbolique quand on s’interroge sur la joie de vivre régionale.

Les gens du Saguenay sont coincés, ceux du Lac et surtout d’Alma, encore libertaires.

La ville d’Alma n’a pas d’équipe de hockey junior et elle n’en désire pas pour le moment. Tout le monde fait du ski, de la raquette et du skidoo dans cette ville.

Seule consolation de ce palmarès bidon : mesurer le bonheur des villes ou de chacun c’est comme comparer des recettes de sauce spaghetti ou de pâté chinois, les gens du Saguenay sont heureux de voir la ville de Montréal recalée au 30e rang et bonne dernière des villes heureuses.

Ça confirme le préjugé saguenéen qui considère la ville des Canadiens (eux, ils gagnent pourtant…) comme un lieu de perdition et une ville si dangereuse que c’est mieux d’aller couché dans un motel à Longueuil quand on y passe.