Les « néo-lucides » contre-attaquent

2008/04/14 | Par Francis Halin

L'auteur est auteur-compositeur-interprète et finissant à la maîtrise au département de langue et littérature françaises de l'université McGill

Au Québec, comme dans plusieurs autres pays, il y a des gens qui se plaisent à prêcher la soi-disant bonne nouvelle selon laquelle la solution à tous les maux de la société serait d’injecter plus d’argent dans les coffres de l’État.

Si « les lucides » ont tenté sans succès dans le passé de convaincre les Québécois de payer davantage pour leurs services, un nouveau groupe de gens constitué de toutes allégeances politiques semble vouloir nous avoir à l’usure en nous présentant à nouveau le concept désuet ailleurs dans le monde « d’utilisateur-payeur ». Leur stratégie, guère subtile, consiste à faire croire à la population que ce débat n’a pas eu lieu… Appelons donc ces courageux : les « néo-lucides ».

D’abord, ces néo-lucides prônent une meilleure gestion de l’eau. Or, avant de demander aux contribuables québécois de payer pour leur eau, il faudrait, toujours selon leur logique d’utisateur-payeur, faire payer ceux qui siphonnent l’eau du Québec, c’est-à-dire les compagnies privées.

Prenons l’exemple de l’eau en bouteille. Depuis que Danone a acheté Patrimoine des eaux du Québec, il y a quelques années, Amaro est le seul embouteilleur québécois. Parmalat (Esker), Nestlé (Montclair), Pepsi (Aquafina), Dansani (Coca-Cola) possèdent notre eau. Quatre-vingt pourcent du marché de l'eau embouteillée au Québec coule désormais entre les mains des multinationales étrangères. Le sacro-saint principe d’utilisateur-payeur est indéfendable s’il ne tient pas compte de cette réalité.

Ensuite, les néo-lucides se servent de la situation d’Hydro-Québec pour justifier une hausse des frais d’électricité. Cela, même si l’entreprise a fait des profits de 2,9 milliards l’an dernier et que les exportations de la société d’État étaient à la hausse en 2007. La comparaison avec l’éternelle moyenne canadienne des coûts d’électricité ne tient pas la route. La société d’état engrange des profits. Elle doit les redistribuer. Le concept d’utilisateur-payeur serait plus équitable si les grandes compagnies consommatrices payaient le véritable coût de l’électricité sur le marché qu’elles exploitent.

Ces néo-lucides reviennent aussi avec l’idée selon laquelle une hausse de frais faille de scolarité est nécessaire. Si les tenants d’une telle idée veulent à tout prix les augmenter pour renflouer les coffres de l’état et ainsi mieux redistribuer cet argent neuf aux moins nantis de ce monde, pourquoi ne créent-ils pas un fonds? Ce fonds privé aiderait les plus pauvres à avoir accès à une éducation décente. Le concept d’utilisateur-payeur serait ainsi plus équitable.

Notons aussi chez les néo-lucides une envie puissante du retour du péage. Or, les citoyens du Québec se sont prononcés contre la prolongation de l’autoroute 25, le métro de Laval connaît une popularité inespérée… en d’autres termes la population demande davantage de moyens de transports alternatifs. Mais le message ne passe pas chez les néo-lucides. Ils évoquent leur concept d’utilisateur-payeur!

En ce qui trait aux frais des services de garde, le jargon peu littéraire des néo-lucides étonne une fois de plus par sa simplicité. En effet, d’après eux, nous devrions « ajuster périodiquement la contribution des parents ». Ici, la subtilité n’est même plus de mise, le gouvernement veut cesser de subventionner des garderies au même moment ou le modèle est repris dans tout le Canada tellement il est efficace et équitable.

Le concept d’utisateur-payeur est un leurre. Pour reprendre les termes de Joseph Facal, les néo-lucides auraient avantage à « faire œuvre de pédagogie » eux-mêmes dans leur approche. À moins que ce ne soit pas la pédagogie qui leur fasse défaut, mais que ce soit plutôt l’inexactitude des faits concernant la répartition de la richesse qu’ils ignorent volontairement ou non. À ce sujet, l’Institut de la statistique du Québec offre des chiffres que certaines gens jugent plus juste que l’Institut économique de Montréal.

À eux de refaire leurs devoirs donc.