Le Canada, goulag fiscal?

2008/04/22 | Par Raymond Favreau

L’auteur est coordonnateur du Conseil scientifique d'ATTAC-Québec.

Le refrain des chantres de service du monde des affaires est que, premièrement les Québécois sont les plus taxés de tous les Canadiens; et deuxièmement, que les Canadiens sont les plus taxés du monde industrialisé.

Ils ajoutent souvent que ceci a pour effet d’éloigner les investisseurs qui, autrement viendraient ici créer des emplois. On nous raconte de plus que le niveau des impôts au Canada (et/ou au Québec) incite nos effectifs les plus compétents à s’exiler aux États-Unis, car ils ne veulent pas tout donner au fisc. Est-ce vrai?

Première précision : le taux d’imposition corporatif québécois est le plus bas au Canada. Bernard Landry, quand il était Premier ministre, aimait s’en vanter, un peu comme le faisait autrefois Maurice Duplessis au sujet des faibles salaires des Québécois.

Deuxièmement, quand on regarde les taux d’imposition provinciaux, ils varient peu de province en province, sauf pour l’Alberta, qui a la manne pétrolière. Dans le cas du Québec, si les taux des particuliers sont légèrement plus élevés que dans d’autres provinces, il y a des services sociaux qui sont plus généreux, par exemple les garderies à prix modiques, et l’assurance médicaments, qu’on ne trouve pas dans toutes les provinces.

L’impôt des corporations

Et qu’en est-il de la prétention que le Canada est le pays où les corporations sont les plus taxées du monde occidental?

De 1997 à 2005, la moyenne des taux corporatifs des pays de l’OCDE est passée de 37% à 28,7%. Il s’agit des taux combinés, fédéral et provincial ou étatique dans le cas de fédérations.

Celui du Canada est passé durant cette même période de 44,6% à 36,1%, le situant derrière les taux de l’Allemagne (38,9%), des États-Unis (39,3%) et du Japon (39,5%). Le Canada n’est donc pas le plus taxé du monde occidental, comme aimeraient nous le faire croire les représentants du capital – et les politiciens.

Le discours dominant prétend aussi que les taux d’impôts élevés sont nocifs pour la productivité, drainant les ressources des entreprises. C’est plutôt le contraire qui ressort d’une étude du Fond monétaire international (WP/06/93), qui indique que les pays qui dépendent principalement des taxes indirectes ont des taux de productivité plus faibles que ceux dont l’essentiel de la recette fiscale provient des impôts sur le revenu.

L’auteur a étudié 26 pays, y compris ceux du G7. Les différences étaient importantes.

Le mythe de l’enfer fiscal

S’agissant de la comparaison entre le Canada, les États-Unis, et les autres pays du G7, les chiffres publiés annuellement par des grands cabinets internationaux de comptables agréés indiquent que la prétention que le Canada est un enfer fiscal est un pur mythe.

En 2007, KPMG a calculé que le Canada maintient son avantage sur les autres pays du G7 en ce qui a trait aux coûts d’y faire des affaires, ce qui tient compte des impôts, et que les coûts au Canada sont de 5,5% inférieurs à ceux aux États-Unis, et ce malgré la hausse du dollar canadien.

Pour ce qui est des impôts sur le revenu, ce même cabinet estime que pour le secteur manufacturier, le Canada est quatrième, après Singapour, le Royaume-Uni, et la Hollande, à imposer les taux les plus bas.

Et pour ce qui est des ristournes d’impôts pour la recherche, KPMG place le Canada en tout premier lieu pour sa générosité envers les entreprises. À noter que KPMG est habituellement considéré comme l’allié des multinationales, dont un très grand nombre ont recours à ses services pour réduire ou éviter les impôts.

Dans le groupe du taux faible-intermédiaire

L’OCDE compare le total des recettes fiscales des pays membres en pourcentage du PIB. En 2005, le ratio du Canada était de 33%, le situant parmi la catégorie des pays à taux faible-intermédiaire.

Pour les pays des groupes aux taux élevés et intermédiaires, c’est-à-dire la Suède, le Danemark, la Finlande, la Belgique, et la France, ainsi que l’Autriche, l’Islande et l’Italie les ratios dépassent 40%. Les États-Unis et le Japon, de l’ensemble à ratios faibles, se situaient aux d’environs de 27%. L’OCDE précise que les choses ont peu changé en 2007.

En ce qui concerne l’impôt sur le revenu des particuliers, d’après l’OCDE en 2005 le taux moyen affectant l’individu sans dépendants était de 37,5% pour l’ensemble de ces pays de l’OCDE et de 31,6% pour le contribuable canadien de cette catégorie.

Les taux correspondants pour le contribuable marié avec deux enfants était pour la moyenne des pays de l’OCDE de 27,7%, et de 21,5% pour le contribuable canadien de cette même catégorie.

Des études citées dans le Globe & Mail indiquent que le nombre de Canadiens hautement formés qui s’exilent aux États-Unis n’est pas très élevé et est compensé par les immigrants de formation égale.

On note aussi que la question des impôts ne pèse pas lourd dans les décisions d’aller travailler aux États-Unis. Pour beaucoup de chercheurs universitaires, le financement de la recherche et les équipements disponibles sont plus importants que les impôts. Voilà la réponse à la thèse du Canada en tant que goulag fiscal qu’avancent nos «experts» de services, inféodés à l’ultralibéralisme.