L’Office de financement de l’assurance-emploi

2008/04/27 | Par Pierre Céré

Par Pierre Céré, porte-parole du Conseil national des chômeurs et chômeuses (CNC)
René Roy, secrétaire général de la FTQ
Roger Valois, vice-président de la CSN
Daniel B. Lafrenière, vice-président de la CSQ


Il n’y a pas lieu d’entretenir un faux débat autour de la création de l’Office de financement de l’assurance-emploi. En effet, certains associent la création de cette société d’État à l’impossibilité, dorénavant, d’améliorer le régime d’assurance-emploi, prétextant que le gouvernement complète le mouvement de désengagement de l’État face aux chômeurs et que tout sera définitivement verrouillé.

À l’autre bout de ce défaitisme, et perchés sur la même corde, les conservateurs sont tentés de nous faire croire que tout est réglé, mission accomplie.

Nous nous portons en faux contre ces oiseaux du malheur.

L’an passé, le gouvernement minoritaire de Stephen Harper a refusé de se joindre à la majorité parlementaire qui soutenait un projet de loi (C-269) proposant des améliorations importantes au régime d’assurance-emploi. Ce gouvernement a plutôt décidé de faire tomber ce projet de loi, en 3e lecture, en refusant d’accorder la recommandation royale. Il opposait ainsi une fin de non-recevoir catégorique à toute forme de bonification, usant d’astuces et parfois de mépris pour arriver à ses fins.

Lors du dernier budget, avec l’idée de détourner l’attention, il annonçait la mise sur pied prochaine d’une nouvelle société d’État, l’Office de financement de l’assurance-emploi, qui sera responsable, comme son nom l’indique, de la gestion du compte de l’assurance-emploi.

Le plan budgétaire, au chapitre 3, nous informe que cette société devra :

· gérer un compte bancaire distinct, ce qui devrait mettre fin au détournement des cotisations ;

· fixer le taux de cotisation de façon à équilibrer les revenus (cotisations) et les dépenses (prestations et administration), en établissant d’emblée que la nouvelle Société ne pourra faire varier (à la hausse ou à la baisse) le taux de cotisation que de 15 cents par année, ce qui est déjà le cas actuellement ; et

· maintenir une réserve de 2 milliards de dollars pour faire face aux différentes situations.

Cette société d’État ne disposera d’aucun pouvoir et n’aura aucune capacité d’intervention pour modifier la loi et les règlements de l’assurance-emploi, ceci demeurant la prérogative du Parlement canadien.

Nous pouvons certainement nous réjouir du fait que la création d’un compte distinct empêchera dorénavant le détournement des cotisations versées au régime. Nous pouvons même constater que cette proposition gouvernementale répond probablement aux nombreuses campagnes de pression dénonçant le « vol de la caisse ».

Par contre, force est de constater que la mise sur pied de cette société d’État ne règle rien aux véritables problèmes que nous avons soulevés : 54 milliards de dollars versés en cotisations à la caisse ont été détournés pendant que le régime d’assurance-emploi était comprimé de telle façon qu’il ne protège plus aujourd’hui que 45% des travailleurs, tous y ayant pourtant cotisé.

Ces compressions ont réduit son accessibilité, diminué le nombre de semaines indemnisées en prestations, compliqué le calcul à la baisse du taux de prestations (période de base et dénominateur), etc. Les femmes et les jeunes en sont les premiers affectés.

C’est précisément l’injustice et l’iniquité de ces mesures que nous combattons depuis plus d’une dizaine d’années, et ces problèmes demeurent entiers. C’est cela qui est au cœur de notre action (par exemple avec les campagnes des Sans-Chemise) et qui continue d’être l’essence même de nos gestes, de notre parole, et c’est cela qui explique pourquoi, de façon imperturbable et sans relâche, nous organisons campagne après campagne, tablant sur l’élargissement de nos alliances et la recherche d’une solution politique.

La Marche des chômeurs d’octobre 2006 portait expressément cette volonté. En 2007, cela se traduisait par la mise sur pied d’une coalition qui dépassait, en force et en originalité, tout ce qui avait été vu jusqu’alors.

En effet, nous réunissions autour d’une Plate-forme de changement soutenant le projet de loi C-269, des députés des trois (3) partis politiques de l’opposition (PLC, NPD, BLOC), quatre (4) centrales syndicales (CSN, FTQ, CSQ, CTC) ainsi que le mouvement des chômeurs organisé au CNC (Conseil national des chômeurs et chômeuses).

Ne nous laissons pas distraire

L’enjeu central, majeur, unique oserions-nous dire, demeure l’amélioration du régime d’assurance-emploi pour faire en sorte qu’en situation de chômage, c’est-à-dire entre deux emplois, un travailleur puisse recevoir un revenu de remplacement afin d’assurer sa sécurité économique, et en bout de ligne sa dignité, et celle des siens. Cela est d’autant plus vrai dans un monde globalisé où l’emploi créé est souvent de nature temporaire, pour ne pas dire précaire.

Office de financement de l’assurance-emploi ou pas, cela ne changera rien aux objectifs que nous nous sommes fixés et notre volonté de changement demeure aussi puissante.

La bonification du régime, telle que nous la souhaitons, sera toujours dépendante de la volonté du Parlement et du gouvernement au pouvoir. C’est pourquoi cette bataille demeure éminemment politique, comme l’est celle pour la récupération des 54 milliards de dollars qui ont été détournés.

Nous savons aussi que toute amélioration du régime devra s’accompagner d’une hausse minimale du taux de cotisation. Cela tombe dans le sens. Rappelons quand même qu’une hausse de 10 cents affecterait des recettes de 840 millions de dollars, ce qui faciliterait effectivement l’œuvre de reconstruction du régime.

En d’autres mots, avec ou sans Office de financement de l’assurance-emploi, les enjeux exposés demeurent entiers, nos combats justifiés et la résolution, possible. Ne nous laissons pas distraire.