Le Mouvement Montréal français et les élections partielles

2008/05/08 | Par L’aut’journal 

Le Mouvement Montréal français profite des élections partielles dans deux circonscriptions de Montréal et une de l'Outaouais le 12 mai prochain pour vous demander ainsi qu'aux autres chefs des principaux partis politiques du Québec votre position sur quelques-uns des dossiers chauds relatifs à la situation du français à Montréal, dans l'Outaouais et au Québec en général.

Nous avons cinq questions à poser aux chefs et nous nous engageons à publier les réponses dans le prochain bulletin électronique du MMF qui paraîtra le 8 mai, soit quatre jours avant l'élection.

Les exigences pour donner une chance égale à tous : un texte d'un maximum de deux pages à simple interligne, police de caractère Verdana, taille 11, remis avant le 7 mai à midi sur support informatique Word.

Le MMF s'engage à reproduire les textes qui respecteront ces exigences dans l'ordre alphabétique des noms des partis politiques : Action démocratique du Québec, Parti indépendantiste, Parti libéral, Parti québécois, Québec solidaire, Parti vert.

Question 1. Le Devoir du 8 avril 2008 rapportait que : « Québec s'adresse en anglais aux trois quarts des immigrants allophones. » Quelle est votre position au sujet de cette situation?

Question 2. Plus de 50% des Québécois allophones optent pour le cégep anglophone, encourageant ainsi l'anglais comme langue de travail. Quelle est votre position au sujet de cette situation?

Question 3. Alors que la population anglophone de langue maternelle dans la région de Montréal n'est que de 13%, comment justifiez-vous le financement à proportion égale de deux mégas centres hospitaliers de santé détenant des statuts linguistiques différents, soit le Mcgill University Health Center et le Centre hospitalier de l'Université de Montréal?

Question 4. La Loi 101 a 30 ans et le français n'est toujours pas la langue de travail au Québec et en particulier à Montréal et dans l'Outaouais. Pire, l'usage de l'anglais au travail gagne du terrain. Que proposez-vous pour remédier à la situation?

Question 5. Quelles mesures concrètes proposez-vous pour contrer l'anglicisation croissante de l'Outaouais?

Nous espérons sincèrement que vous prendrez le temps de répondre à nos questions, car la situation du français préoccupe de plus en plus les électeurs et électrices.

Signé : le président du Mouvement Montréal français, Mario Beaulieu
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Réponses aux cinq questions reçues dans le délai demandé :

Parti indépendantiste : Éric Tremblay, chef du Parti indépendantiste

1. Le Parti indépendantiste condamne fortement le fait que le gouvernement du Québec, par l’entremise de ses ministères et organismes publics comme la RAMQ et la SAAQ, s’adresse en anglais aux trois quarts des immigrants allophones. Le P.I. condamne aussi sévèrement le fait que l’État québécois paie des cours d’anglais aux immigrants.

La Loi 101 stipule pourtant que la langue officielle du Québec et de son administration publique est le français. L’État québécois viole donc la Charte de la langue française en communiquant systématiquement avec les immigrants allophones en anglais.

Le gouvernement leur envoie ainsi le message que le Québec est un État bilingue et que l’on peut très bien y vivre uniquement en anglais. Alors que le français ne cesse de régresser, notamment à Montréal où plus de 60 % des allophones y vivent et y travaillent en anglais, le bilinguisme institutionnel pratiqué par l’administration publique québécoise accélère l’anglicisation des immigrants et l’assimilation du peuple québécois.

Rien pour corriger le problème de l’intégration des immigrants à notre nation et non à la nation étrangère d’à côté sur notre propre sol. On repassera pour la francisation des nouveaux arrivants. En plus de l’abolition des COFI par le PQ, voilà le résultat de l’approche clientèle appliquée par les gouvernements successifs péquistes et libéraux depuis 1996.

Le manque de vision nationale et de volonté politique de ces partis provincialistes menace la pérennité de notre langue, de notre culture et de notre identité. Dans un Québec indépendant, sous la gouverne du Parti indépendantiste, le français deviendra la langue véritablement officielle et commune du Québec.

2. Le Parti indépendantiste sait que les institutions d’enseignement postsecondaires constituent un puissant vecteur d’intégration. C’est pourquoi les allophones devraient obligatoirement fréquenter les cégeps français.

Encore une fois, les gouvernements successifs péquistes et libéraux ont fait preuve d’un manque flagrant de vision nationale en n’étendant pas l’application de la Charte de la langue française en matière d’enseignement au niveau collégial.

En étudiant dans les cégeps anglais subventionnés par l’État québécois, plus de la moitié des allophones y reçoivent une formation qui les prépare soit à étudier dans les universités anglaises ou à exercer leur métier au Québec en anglais. On ne doit pas se surprendre de voir l’anglais s’imposer de plus en plus comme langue de travail à Montréal. Ce sont les Québécois unilingues français et les nouveaux arrivants qui ne parlent pas l’anglais qui en paient le prix.

Dans un Québec indépendant, sous la gouverne du Parti indépendantiste, le cégep français deviendra obligatoire pour tous. La Loi 101 sera renforcée afin de rendre le français obligatoire des CPE au cégep. Un seul réseau scolaire public en français sera financé par l’État québécois, comme dans tous les pays normaux. Ces mesures en éducation permettront d’assurer l’intégration des nouveaux arrivants à notre nation et contribueront à lutter contre l’anglicisation des milieux de travail.

3. Le Parti indépendantiste désapprouve la construction du méga centre hospitalier universitaire de langue anglaise de l’Université McGill (MUHC) et demande au gouvernement du Québec de mettre un terme au projet.

La construction de deux mégas centres hospitaliers universitaires à Montréal, l’un de langue française et l’autre de langue anglaise, financés à parts égales par l’État québécois constitue une aberration compte tenu du faible poids démographique de la population de langue maternelle anglaise.

Le Québec est officiellement un État français. Les fonds publics ne doivent donc pas servir à financer des projets qui servent à angliciser et à assimiler notre peuple.

Le Parti indépendantiste propose la construction d’un seul centre hospitalier universitaire en français à Montréal réunissant les facultés de médecine de l’Université de Montréal et de l’Université McGill. Ainsi, les nouveaux médecins seront formés en français, la recherche s’effectuera en français et les soins prodigués aux patients le seront en français. Fini l’exode des médecins formés à McGill à même les impôts des contribuables québécois et les Québécois qui se font soigner par des médecins et infirmières qui ne parlent pas un mot de français.

Dans un Québec indépendant, sous la gouverne du Parti indépendantiste, l’État québécois financera un seul système public de santé fonctionnant en français. Bien sûr, les anglophones continueront à recevoir des soins dans leur langue.

4. Le Parti indépendantiste déplore que, 30 ans après l’adoption de la Loi 101, le français ne soit toujours pas la langue de travail au Québec et que l’anglicisation des milieux de travail dans la région de Montréal et en Outaouais ne cesse de s’accélérer. Camille Laurin, père de la Charte de langue française, avait raison d’affirmer en 1977 que sans l’indépendance le Québec français ne pourrait véritablement se concrétiser.

Aucune mesure incitative ne pourra faire en sorte que toutes les entreprises se francisent. Les certificats de francisation ont démontré leur limite. Pour que le français devienne la véritable langue de travail sur tout le territoire québécois, nous devons réaliser l’indépendance du Québec et renforcer la Loi 101 en y incluant des mesures coercitives fortes.

Toutes les entreprises ayant des activités au Québec, peu importe leur taille, devront offrir un milieu de travail français sous peine d’amende. Aucune entreprise ne pourra exiger la connaissance de l’anglais comme critère d’embauche à moins de faire la preuve de la nécessité d’une maîtrise de cette langue justifiée par un poste de travail en lien avec des activités internationales qui requièrent une telle connaissance.

Les Québécois doivent pouvoir travailler dans leur langue dans leur propre pays et ne pas être pénalisés parce qu’ils ne maîtrisent pas l’anglais. Aussi, toutes les communications de l’État québécois avec des entreprises ayant des activités au Québec devront se faire dans la langue officielle de l’État, le français.

5. Le Parti indépendantiste dénonce le fait que l’Outaouais s’anglicise à vitesse grand V. Pour contrer ce phénomène qui accélère notre assimilation, l’indépendance est nécessaire. Plusieurs municipalités de l’Outaouais se comportent comme si elles étaient ontariennes et fonctionnent en anglais. Pire, certains arrondissements, comme celui de Hull à Gatineau, sont annexés de facto à l’Ontario.

Puisque toutes les municipalités du Québec relèvent de l’État québécois, elles doivent respecter la langue officielle du Québec, le français. Les municipalités de l’Outaouais, comme toutes les autres, doivent être administrées en français. Elles doivent servir leurs citoyens et communiquer avec eux en français de même qu’avec les entreprises. Les séances des conseils municipaux doivent se dérouler en français. Les municipalités qui violeraient la loi seraient mises en tutelle par le gouvernement du Québec.

Pour le secteur privé, l’unilinguisme français doit être imposé en matière d’affichage; les raisons sociales doivent être francisées; la langue de travail doit être le français; les clients doivent être servis en français. Les entreprises contrevenantes se verront imposer de fortes amendes. L’Outaouais est québécois. Si nous ne réalisons pas rapidement l’indépendance, il deviendra irrémédiablement canadien.
Éric Tremblay, Parti Indépendantiste.

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Québec solidaire : Françoise David, Québec solidaire

1. Pour Québec solidaire, parti souverainiste et qui tient à ce qu’au Québec la langue des communications publiques soit le français, cette situation ne peut être considérée comme acceptable.

Il peut arriver qu’un fonctionnaire doive s’adresser en anglais ou dans une autre langue à un immigrant ou une immigrante qui arrive au Québec. Pourquoi? Parce que cette personne n’a pas pu suivre encore un cours de français. Cependant, le fonctionnaire ne peut en déduire que le nouvel arrivant désire s’exprimer éternellement en anglais.

Si une personne immigrante continue de recevoir des services en anglais, on envoie le message suivant : l’administration publique du Québec est bilingue. Les fonctionnaires doivent plutôt encourager les nouvelles arrivantes et nouveaux arrivants à s’inscrire à des cours de français.

Ces cours de français doivent exister partout où il y a une demande. Ils doivent être accessibles rapidement aux immigrantes et immigrants. Il faut aussi que l’administration publique québécoise fonctionne en français sauf lorsqu’elle fait affaire aux personnes de la communauté anglophone dont les droits historiques sont reconnus.

2. Cette situation est préoccupante. Cependant, rappelons que la proportion d’élèves allophones fréquentant un cégep francophone a augmenté depuis les années 1980, ce qui est tout de même encourageant.

Valorisons le français et surtout la qualité du français écrit et parlé! Donnons le goût de la culture francophone à tous les jeunes du Québec!

Rappelons aussi que des élèves francophones décident d’aller dans un cégep anglophone pour parfaire leur connaissance de la langue anglaise. Se pourrait-il qu’il existe des carences dans les méthodes d’apprentissage de l’anglais à l’école?

Nous n’irions pas jusqu’à affirmer qu’il y a un lien hors de tout doute entre la fréquentation du cégep en anglais et l’accroissement de l’utilisation de cette langue dans les milieux de travail.

Nous croyons, quant à nous, que la mondialisation des échanges de même que l’impérialisme culturel des États-Unis d’Amérique sont largement responsables des deux phénomènes.

Il arrive aussi que des francophones passent rapidement à l’anglais dès qu’ils ou elles sont en présence d’un cadre anglophone, sans exiger que les communications se fassent en français dans les milieux de travail. Il est vrai que la pression est forte : l’anglais est devenu la langue des affaires à l’échelle mondiale et les peuples doivent se battre pour conserver leur langue propre.

3. Si on prend la seule mesure comptable pour réagir à la présence de deux CHU, l’un francophone et l’autre anglophone, il est vrai que la situation annoncée semble curieuse. Par ailleurs, la communauté anglophone est l’une des communautés fondatrices du Québec moderne et elle a des droits historiquement reconnus. La présence d’un centre hospitalier universitaire anglophone n’est donc pas incongrue à ce titre.

De plus, la recherche qu’on y fera bénéficiera à tout le Québec. Le financement entre les deux CHU doit-il être de valeur égale? Cela se discute…surtout que ces deux hôpitaux, vont à eux seuls, drainer énormément d’argent public.

4. Québec solidaire propose que la Charte de la langue française s’applique aux entreprises qui comptent au moins 25 employés-es. De plus, il faut donner à l’OQLF des moyens en ressources financières et humaines pour vérifier ce qui se passe dans les milieux de travail.

La connaissance de l’anglais ne devrait pas être un critère d’embauche sauf là où l’entreprise ou le service public ou communautaire fait affaire de façon quotidienne avec une clientèle anglophone. On pense ici à un hôpital ou à des services sociaux en milieu anglophone. Ou encore à une entreprise d’import-export.

Il faut offrir des cours de français en milieu de travail de même que des congés linguistiques et soutenir les employeurs qui favorisent l’apprentissage du français chez leurs employés-es. Bref, le message doit être clair : au Québec, on travaille en français!

5. Toutes les mesures décrites ci-dessus s’appliquent à la situation de l’Outaouais. Dans l’Outaouais comme ailleurs, l’administration publique doit opérer en français sauf où le nombre d’anglophones le justifie (ce que prévoit déjà la Charte de la langue française). La langue de travail doit être le français sauf pour les raisons citées plus haut.

Des Ontariens franchissent la rivière et vivent désormais au Québec? Ils-elles entendront le message qu’en Outaouais ça se passe en français au travail et dans la vie publique.

Françoise David, Québec solidaire.

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Parti vert : Guy Rainville, chef du Parti vert du Québec

Monsieur Mario Beaulieu,

J'ai bien reçu votre invitation en date du 30 avril pour répondre à un questionnaire à remettre avant le 7 mai. Vos questions importantes soulèvent des questions de principe et des questions de modalités. Pour la seconde catégorie, vous me permettrez de ne pas vous apporter de réponses précises.

Au Parti Vert, il n'appartient pas au chef d'improviser au nom des membres. En temps normal, j'aurais dirigé vos questions vers le président du parti ou encore vers notre commission politique. Or, le président du parti est lui-même candidat dans une des élections complémentaires qui vient.

D'autre part, notre parti a pris la décision de se doter d'une commission politique lors de notre dernier congrès national en mars 2008 et cette commission est en voie d'être constituée. Je peux vous assurer qu'il me fera grand plaisir de vous acheminer nos réponses spécifiques, mais non pas dans les délais que vous avez établis.

Sur les questions de principe, il en va bien sûr tout autrement. En tout premier lieu, le PVQ croit dans le respect des lois. Toutes nos lois – y compris évidemment la Loi 101 – doivent être respectées par tous, mais tout d'abord par les gouvernements qui ont charge de les appliquer. De toute évidence, et les gouvernements du Parti libéral, et ceux du Parti québécois ont failli sur toute la ligne.

Le PQ, qui avait fait de la Loi 101 la « grande solution », annonce aujourd'hui qu'elle doit être réécrite. Ce parti a pourtant été responsable de son application pendant vingt ans. Le PLQ manifestement applique la loi du bout des lèvres seulement. L'un et l'autre ont été responsables de l'immigration, chacun pour une vingtaine d'années : nous n'avons toujours pas de vraie politique d'immigration. L'un et l'autre nous parlent de la situation de la langue française, mais de commission en office, d'expert en expert, de rapport en rapport, il est encore très difficile pour les citoyens de connaître la situation réelle.

Les deux partis se sont engouffrés dans la construction de non pas un mais de deux mégas-hôpitaux sans que jamais le grand public n'ait été informé du pourquoi de cette décision. Le Parti Vert, pour sa part, donne la priorité absolue en matière de santé à une approche préventive.

Vos questions font ressortir le fait que nos lois ne suffisent pas à la tâche, tout particulièrement quand les gouvernements qui en sont responsables s'appliquent à ne pas les respecter eux-mêmes.

Peut-être que la vraie réponse se situe au-delà de la loi. Peut-être faudrait-il reprendre l'expression de René Lévesque qui, comme on le sait, était réticent face à la Loi 101 et qui disait : « un peuple qui a besoin de la loi pour imposer sa langue ne mérite pas de la parler ».

Au Parti Vert, nous croyons bien sûr à l'importance de nos lois. Mais nous croyons encore plus fondamentalement à la souveraineté populaire. Les francophones comptent pour 80% de cette société. Si les dirigeants politiques faisaient vraiment confiance à cette importante majorité, ils préconiseraient, comme le fait le programme du PVQ, que le Québec se dote d'une constitution élaborée par une assemblée citoyenne, que le Québec introduise le processus d'initiative populaire, se donne une politique d'immigration, élise son premier ministre au suffrage universel, abolisse la discipline de parti, tienne les élections à date fixe, décentralise les pouvoirs vers nos régions.

Toutes ces décisions permettraient à la majorité chez nous non seulement de parler sa langue, mais d'asseoir ses valeurs fondamentales, de dire la place qu'elle entend occuper dans le monde, de reprendre le contrôle démocratique de ses institutions, en un mot de donner la première place à la souveraineté populaire. La force de cette société ne repose pas dans ses lois. Elle repose dans celles et ceux pour qui les lois sont faites, les citoyennes et les citoyens.

La Loi 101 s'effrite. On pourra toujours la corriger. Elle s'effritera de nouveau. La seule véritable solution à long terme pour un peuple, c'est de donner le pouvoir à ses citoyens.

Dans son programme officiel, le Parti Vert donne la priorité à l'initiative populaire, c'est-à-dire à la possibilité pour les citoyens d'initier des lois. Depuis longtemps les partis traditionnels ont démontré leur incapacité à être à la hauteur des attentes des citoyens. Au PVQ, nous croyons qu'avec une loi d'initiative populaire, la majorité francophone du Québec apporterait les vraies réponses aux vraies questions : statut de la langue française, expression de nos valeurs fondamentales, abolition de la pauvreté, intégrité du territoire, propriété collective de l'eau, développement durable…pour ne mentionner que celles-là.

Respectueusement, Guy Rainville, Parti Vert.