Gazprom avale Rabaska

2008/05/21 | Par Normand Gagnon et Jacques Levasseur

Normand Gagnon et Jacques Levasseur sont coordonnateurs du Collectif national Stop au méthanier


L’annonce survenue le 15 mai dernier d’un accord dans lequel Gazprom deviendrait actionnaire du futur terminal méthanier à Lévis n’en fait pas pour autant un meilleur projet, bien au contraire, mais constitue plutôt une nouvelle source d’inquiétude.

Rabaska demeure encore et toujours un danger sur le plan de l’autonomie et de la sécurité énergétiques, une source majeure d’émission de gaz à effet de serre aux niveaux provincial et mondial, une menace au niveau de la sécurité et de la santé de la population, ainsi que pour le patrimoine naturel, agricole et patrimonial de la région hôte. À cela s’ajoute maintenant l’arrivée du géant russe Gazprom dont l’historique peut faire craindre le pire.

Dans les négociations à venir, Gazprom aura le gros bout du bâton du fait qu’il est l’unique fournisseur possible, position idéale pour imposer une importante participation (majoritaire?) au projet.

Alors que les pays d’Europe cherchent à tout prix à se libérer du contrôle hégémonique qu’exerce Gazprom sur leur énergie, ici au Québec, on s’agenouille pour l’accueillir.

Tout cela au lendemain de l’annonce de la découverte chez nous d’importants gisements de gaz naturel, suffisants pour assurer l’autonomie du Québec en cette matière

Il est probable que l’éventuelle arrivée des premières cargaisons de gaz russe annoncées pour 2014 s’ajouteront à l’exploitation des gisements des Basses-terres du Saint-Laurent prévues pour débuter en 2009.

Peu importe, le président de Gazprom, Alexander Medvedev, a déjà annoncé ses couleurs : pour Gazprom, Rabaska est la porte d’entrée idéale vers le marché nord-américain.

Nous nous inquiétons par ailleurs de la parenté idéologique entre le gouvernement du Québec qui, dans l’affaire Rabaska, n’a pas hésité à contourner ses propres lois et à dissimuler des informations essentielles à une opinion éclairée de tous les Québécois, et celui de Russie, dont Gazprom est le bras économique, qui bafoue quotidiennement la démocratie, notamment en muselant systématiquement la presse.

L’opinion publique a salué la récente déclaration du premier ministre du Québec, M. Jean Charest, lorsque celui-ci a affirmé le 5 mai dernier que l’acceptation sociale était essentielle à tout projet… éolien. Il faut se demander pourquoi le gouvernement de M. Charest refuse d’appliquer ce principe dans le cas de Rabaska.

Nous profitons donc de l’occasion pour demander aux autorités concernées :

1- Que conformément au rapport de l’OCDE pour l’établissement des industries à risque (2003), soit consultée par référendum la population la plus touchée, soit celle résidant dans un rayon de 3 km des installations, critère retenu par le ministère du Développement durable pour les fins de l’enquête psychosociale.

2- Que le gouvernement Charest démontre clairement en quoi le projet Rabaska améliorerait la sécurité énergétique du Québec, compte tenu du chapitre VI de l’ALÉNA.

3- Que soit réalisée, par l’organisme approprié et de façon indépendante, l’étude du bien fondé pour le Québec d’importer en quantité massive du gaz naturel sous forme liquéfiée, en tenant compte du contexte des ressources énergétiques québécoises, dont d’importants gisements de gaz naturel exploitables, ainsi que des enjeux climatiques actuels.

4- Qu’une Commission d’enquête soit formée afin d’étudier les trop nombreuses irrégularités et contradictions qui ont entaché l’évaluation ayant mené le gouvernement du Québec à donner le feu vert au projet Rabaska.