Nouvelles du Saguenay… et de l’Ontario

2008/06/09 | Par Pierre Demers

Entrevue avec Vera Santillana de Newmarket au nord de Toronto qui prend un bain de français de cinq semaines (du 17 mai au 21 juin) au centre linguistique du Cégep de Jonquière.

Quelles sont les raisons qui t’ont fait choisir le Saguenay pour mieux apprendre le français ?

Vera Santillana : Des amis qui étaient déjà venus ici m’en ont parlé en bien. J’avais le choix entre le centre linguistique de Chicoutimi et celui de Trois-Rivières. Mais je me suis inscrite trop tard. Restait Jonquière. C’est mon troisième choix, mais je ne le regrette pas.
Photo : Newmarket

Pourquoi une Ontarienne d’origine péruvienne apprend-t-elle le français ?


V. Santillana : Mon grand-père était diplomate à Paris pendant des années. Ma mère y a vécu et elle parle très bien le français. Elle veut qu’on l’apprenne et qu’on le parle à la maison. Ça m’intéresse moi aussi d’apprendre cette langue si riche. J’ai étudié à l’université de Guelph en science économique et en développement international et j’y songeais déjà. Le français va m’aider beaucoup dans mon futur emploi chez T.T.I. Canada, une compagnie qui fabrique des aspirateurs et des perceuses. Ma mère y travaille depuis longtemps.

Je peux dire que je compte parmi les nouvelles canadiennes qui veulent apprendre le français pour mieux participer à la vie du pays. Je suis citoyenne canadienne depuis 1982. Le Québec est une différence importante au sein du Canada et il devrait être mieux connu des autres Canadiens. Je connais bien le Québec. Je suis venu plusieurs fois à Montréal, à Québec et à Laval pour participer à des tournois de soccer.

Qu’est-ce qui t’a frappé le plus en séjournant à Jonquière ?

V. Santillana : La rivière au centre de la ville. Je dois la traverser pour me rendre dans ma famille d’accueil. Je trouve ça beau. Dans ma ville, Newmarket, tout est construit serré. Il n’y a plus beaucoup de place pour la nature. Ici, il en reste encore. J’aime aussi l’accent des gens. Je suis allée en France en 2006 et les Français ne parlent pas du tout comme ici. Les expressions en joual m’amusent beaucoup. J’essaie de trouver les similitudes entre certaines d’entre elles et d’autres que je connais en espagnol et en anglais. J’assimile lentement ces trois langues qui vont sans doute me permettre de mieux voyager à travers le monde et surtout de comprendre les autres Canadiens que je vais rencontrer au cours de ma vie.

Quand on examine le mot à mot des expressions, on relève des détails amusants. Par exemple, ici on dit souvent «ça marche » pour dire que ça va bien ou encore «ça me dérange pas » pour signifier que tout va bien encore une fois. C’est curieux tout ça. L’autre fois, on se baignait dans la piscine de ma famille d’accueil, et ils parlaient du «chauffe eau » de la piscine. Un chauffe l’eau ?

As-tu visité la région dans ton programme d’activités culturelles ?

V. Santillana : On voyage beaucoup à toutes les fins de semaine. On est allé au village fantôme de Val Jalbert au Lac Saint-Jean, on est allé voir des spectacles de musique traditionnelle. On a visité la petite maison blanche à Chicoutimi. Mais ce sont surtout les rivières, les lacs, la forêt qui nous attirent. Avant de venir ici, je pensais que Jonquière c’était une ville banlieue d’une autre. Mais c’est plutôt une petite ville fermée comme Newmarket où j’habite. C’est aussi petit que chez-nous en terme de population. Mais chez nous, il n’y a pas de rivière au beau milieu de la ville.

Comment trouves-tu les gens ?

V. Santillana : Ils sont gentils. Nous, on ne veut que parler le français et quand ils nous parlent, eux, ils ne veulent que parler anglais pour nous faciliter la communication. C’est comme un dialogue de sourds. Quand on va manger chez Pauline (Stand de taxi de la rue Saint-Dominique célèbre pour sa serveuse octogénaire d’ailleurs retraitée) tout le monde se met à parler anglais pour nous faire plaisir. Ils sont drôles.

Ma famille d’accueil s’est fait un devoir de nous (J’y loge avec une amie du groupe d’élèves) cuisiner les mets québécois typiques comme la tourtière, le pâté chinois, le hachis. On en mange du pâté chinois chez-nous, mais ici il est meilleur.
On va aussi dans une brasserie, la Voie Maltée toujours sur la rue Saint-Dominique qui me fait beaucoup penser aux brasseries près de l’Université de Guelph. C’est une ville où tout est bio, la bière Sleeman y a son siège social.

On a fait aussi des sorties plein air comme des promenades en canot sur la rivière et du rafting. Ça nous permet de pratiquer les équivalents français comme le mot «pagaie ». Je m’excuse de parler un peu comme un dictionnaire.

Autre bain culturel, la télévision. Là c’est plus drôle encore. À cause de la traduction sans doute, les séries télé américaines sont en retard d’une année ou plus des nôtres. Il y a aussi beaucoup d’humoristes à la télévision. Parfois, c’est difficile à comprendre. Les bulletins de nouvelles sont plus faciles à suivre. On a aussi fait la connaissance de plein de musiciens et de chansonniers québécois qu’on ne connaissait pas. C’est une grande découverte pour nous. On va retourner avec beaucoup de nouvelles musiques qu’on ira chercher sur le net.

Qu’est-ce qu’on pense du Québec à Newmarket ?

V. Santillana : Rien. Le Québec n’existe pas à Newmarket, encore moins le Saguenay. J’ai souvent l’impression d’être l’exception là-bas. Sans la curiosité et l’origine étrangère de mes parents, je ne serais sans doute jamais venu à Jonquière apprendre le français. À l’école, en Ontario, on a des cours de français. Mais même si les élèves ont des mauvaises notes dans cette matière, les parents souvent s’en fichent. Ils disent que ce n’est pas grave, au Canada on parle d’abord anglais. Moi, je pense que c’est essentiel de mieux connaître le français et les autres langues. C’est essentiel de connaître le Québec, le reste du monde aussi. Il faut voyager, il faut découvrir le monde. La connaissance des langues étrangères nous sert à ça. Il y a plein de villes avec des petites rivières au milieu qui n’attendent que des étudiantes comme nous.