Nouvelles du Saguenay : De jeunes féministes à Toujours Rebelles

2008/10/27 | Par Pierre Demers

Rosée Lalonde a piloté la délégation saguenéenne au premier rassemblement pancanadien Toujours Rebelles des jeunes féministes tenu les 11-12 et 13 octobre à Montréal.

Rosée est une féministe de Chicoutimi, aussi environnementaliste et altermondialiste. En avril 2008, elle participait au Trek des femmes pour la paix et le développement au Népal avec des Canadiennes de toutes les provinces.

Quelle était la participation régionale à la rencontre Toujours Rebelles ?

Rosée Lalonde : On était 35 filles de la région entre 18 et 35 ans. Elles venaient de la maison Isa de Chicoutimi qui s’occupe des femmes violentées, des centres d’hébergement, des regroupements de femmes. Il y avait aussi des étudiantes des cégeps, de l’UQAC.

Un bel éventail représentant les divers groupes d’âge, les tendances idéologiques, tous les types de femmes, et en plus, la plus grosse délégation régionale du Québec. Non seulement des 18-25 mais aussi des 25-35 avec une expérience de terrain. Dans le bus, l’esprit d’équipe était bien présent.

À Montréal, l’organisation a compté 570 inscriptions au rassemblement tenu à l’Université du Québec, des filles venant de partout à travers le Canada, même de Yellowknife.

Comment s’est déroulé la rencontre ?

R.Lalonde : Les deux premières journées, les travaux et discussions se sont faits en ateliers et par la suite on passait en plénière. Plus de trente ateliers de 10 à 20 participantes sur tous les sujets nous confrontant. Beaucoup de débats sur le vécu des oppressions des femmes, sur la nécessaire prise de conscience.

Dans un premier temps, on partagerait nos idées, nos expériences. Et dans un second temps, on devait mener une action correspondante. Le tout se déroulait dans les deux langues avec traduction simultanée.

Les femmes autochtones ont pris une place prépondérante aux discussions. Ce sont sans doute de toutes les femmes canadiennes les personnes les plus chargées d’oppression au jour le jour.

Ce qui m’a surtout impressionné ce sont les actions qu’on devait mener pour assurer le suivi des débats en ateliers. On devait manifester avec des pancartes qu’on avait nous-mêmes fabriquées, des tags qu’on dessinait au centre-ville ou encore assurer une présence dans les endroits publics. Pour ma part, j’ai fait du théâtre invisible dans le métro après un atelier sur les agressions subies par les femmes.

En soirée, les groupes de participantes présentaient leurs actions et leurs productions. On a projeté des documentaires militants sur la condition des femmes autochtones, sur celles des femmes en Iran. Le programme culturel et d’animation était bien rempli. L’organisation a tout mis en branle pour favoriser la mise en commun de nos expériences et examiner l’état des lieux des divers mouvements féministes à travers le pays.

Vous avez aussi rédigé un manifeste qui résume l’ensemble de vos revendications ?

R.Lalonde : Une bonne partie du dimanche et du lundi a été consacrée à la rédaction de ce document. Tard lundi après-midi, on le peaufinait encore. Un groupe de femmes par province devait y réserver un temps de réflexion et suggérer sa propre version.

Les rédactrices étaient en majorité des filles des autres provinces qui écrivaient en anglais. Nous du Québec on a insisté pour en avoir notre version en français. C’était encore plus important pour les filles qui venaient des régions comme la nôtre.

En plus, on voulait qu’elles soulignent, dans ce manifeste, nos particularités régionales, notre vision de l’action féministe. Nous avons une culture propre au Québec qui ne recoupe pas nécessairement celle des autres filles féministes des autres provinces du Canada.

C’est dans ce type de rassemblement qu’on s’en rend compte à quel point ici la culture joue un rôle déterminant dans la prise conscience de notre identité et de la façon de voir et de vivre la condition des femmes, leur implication dans ce champs (pour lire le manifeste, www.rebelles2008.org.)

Le regroupement avait lieu quelques jours avant les élections fédérales, est-ce que les participantes se sont exprimées sur les partis en lice ?

R.Lalonde : Lors de la plénière du dimanche où tout de même participaient 350 filles, il a été beaucoup question de la montée de la droite partout au pays. Les femmes canadiennes sont bien conscientes que le parti conservateur a une vision du rôle des femmes qui ne correspond pas tout à fait à leur émancipation.

L’une des actions qu’on doit mener pour lutter contre les oppressions, la volonté par exemple de certains politiciens de criminaliser le recours à l’avortement, c’est d’aller voter. Évidemment il s’agit d’aller votre contre les forces de la droite dans toutes les provinces.

Une autre proposition qui émane de la plénière de dimanche, c’est de penser et d’agir, à chaque 8 mars, en organisant une action particulière décentralisée dans nos milieux respectifs. Et ça commence cette année cette action.

Quelle leçon tires-tu de cette participation pour toi et le groupe de féministes saguenéennes à ce rassemblement pancanadien ?

R.Lalonde : Je ne peux parler pour les autres. Toutefois, en ce qui me concerne, il y a autant de féministes que de femmes. Les radicales sont anti-hommes. Pas moi.

Dans les discussions en ateliers et en plénières, toutes les tendances étaient représentées comme les féministes lesbiennes qui mènent des actions spontanées à Montréal. Il y en avait pour toutes les tendances.

C’est confrontant de négocier avec tout ce monde féministe. Mais dans l’ensemble, on partage plein d’expériences et on s’ouvre aux différences. Les organismes de tous les milieux fonctionnent avec les moyens du bord et souvent les femmes y gagnent des causes.

La gang de filles de la région qui a participé à la rencontre s’est solidifiée. Les actions vont être plus efficaces par la suite, plus convaincantes. Le féminisme n’est pas du tout une lutte de nos mère ou grand-mères.