Qui sont les artisans de la débâcle économique ?

2008/11/17 | Par Michel Chossudovsky

La plus grave crise économique de l'histoire moderne

 

 

L’effritement financier d’octobre 2008 n’est pas l’effet d'un phénomène économique cyclique. C’est un aboutissant calculé de la politique du gouvernement des États-Unis, orchestré par le Trésor américain et le Federal Reserve Board.

C’est la plus grave crise économique de l'histoire.

Le « plan de sauvetage » («The Bailout») proposé par le Trésor américain ne constitue pas une « solution » à la crise. C’est en fait tout le contraire : il provoque davantage de débâcle. Il crée une concentration de richesses sans précédent, qui à son tour contribue à creuser les inégalités économiques et sociales, au sein des nations et entre les nations.

Le niveau d'endettement est monté en flèche. Poussées à la faillite, les corporations industrielles sont rachetées par les institutions financières mondiales. Le crédit, c’est-à-dire, l'offre de prêts de financement, qui constitue la bouée de sauvetage de la production et de l'investissement, est contrôlé par une poignée de conglomérats financiers.

Avec le «plan de sauvetage» la dette publique a dérapé. Les États-Unis sont le pays le plus endetté de la planète. Avant le « renflouage », leur dette publique était de l'ordre de 10 billions de dollars. Cette dette libellée en dollars US se compose de bons du Trésor et d’obligations en souffrance, détenues par des particuliers, des gouvernements étrangers, des entreprises et des institutions financières.

 

 

« Le plan de sauvetage»: le gouvernement des États-Unis finance son propre endettement


Ironiquement, les banques de Wall Street bénéficiaires de l'argent du plan de sauvetage sont aussi les courtiers et les assureurs de la dette publique des États-Unis. Bien que les banques ne détiennent qu’une partie de la dette publique, elles font des affaires et du commerce dans le monde entier avec les titres de la dette publique libellés en dollar.

Dans une conjoncture déplaisante, les banques sont bénéficiaires d’une aumône de plus de 700 milliards de dollars, et agissent en même temps à titre de créanciers du gouvernement.

Nous avons affaire à un cercle vicieux absurde : pour financer le plan de sauvetage Washington doit emprunter à des banques qui bénéficient du plan de sauvetage.

Le gouvernement des États-Unis finance ses propres dettes.

Les administrations fédérales, étatiques et municipales sont de plus en plus paralysées, sous strict contrôle des conglomérats financiers mondiaux. Les créanciers réclament de plus en plus au gouvernement le lancement d’une réforme.

Le plan de sauvetage incite à la consolidation et à la centralisation du pouvoir bancaire, ce qui à son tour produit des retombées sur l'activité économique réelle, conduisant à une série de faillites et au chômage de masse.

 

Le gouvernement Obama inversera-t-il la tendance ?

La crise financière fait suite à la déréglementation du système financier.

Obama a déclaré sans équivoque sa volonté de s'attaquer aux échecs politiques du gouvernement Bush, et de « démocratiser » le système financier étasunien. Barack Obama, le président élu, affirme être déterminé à inverser la tendance :

« Rappelons-nous que si cette crise financière nous a appris quelque chose, c'est que nous ne pouvons avoir une Wall Street prospère pendant que le commun des mortels souffre. Dans ce pays, nous nous élevons ou chutons en tant que nation, en tant que peuple. » (Président élu Barack Obama, 4 novembre 2008, souligné par l’auteur)

Avec désinvolture, les démocrates reprochent au gouvernement Bush la débâcle financière d’octobre.

Obama a fait savoir qu'il établira un programme politique tout autre, qui servira les intérêts du commun des mortels:

« Demain, vous pourrez tourner la page sur les politiques qui poussent à la cupidité et à l'irresponsabilité de Wall Street devant le dur labeur et le sacrifice des hommes et des femmes de la rue. Demain, vous pourrez choisir les politiques qui investissent dans notre classe moyenne, créent de nouveaux emplois et accroissent cette économie, de sorte que tout le monde ait une chance de réussir, du directeur général à la secrétaire et au concierge, du propriétaire de l'usine aux hommes et femmes qui y travaillent.» (Barack Obama, campagne électorale, 3 novembre 2008. Souligné par l’auteur.)

 

 

Obama est-il engagé dans le « domptage de Wall Street » et dans la « neutralisation des marchés financiers ? »

Ironiquement, cette politique de « cupidité et d'irresponsabilité » fut instaurée sous Le gouvernement Clinton.

La Financial Services Modernization Act (FSMA ou loi de modernisation des services financiers) de 1999 a incité à abroger la Glass-Steagall Act de 1933. La Glass-Steagall Act, ce pilier du « New Deal » du président Roosevelt, fut instaurée en réponse au climat de corruption, de manipulation financière et de « délit d'initié » qui mena à la faillite de plus de 5.000 banques dans les années qui suivirent le krach de Wall Street en 1929.

Dans le cadre de la Financial Services Modernization Act de 1999, le contrôle effectif de l'ensemble du secteur des services financiers des États-Unis (incluant les compagnies d'assurance, les fonds de pension, les titres, etc) a été cédé à une poignée de conglomérats financiers et à leurs associés, les fonds spéculatifs (hedge funds).

 

 

Les instigateurs du désastre financier

Qui sont les artisans de cette débâcle ?

Ironie amère, l’équipe de transition du président élu Barack Obama songe à présent aux instigateurs du désastre financier pour le poste de secrétaire au Trésor:

Lawrence Summers a joué un rôle clef dans le lobbying au Congrès pour l'abrogation de la Glass Steagall Act. Sa nomination opportune au poste de secrétaire au Trésor par le président Clinton en 1999 a permis de forcer l'adoption de la Financial Services Modernization Act en novembre 1999. Au terme de son mandat à la tête des Finances, il est devenu président de l'université de Harvard (2001-2006).

Paul Volker était président de la Réserve fédérale dans les années 1980 de l'ère Reagan. Il a joué un rôle central dans la mise en œuvre de la première phase de déréglementation financière, qui a favorisé la foule de faillites, fusions et acquisitions menant à la crise financière de 1987.

Timothy Geithner est directeur général de la Banque de la Réserve fédérale de New York (FRBNY), la plus puissante institution financière privée d’Amérique. Il est aussi ancien fonctionnaire des Finances du gouvernement Clinton. Il a travaillé pour Kissinger Associates et fut aussi en poste au FMI. La FRBNY joue un rôle en coulisses dans la mise au point de la politique financière. Geithner agit pour le compte de puissants financiers derrière la FRBNY. Il est en plus membre du Council on Foreign Relations (CFR).

Jon Corzine, aujourd’hui gouverneur du New Jersey, est un ancien directeur général de Goldman Sachs.

Au moment de la rédaction de cet article, le favori d’Obama pour le poste de secrétaire au Trésor était Larry Summers.

Lawrence Summers, professeur d'économie à l'université de Harvard, a servi d’économiste en chef à la Banque mondiale (1991-1993). Il a contribué à la conception des réformes macro-économiques imposées à nombre de pays émergents endettés. Dans le cadre du programme d'ajustement structurel (PAS), parrainé par le FMI et la Banque mondiale, l'impact social et économique de ces réformes a été dévastateur, entraînant une extrême pauvreté.

La période de Larry Summer à la Banque mondiale coïncidait avec l'effondrement de l'Union Soviétique et l'imposition de la « médecine économique » mortelle du FMI et de la Banque mondiale en Europe de l'Est, dans les anciennes républiques soviétiques et dans les Balkans.

En 1993, Summers est passé au Trésor des États-Unis. Il a d'abord occupé le poste de sous-secrétaire au Trésor pour les affaires internationales et, plus tard, secrétaire d’État adjoint. En liaison avec ses anciens collègues du FMI et de la Banque mondiale, il a joué un rôle clef dans l'élaboration du « traitement de choc » économique lié au train de réformes imposées à la Corée du Sud, à la Thaïlande et à l’Indonésie, lors de l’apogée de la crise asiatique de 1997.

Les accords de plan de sauvetage négociés avec ces trois pays ont été coordonnés au Trésor par Summers, en liaison avec la Banque de la Réserve fédérale de New York et les institutions de Bretton Woods à Washington. Summers a travaillé en étroite collaboration avec le directeur général adjoint du FMI, Stanley Fischer, nommé ensuite gouverneur de la Banque centrale d'Israël.

Larry Summers est devenu secrétaire su Trésor en juillet 1999. C’est un protégé de David Rockefeller. Ce fut l'un des principaux artisans de l'infâme Financial Services Modernization Act, qui, purement et simplement, légitima le délit d’initié et la manipulation financière.

 

 

« Mettre le renard à la garde du poulailler »

Summers est aujourd’hui consultant pour Goldman Sachs et directeur général de DE Shaw Group, un organisme de fonds spéculatifs. En tant que gestionnaire de fonds de spéculation, ses contacts avec les Finances ainsi que Wall Street lui procurent de précieuses informations privilégiées sur le mouvement des marchés financiers. Sous la gouverne de Larry Summers, et en conséquence directe de la crise financière, le DE Shaw Group a fait des bénéfices records. À la fin octobre 2008, à l’apogée de la crise financière, le DE Shaw Group a annoncé 7 milliards de dollars de revenu, en augmentation de 22 pour cent sur l'année précédente, « avec près de trois fois plus d'argent dans la main qu’il y a un an » (2theadvocate.com 31 octobre 2008).

Mettre un gestionnaire de fonds de spéculation (ayant des liens avec l’establishment financier de Wall Street) en charge des Finances équivaut à placer le renard à la garde du poulailler.

 

 

Le Consensus de Washington

Summers, Geithner, Corzine, Volker, Fischer, Phil Gramm, Bernanke, Hank Paulson, Rubin, sans oublier Alan Greenspan, et autres, sont des copains. Ils jouent au golf ensemble ; ils ont des liens avec le Council on Foreign Relations et les Bilderberg ; ils agissent de concert conformément aux intérêts de Wall Street ; ils se rencontrent à huis clos ; ils sont sur la même longueur d'onde ; ils sont démocrates et républicains.

Bien qu'ils puissent être en désaccord sur certaines questions, ils sont fermement attachés au consensus Washington-Wall Street. Ils sont absolument impitoyables dans la gestion de leurs opérations économiques et financières. Leurs actions sont motivées par le profit. En dehors de leur strict intérêt envers le « rendement » des « marchés, » ils sont peu concernés par la « vie des êtres humains, » par l’impact de l’éventail d’implacables réformes macro-économiques et financières sur la vie des gens, réformes qui poussent à la faillite des secteurs entiers de l'activité économique.

Le raisonnement sous-jacent au discours économique néolibéral est souvent cynique et méprisant. À cet égard, le discours économique de Lawrence Summers se distingue. Il est connu chez les écologistes pour avoir proposé de déverser les déchets toxiques dans les pays du tiers monde, car, là-bas, les gens ont la vie plus courte et le coût de main-d'œuvre est extrêmement bas, ce qui signifie essentiellement que la valeur de marché des gens du tiers monde est très inférieure. Selon Summers, cela rend l’exportation des matières dangereuses vers les pays pauvres beaucoup plus « rentable ». En 1991, une note de service controversée de la Banque mondiale, signée par l’économiste en chef Larry Summers, indique ce qui suit (extraits, souligné par l’auteur) :

Date : 12 décembre 1991 – Pour : Distribution – De : Lawrence H. Summers – Objet : GEP [GEP signifie Bonnes Pratiques Environnementales, ndt]

Industries « sales « : Juste entre vous et moi, la Banque mondiale ne devrait-elle pas encourager DAVANTAGE la migration des industries sales vers les pays les moins développés ? Je pense à trois raisons :

1) La mesure du coût de la pollution altérant la santé dépend des gains prévus de l'augmentation de la morbidité et de la mortalité. .. De ce point de vue une quantité donnée de pollution affectant la santé doit être faite dans le pays ayant les coûts les plus faibles, qui sera le pays dont les salaires sont les plus bas. Je pense que la logique économique derrière le déchargement de déchets toxiques dans le pays aux salaires les plus bas est irréprochable et nous devons la regarder en face.

2) Le coût de la pollution est susceptible d'être non linéaire, car l’augmentation initiale de pollution a sans doute un coût très bas. J'ai toujours pensé que les pays sous-peuplés d'Afrique sont infiniment peu pollués, la qualité de leur air est sans doute considérablement peu rentable par rapport à Los Angeles ou Mexico. Ce qui empêche l’amélioration du bien-être mondial du commerce de la pollution de l'air et des déchets, c’est le seul fait déplorable que tant de pollution soit produite par des industries non négociables (transport, production d'électricité), et que le coût unitaire du transport des déchets solides soit si élevé.

3) La demande d’un environnement propre pour des raisons esthétiques et de santé est susceptible d'avoir une très grande élasticité de revenus. [La demande augmente avec le niveau de revenu]. L'inquiétude à propos d’un agent ayant une chance sur un million de provoquer le cancer de la prostate est de toute évidence beaucoup plus élevée dans un pays où les gens survivent au cancer de la prostate que dans un pays où le taux de mortalité des moins de 5 ans est de 200 pour mille. . .

L’attitude de Summers sur l'exportation de la pollution vers les pays émergents a eu un impact marqué sur la politique environnementale des États-Unis :

En 1994, « pratiquement tous les pays du monde se sont dissociés des réflexions de « logique économique » de M. Summers formé à Harvard, sur le déversement des poisons des pays riches chez leurs voisins plus pauvres, et ils ont décidé d'interdire l'exportation des déchets dangereux de l'OCDE vers les pays [émergents] non membres de l'OCDE dans le cadre de la Convention de Bâle. Cinq ans plus tard, les États-Unis sont l'un des rares pays n'ayant toujours ni ratifié la Convention de Bâle ni l'Amendement d'Interdiction de la Convention de Bâle sur l'exportation des déchets dangereux de l'OCDE vers les pays hors OCDE. (Jim Valette, La guerre contre la Terre de Larry Summers, Counterpunch, non daté)

 

 

Crise asiatique de 1997 : Répétition générale des choses à venir

Au cours de l’année 1997, la spéculation monétaire, instrumentée par de grandes institutions financières et dirigée contre la Thaïlande, l'Indonésie et la Corée du Sud, a favorisé l'effondrement des monnaies nationales et le transfert de milliards de dollars des réserves des banques centrales entre les mains de financiers privés. Plusieurs observateurs ont signalé la manipulation délibérée du marché des actions ordinaires et des devises par des banques d’affaires et des sociétés de courtage.

Bien que les accords de plan de sauvetage asiatiques étaient négociés officiellement par le FMI, les grandes banques de commerce de Wall Street (dont Chase, Bank of America, Citigroup et JP Morgan), ainsi que les « cinq grandes » banques d'affaires (dont Goldman Sachs, Lehman Brothers, Morgan Stanley et Salomon Smith Barney) ont été «consultées» sur les clauses à inclure dans ces accords.

Le Trésor des États-Unis, en lien avec Wall Street et les institutions de Bretton Woods, ont joué un rôle central dans la négociation des accords de sauvetage. Larry Summers et Timothy Geithner, ont participé activement au nom du Trésor des États-Unis au sauvetage de la Corée du Sud en 1997 :

[En 1997] MM Summers et Geithner s’activaient à persuader M. Rubin de soutenir l'aide financière à la Corée du Sud. M. Rubin se méfiait de pareille mesure, s’inquiétant du fait que fournir de l'argent à un pays en situation désespérée pourrait être une affaire perdue d’avance. . . (WSJ, 8 novembre 2008)

Ce qui est arrivé en Corée du Sud du fait des conseils du secrétaire adjoint au Trésor Larry Summers et des autres, n'a rien à voir avec l’« aide financière. »

Le pays a été littéralement mis à sac. Le sous-secrétaire des Finances, David Lipton, a été envoyé à Séoul en début décembre 1997. Des négociations secrètes ont été engagées. Washington a exigé le congédiement du Ministre des Finances de Corée du Sud et l’acceptation sans réserve du « sauvetage » du FMI.

Aussitôt après sa nomination, le nouveau secrétaire au Trésor, qui était un ancien fonctionnaire du FMI et de la Banque mondiale, est parti précipitamment à Washington pour des « consultations » avec son ancien collègue Stanley Fischer, directeur général adjoint du FMI.

« Le corps législatif coréen s’est réunis en sessions extraordinaires le 23 décembre. La décision finale, concernant le marché de 57 milliards de dollars, a été prise le lendemain, le 24 décembre, lors du réveillon de Noël, après les heures de bureau à New York. Les plus hauts financiers de Wall Street, de Chase Manhattan, Bank America, Citicorp et JP Morgan, ont été convoqués pour une réunion à la Banque de la Réserve fédérale de New York. C’est aussi dans la salle du réveillon de Noël oû se retrouvaient les représentants des cinq grandes banques d’affaires de New York, notamment Goldman Sachs, Lehman Brothers, Morgan Stanley et Salomon Smith Barney. Et à minuit, au réveillon de Noël, recevant le feu vert des banques, le FMI a accordé à la hâte 10 milliards de dollars à Séoul pour répondre à l'avalanche de dettes à court terme venant à échéance.

Les coffres de la Banque centrale de Corée du Sud ont été mis à sac. Les créanciers et les spéculateurs attendaient anxieusement pour toucher leur butin. Ces mêmes institutions, qui spéculaient contre la victoire coréenne, ont encaissé l’argent du plan de sauvetage du FMI. C’était une escroquerie.» (Voir Michel Chossudovsky, The Recolonization of Korea, publié par la suite en chapitre de The Globalization of Poverty and the New World Order, Global Research, Montréal, 2003.)

Cette « puissante médecine économie » est la prescription du Consensus de Washington. « Souffrance à court terme pour gains à long terme » était la devise de la Banque mondiale durant la période où Lawrence Summers était économiste en chef. (Voir IMF, World Bank Reforms Leave Poor Behind, Bank Economist Finds, Bloomberg, 7 novembre 2000)

Nous avons affaire à tout un « réseau de vieux copains » fonctionnaires et conseillers du Trésor, de la Réserve fédérale, du FMI, de la Banque mondiale, des groupes de réflexion de Washington, qui sont en lien permanent avec les principaux bailleurs de fonds de Wall Street.

Quel qu’il soit, celui que choisira l’équipe de transition d’Obama fera partie du Consensus de Washington.

 

 

La Financial Services Modernization Act de 1999

Ce qui est arrivé en octobre 1999 est décisif.

À la suite de longues négociations à huis clos dans les salles de réunion de Wall Street, dans lesquelles Larry Summers joua un rôle central, le cadre réglementaire contrôlant les puissants conglomérats bancaires de Wall Street fut abrogé « d’un trait de plume. »

Larry Summers travaillait en étroite collaboration avec le sénateur Phil Gramm (1985-2002), président du comité sénatorial des banques, qui fut l'artisan législatif de la Gramm-Leach-Bliley Financial Services Modernization Act, promulguée le 12 novembre 1999 (voir la photo de groupe ci-dessus). (Pour le texte complet voir sur le site du Congrès des États-Unis : Pub.L. 106-102 ). En tant que sénateur du Texas, Phil Gramm fut étroitement associé à Enron.
En décembre 2000, en fin du mandat de Clinton, Gram présenta un deuxième projet de loi appelé Gramm-Lugar Commodity Futures Modernization Act (FSMA), qui ouvrait la voie à l'attaque spéculative dans les produits de base, notamment le pétrole et les denrées alimentaires.

«Cette loi, a-t-il déclaré, permettrait de s'assurer que ni la SEC ni la Commodity Futures Trading Commission (CFTC) ne pouvaient contrôler les affaires des produits financiers modernes appelés swaps, et donc protégerait les institutions financières de la sur-réglementation » et la « positon de leader mondial de notre secteur des services financiers dans le nouveau siècle. » (Voir David Corn, Foreclosure Phil, Mother Jones, juillet-août 2008)

Dans le cadre des nouvelles règles de la FSMA, ratifiée par le Sénat américain en octobre 1999 et approuvée par le Président Clinton, les banques commerciales, sociétés de courtage, fonds spéculatifs, investisseurs institutionnels, fonds de pension et compagnies d'assurance, peuvent investir librement dans toute autre entreprise, ainsi que regrouper entièrement leurs opérations financières.

Un « supermarché financier mondial » a été créé, ouvrant la voie à une énorme concentration de puissance financière. L'un des personnages clefs à l’origine de ce projet fut le secrétaire au Trésor Larry Summers, en coopération avec David Rockefeller. Summers décrivait la FSMA comme « le fondement législatif du système financier du 21ème siècle. » Ce fondement législatif est l'une des principales raisons de la débâcle financière de 2008.

 

 

Désarmement financier

Il ne peut y avoir de solution constructive à la crise, sauf réforme majeure dans le système financier, ce qui implique, entre autres, le gel du négoce spéculatif et la «neutralisation des marchés financiers.» Le projet de neutralisation des marchés financiers fut proposé pour la première fois dans les années 40 par John Maynard Keynes, comme un moyen d’instaurer un système monétaire international multipolaire. (Voir JM Keynes, Activities 1940-1944, Shaping the Post-War World: The Clearing Union, The Collected Writings de John Maynard Keynes, Royal Economic Society, Macmillan et Cambridge University Press, Vol. XXV, Londres 1980, p. 57) .

 

 

Le commun des mortels contre Wall Street

Où sont «les candidats du Main Street» retenus par Obama ? C’est-à-dire, ceux qui obéissent aux intérêts des gens des quatre coins des États-Unis. Aucun leader du milieu communautaire ou représentant des travailleurs n’est sur la liste des postes clefs d’Obama.

Le président élu désigne les artisans de la déréglementation financière.

Aucune réforme financière constructive ne peut être adoptée par des fonctionnaires nommés par Wall Street et agissant en son nom.

Ceux qui en 1999 ont incendié le système financier, sont rappelés pour éteindre le feu.

La « solution » du « sauvetage » proposée pour la crise provoque davantage de débâcle économique.

Il n'y a aucune solution politique à l'horizon.

Les conglomérats bancaires mènent le bal. Ils décident de la composition du gouvernement Obama. Ils ont aussi choisi l'ordre du jour du sommet financier de Washington (15 novembre 2008), prévu pour jeter les bases de la création d'un nouveau «système financier mondial.»

Le plan de Wall Street a déjà été discuté derrière les portes closes : le programme secret est d'établir un système monétaire international unipolaire, dominé par la puissance financière des États-Unis, qui à son tour serait protégée et sécurisée par la supériorité militaire du pays.

 

 

Le néolibéralisme à « visage humain »

Rien n'indique qu’Obama rompra les ponts avec ses commanditaires de Wall Street, qui ont largement financé sa campagne électorale.

Goldman Sachs, JP Morgan Chase, Citigroup, Microsoft de Bill Gates sont parmi ses principaux donateurs de la campagne.

Au nombre des individus les plus riches du monde, Warren Buffett n’a pas fait que soutenir la campagne électorale de Barak Obama, il est membre de son équipe de transition, jouant un rôle clef dans la formation de ses ministères.

À moins d’un bouleversement majeur dans le système des nominations politiques aux postes clefs, un ordre du jour économique alternatif de Barack Obama axé sur la lutte contre la pauvreté et la création d'emplois est grandement improbable.

Ce à quoi nous assistons est la continuité.

Obama procure un « visage humain » au statu quo. Ce visage humain sert à tromper les Étasuniens sur la nature de l'économie et de l’action politique.

Les réformes économiques néolibérales restent inchangées.

L’essentiel de ces réformes, dont le « plan de sauvetage » des plus importantes institutions financières étasuniennes, détruit en fin de compte l'économie réelle, tout en forçant à la faillite des régions entières du secteur manufacturier et de l'économie des services.

Original : Who are the Architects of Economic Collapse? Will an Obama Administration Reverse the Tide?, publié le 9 novembre 2008.

Traduction libre de Pétrus Lombard. Révisée par Julie Lévesque pour Mondialisation.ca.

|Le gouvernement Obama inversera-t-il la tendance ? 1134|1180|International Manchettes|Bolivie : le Groupe Alternatives prépare l’opinion publique à un coup d’État|2008-11-17 11:46:26|L'aut'journal|Le groupe Alternatives, grassement financé par le gouvernement canadien par le biais de l’ACDI, prépare l’opinion publique québécoise à voir d’un bon œil les manœuvres américaines encourageant le démantèlement du pays par la sécession des provinces les plus riches opposés au gouvernement central d’Evo Morales.

Comme le groupe l’a fait pour justifier le coup d’État mené par les gouvernements américain, français et canadien contre le président Jean-Bertrand Aristide (voir notre article à ce sujet et notre réponse à la réplique d’Alternatives), on recourt à la théorie des deux démons, une théorie conçue par quelques intellectuels argentins pour justifier la dictature militaire (1976-1983) comme une réponse à la guérilla de gauche, comme nous le rappelle Eduardo Corro, du collection d’information sur la Bolivie de Montréal.

Nous publions ci-dessous un article d’Eduardo Corro en réponse à l’article « La guerre des référendums » de Nancy Thede, publié dans le journal Alternatives du 25 septembre 2008. Le groupe Alternatives a refusé de publier cette réplique.


Pierre Dubuc

* * *

 

 

Bolivie : Démocratie ou sécession

« Encouragés par les autorités élues, les civils s’entretuant dans le département de Pando le 11 septembre annonçaient au monde ce qui crève les yeux depuis plus d’un an : la Bolivie est en crise. »

C’est le premier paragraphe de l’article dans lequel l’auteure prétend démontrer que la situation en Bolivie est le fruit d’un affrontement où le gouvernement et l’opposition sont également responsables de la violence qui frappe le pays : « de dérapages et de contournements de la loi tant de la part du gouvernement que des opposants. » Une idée proche de la théorie des deux démons.(1)

Des bandes armées, payées et encouragées ou directement dirigées par les préfets, ont menacé et attaqué les opposants ou ceux soupçonnés de l’être, publiant des listes noires, sabotant des gazoducs, mettant à sac des bureaux publics et occupant des aéroports en une tentative de paralyser l’administration du gouvernement du Mouvement vers le socialisme (MAS).

À Santa Cruz, le saccage s’est concentré sur les bureaux des impôts et ceux de la réforme agraire d’où est disparu tout l’historique des réclamations de terres des communautés autochtones.

À Sucre, des dizaines d’autochtones qui étaient venus rencontrer Evo Morales pour recevoir des ambulances destinées à leurs communautés ont été brutalement agressés et humiliés.(2)

Mais c’est au Pando que l’escalade s’est transformée en tragédie. Dans la localité d’El Porvenir, 19 dirigeants paysans autochtones ont été massacrés et jusqu’à maintenant plus de 60 personnes sont toujours disparues. Le président Morales a alors décrété l’État de siège, au Pando seulement, et fait arrêté le préfet Fernandez comme instigateur du massacre.

Comme elle le signale dans son premier paragraphe, Thede connaissait les événements du Pando. Malgré cela elle lance un « appel à trouver une solution qui respecte ces deux légitimités ». Déclarer légitime une opposition raciste et extrêmement violente, et la situer au même niveau qu’un gouvernement pacifique et démocratique c’est créer une dangereuse confusion.

La gravité de la situation a amené l’Union des nations sud-américaines (USASUR), qui regroupe 12 gouvernements d’Amérique latine, à émettre une déclaration d’appui sans ambigüité au gouvernement Morales dans laquelle ils déclarent qu’ils rejettent énergiquement et ne reconnaîtront aucune situation qui implique une tentative de coup d’État civil, la rupture de l’ordre institutionnel ou toute action qui remet en question l’intégrité du territoire de la République bolivienne, exprimant leur plus vive condamnation au massacre perpétré dans le département du Pando(3). Massacre et non pas «affrontement» comme le soutient Thede.

Les pays latino-américains envoyaient de cette façon un message non seulement à l’opposition mais aussi aux États-Unis qui, comme nous le verrons, ne sont pas étrangers aux tentatives de déstabilisation du gouvernement de Morales.

Selon Thede, les forces de l’opposition sont composées de « la bourgeoisie modernisatrice et les grands propriétaires terriens ». Elle oublie d’inclure les États-Unis.

Seulement en 2007, USAID, l’aide gouvernementale américaine, a distribué 86 millions de dollars destinés à renforcer la capacité des gouvernements départementaux, dirigés par les préfets, pour les aider à améliorer leur niveau de réponses aux régions qu’ils gouvernent.(4)

Après le triomphe du MAS, le Département d’État américain n’a pas tardé a nommer Philip Goldberg comme ambassadeur en Bolivie, Goldberg a été chef de la mission américaine a Kosovo

Quand Evo Morales a expulsé Goldberg, il a déclaré : « Celui qui conspire contre la démocratie et surtout qui cherche à diviser la Bolivie, c’est l’ambassadeur des États-Unis, je veux vous le dire, sœurs et frères, ce monsieur est un expert pour ce qui est d’encourager les conflits séparatistes ».
Un coup d’État civil qui ouvrirait les portes au projet de sécession, auquel se réfèrent également les membres d’UNASUR, est une tentation très grande pour la bourgeoisie, les grands propriétaires terriens boliviens et les multinationales qui s’approprieraient ainsi des territoires parmi les plus riches de Bolivie, enterrant par la même occasion les revendications de la grande majorité contenues dans le projet de nouvelle constitution.

De son coté, le Département d’État américain disposerait ainsi d’une grande région au cœur d’une Amérique latine de plus en plus insoumise.
Cependant, la corrélation des forces a changé en Bolivie. L’appui substantiel de presque les deux-tiers de la population lors du référendum de « révocation » ainsi que la reconnaissance et l’appui international de UNASUR de l’OEA et de l’Union européenne ont permis à Morales de reprendre son rôle prépondérant.

La Bolivie n’est donc pas en présence « d’une guerre de référendums » mais devant la menace des forces coalisées de l’opposition locale et des États-Unis de détruire un gouvernement profondément démocratique qui veut en finir avec plus de 500 ans de racisme, d’oppression et de misère.

Eduardo Corro

Membre du Collectif d’information sur la Bolivie de Montréal

1. Conçue par quelques intellectuels argentins, la théorie des deux démons prétendait justifier la dictature militaire (1976-1983) comme une réponse à la guérilla de gauche.

2. Voir le documentaire «Humillados y ofendidos » (Humiliés et offensés) du réalisateur Cesar Brie. Sucre, 24 mai 2008.

3. Déclaration de la Moneda, Santiago du Chili, 15 septembre 2008.

4. USAIS/OTI Bolivia Field Report, juillet-septembre 2006.
|Comme dans le cas d’Haïti, on recourt à la théorie des deux démons 1135|1181|Manchettes Région|Nouvelles du Saguenay: Hervé Bouchard au théâtre Cri|2008-11-17 12:07:35|Pierre Demers|Pendant que j’écris ces lignes sur l’adaptation théâtrale remarquable du second roman/poème d’Hervé Bouchard, Parents et amis sont invités à y assister par le théâtre CRI de Jonquière, je pense aux promesses électorales des candidats qui défilent actuellement en file indienne dans la région pour nous faire croire qu’ils règleront tout si l’on vote pour eux.

Je pense à Jean Charest en particulier qui a été reçu comme «une rock-star » (sic) (Progrès-Dimanche, 16 nov.) à Dolbeau en promettant de sauver les travailleurs victimes de la crise forestière en leur payant des cours du soir tout en subventionnant un peu plus les compagnies.

Je pense aussi aux 15 premières priorités des Québécois questionnés dans La Presse (15 nov) et je remarque que la culture n’y fait pas partie comme si le domaine n’intéressait personne, pas même des politiciens en mal de votes.

 

 

La culture ?

Pourtant, lors des dernières élections fédérales, cet enjeu qui a fait la différence entre les électeurs du Québec et ceux du reste du Canada, mon pays, mes amours.

Et je me dis que la culture c’est une autre façon de voir les choses, le monde autour qui nous entoure et de partager cette vision toute personnelle qui devient dans un livre, sur scène, sur un écran, dans un lieu donné, préoccupation commune, domaine familier et familial. Source de fierté et de bonheur.

Que la culture devrait faire la différence entre ce que nous voulons devenir et ce que nous ne sommes pas tout à fait. Que c’est sans doute le meilleur moyen de nous grandir par rapport aux autres nord-américains qui nous entourent. Que la culture nous distingue et nous confirme dans nos différences exemplaires et nous sortant de la torpeur et la noirceur par le drame, le rire et la poésie.

 

 

Impossible de tout monter

C’est ce qui passe magistralement dans la petite salle de répétition de la salle Pierrette-Gaudreault du centre culturel de Jonquière, depuis mercredi le 12 novembre où le théâtre CRI joue son adaptation du second roman/poème d’Hervé Bouchard, Parents et amis sont invités à y assister.

Ceux qui connaissent le livre d’Hervé récompensé par le prix littéraire de la ville de Montréal en 2006 retrouveront là l’univers familial sans commune mesure de l’auteur.

Surtout son langage unique, sa façon de faire dire les choses et la vie par ses personnages sortis directement de son enfance arvidienne. Tout y est ou presque. Et pourtant la metteure en scène Guylaine Rivard et son complice à l’adaptation du texte, Martin Giguère ont dû faire des coupes dans ce roman/poème de 237 pages tapées serrées, drame en quatre tableaux avec six récits au centre.

On y retrouve donc et surtout le monde d’Hervé Bouchard sans toutefois le respect des indications du début suggérées par l’auteur qui se prenait un instant pour son metteur en scène en désirant voir apparaître sur les planches Laurent Sauvé en collier de barbe, la grosse langue coupée du prêtre Morovitche («Dijons une çapelet ») et une quarantaine de figurants…sans oublier un seul orphelin qui aurait pu jouer les cinq présents. On ne peut tout faire.

 

 

Ultime présence du texte

Peu importe donc, il a fallu faire des coupes dans le texte chargé de tout et monter la pièce avec l’essentiel qui y est, je crois. À savoir les mots surtout d’Hervé Bouchard qui résonnent et chantent à leur pleine mesure tout au long des deux heures du show.

Un texte qu’on a travaillé comme une partition musicale, tantôt en slam, tantôt en hip hop et même en flamenco. Avec ici et là les indications du musicien Pierre Dumont. Un langage musical donc et un début de chorégraphie qui se joue autour du père Beaumont, de la Veuve Manchée, des orphelins à numéro et du chœur des sœurs innées. Comme si la metteure en scène avait dirigé sa chorale de comédiens sur une partition bouchardienne.

Présence et dominance du texte dans la bouche des comédiens et des comédiennes tous et toutes imprégnés des relents de Parents et amis… au point de s’y confondre, de s’y morfondre.

Les orphelins d’abord qui se tiennent les uns contre les autres en se pitchant les répliques monologuées pour se donner du courage devant le deuil du Père Beaumont disparu trop vite. Pour ne pas passer pour des chiens. Les trois Sœurs innées qui veillent et surveillent ce qui reste dans la maison. Et la Veuve Manchée qui glisse sur la pente de sa folie avec l’énergie de son gros manque et de son gros ventre plein du «petiot » orphelin lui aussi.

Guylaine Rivard a respecté cette domination du texte littéraire unique d’Hervé Bouchard. En lui trouvant parfois des nouvelles formes à travers une mise en scène, une direction d’acteurs et parfois une scénographie ingénieuses et discrètes. Je pense ici à ces matelas/ardoises sur lesquels se couchent et se confient les orphelins à numéro. Des compagnons qu’ils manipulent comme des journaux intimes y griffonnant d’un côté ce qui leur passe par la tête, de l’autre leurs monologues incessants dérobés à leurs nuits d’insomnie.

Je pense surtout à la mise en scène de la Veuve Manchée dont les bras lui ont tombé à la mort du père Beaumont, son homme, ne lui restant qu’une longue robe de graisse pour la couvrir. Cette Veuve circule sur la (s)cène dans une robe de bois démesurée comme son malheur tout au long de la pièce. Une robe de bois en forme de robe de Troie qui dissimule ses orphelins, la cuisine trop petite, le lave-vaisselle, bref, une bonne partie de son intérieur trop familier et fermé de partout.

Dans cette robe de bois aux allures de cabanon la Veuve Manchée va redire sa vie de long en large, épuisée d’être au centre de tous et de ses entrailles. Amoureuse imaginaire de Laurent Sauvé absent, Veuve Manchée perdue dans son délire verbal et son trop gros poids de survie. Obsédée par le désir de dire pour «percer le temps » et vider son sac devant tout le monde et les siens(chiens) qui la dévorent.

Ce drame avec quatre tableaux et six récits au centre reste sans doute l’une des plus belles surprises du théâtre CRI (Centre de recherche et d’interprétation fondé en 1997 par Guylaine Rivard), d’autant plus qu’il met en scène une œuvre littéraire totalement incarnée dans le milieu régional débordant sur le reste.

Il y a à mon avis la matière aussi d’une œuvre radiophonique et sans doute cinématographique dans Parents et amis…Juste pour dire à quel point ce roman/poème atteint tout.

 

 

Une équipe conscrite

Les comédiens et comédiennes portent cette pièce avec une énergie hors du commun. Il faut les nommer tous et toutes: Josée Laporte, la Veuve Manchée, Monique Gauvin, Anne Laprise, les Sœurs innées, Jérémie Desbiens, Martin Giguère, Dany Lefrançois, Marc-André Perrier, les orphelins.

Et aussi l’équipe d’artisans qui a participé à cette invention de l’espace de Parents et amis…, Hélène Soucy et Serge Potvin, conception scénographique, Marie-Noël Lapointe et Guylaine Rivard, costumes, Dominique Bédard, éclairage, Pierre Dumont, son, Mélaine Potvin et Marie-Noël Lapointe, régie, Guylaine Rivard, mise en scène.

Pour terminer sur deux bonnes notes,

Le mot de l’auteur : Hervé Bouchard

«C’est fait. Le père est mort. Et le drame qui suit se passe depuis lors. Regardez : c’est la nuit à Jonquière. On entend fonctionner les usines. Gronder les lampadaires et rouler les machines (On dit «machines », mais ce sont des chars, en fait). La fumée en suspens dans ce décor parfait prive les figurants de leurs traits. On dénombre parmi eux, des sans voix, des sans corps, des sans ombre qui portent cependant les costumes qu’il faut pour donner à qui voit une impression qui vaut l’hilare or de cymbales hypnotique qui chante dans la langue du mort. Mais voici que nous hante la veuve sans amour dévorée par ses fils. Son corps est un pain dur que mangeront les six garçons qu’elle a donnés au monde qui s’achève. Comme un arbre asséché s’est vidé de sa sève. Et pourtant continue de nommer le pays. Nous n’irons plus au bois, nous resterons assis parmi les figurants qui peuplent les églises refroidies par l’hiver. Nous serons ceux qui disent. Disent-ils, les soirs de riants soirs de noirceur. Quand le bruit est mué comme le sont vos cœurs. »

Mot de la metteure en scène

«…je n’invente rien en disant que ce fut pour moi une expérience unique. Un voyage exceptionnel qui m’a bousculée dans mes habitudes pour me sortir de ma pratique antérieure. À travers les paroles d’Hervé Bouchard, j’ai découvert un monde troublant, une façon de peindre la nature humaine comme si tout acte, aussi banal, tragique ou absurde qu’il soit, pouvait devenir une œuvre poétique. J’ose espérer que ces paroles vous interpelleront tout autant que moi, car elles évoquent des lieux et des anecdotes qui se sont inscrits dans notre mémoire collective avec autant de punch qu’un succès des années 60. Et c’est par la bouche des interprètes qui m’ont suivie avec confiance que j’arrive à me convaincre moi-même que j’ai eu raison de vous proposer cette œuvre. J’en profite pour saluer tous les artisans qui ont participé à ce projet…consciente de la chance que j’ai de pratiquer dans le domaine artistique, je réalise, chaque jour, le travail à faire pour participer au développement de la pratique et l’extrême urgence d’agir, aujourd’hui, pour protéger notre culture… »
|Quelle famille Beaumont !