Événements de Montréal-Nord

2008/12/03 | Par Ligue des droits et libertés

Comment se fait-il qu’une intervention policière auprès de quelques jeunes non armés qui jouent aux dés dans un parc se solde par la mort de l’un d’entre eux et que deux autres soient blessés? Comment se fait-il que quatre mois après ces événements la population doit se contenter d`une déclaration sommaire blanchissant les policiers et attendre une enquête publique (une autre!) pour qu’un peu de lumière soit faite?

Le Centre justice et foi (CJF), le Conseil central du Montréal métropolitain (CSN), la Ligue des droits et libertés et la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI) craignent que ces questions demeurent sans réponse, si le mandat qui a été confié au Juge Sansfaçon demeure circonscrit aux événements survenus le 9 août 2008.

« Si le mandat du juge Sansfaçon demeure limité aux seuls événements survenus le 9 août dernier, l’enquête publique n’abordera pas les questions relatives au profilage racial dans le contexte de la lutte aux gangs de rue alors que cette problématique, présente à Montréal-Nord, a été fortement dénoncée par plusieurs, » constate Louise Dionne, du Centre justice et foi. « Les responsables des forces policières doivent rendre compte publiquement de la manière dont cette problématique est prise en compte dans leurs interventions et identifier les lacunes à corriger », ajoute Mme Dionne.

La faillite de la politique ministérielle qui fait que les corps policiers enquêtent mutuellement les uns sur les autres n’est plus à démontrer. « Le blanchiment systématique des policiers dans des événements comme ceux de Montréal-Nord enlève toute crédibilité au processus et laisse l’impression que les policiers sont au-dessus de la loi, » signale Dominique Peschard de la Ligue des droits et libertés.

« Le fait que le ministre de la Sécurité publique annonce la tenue d’une enquête publique « pour rassurer la population sur le bien-fondé de la décision prise par le directeur des poursuites criminelles » vient confirmer la nécessité que le Québec se dote d’un autre processus d’enquête, » poursuit-il. Nous demandons que soit créée une unité d’enquête spéciale, indépendante des forces policières et composée majoritairement d’enquêteurs civils, chargée d’enquêter lors d’interventions policières entraînant la mort ou des blessures. Cette unité aurait le mandat, non seulement de déterminer s’il y a matière a poursuite criminelle contre des policiers mais aussi de rendre publics les problèmes importants relatifs aux pratiques et aux tendances dans le maintien de l’ordre qu’elle découvre lors de ses enquêtes. »

Par ailleurs, les événements de Montréal-Nord ont mis en lumière les graves problèmes d’exclusion économique et sociale dont sont victimes les membres des communautés culturelles. « La politique québécoise en matière d’intégration, rendue publique peu avant les élections provinciales, ne propose pas pour autant de mesures tangibles qui permettront de résoudre ces problèmes puisqu’elles ne sont que de nature incitative. Les problèmes de racisme et de discrimination nécessitent un peu plus de mordant et une intervention gouvernementale systémique pour y faire face, » déclare pour sa part Stephan Reichhold de la TCRI.

En outre, l’action gouvernementale doit dépasser les préoccupations de sécurité publique et aborder de manière urgente les questions sociales et économiques. « Le respect et la réalisation de droits aussi importants que le droit au logement, à un revenu suffisant, et à un emploi décent devront faire partie des solutions offertes si on souhaite mettre fin de manière durable aux problèmes d’insécurité à Montréal-Nord et ailleurs », précise Manon Perron du Conseil central Montréal Métropolitain-CSN.