Le président de la FTQ répond au ministre Couillard

2008/12/18 | Par Michel Arsenault

Réponse de Michel Arsenault à la lettre du Dr Philippe Couillard
parue dans un quotidien montréalais le 15 décembre 2008

« Les contorsions du docteur Couillard : le chat s’éloigne du sac »
– Michel Arsenault, président de la FTQ

Le problème, avec l’ex-ministre de la Santé, Philippe Couillard, est de savoir s’il faut vraiment le croire.

Nous avons eu l’occasion de croiser à quelques reprises l’homme et force est de constater qu’il est doté de qualités remarquables. Il possède l’art du verbe, il est astucieux, il a une force rare de persuasion, il sait flatter et convaincre.

Mais, comme on dit, « il y a un bout à tout ». Dans une lettre parue dans un quotidien montréalais le15 décembre, Philippe Couillard nous ressasse les mêmes paroles : sa croisade n’aura eu qu’un seul but, celui de l’encadrement de la pratique de « certaines » opérations dans les cliniques privées et surtout, de ce qui se pratique « déjà ».

Voyons voir ce que dit le règlement de la loi 33 en question :

« Un traitement médical spécialisé dont la durée d’hébergement postopératoire habituellement requise est de plus de 24 heures de même que l’arthroplastie-prothèse de la hanche ou du genou ne peuvent être dispensés QUE dans un centre médical spécialisé visé au paragraphe 2 du premier alinéa de l’article 333.3 de la loi. »

1. De quels traitements parle-t-on?

En plus des chirurgies de la hanche et du genou, de tout autre traitement dispensé sous anesthésie générale ou sous anesthésie régionale, allant des chirurgies esthétiques et gynécologiques jusqu’aux chirurgies du système nerveux, en passant par les chirurgies mammaires, orthopédiques, cutanées, les chirurgies des appareils respiratoire, auditif, visuel, digestif, vasculaire et lymphatique, ou encore à des fins de transsexualisme. Les seules chirurgies qui échappent au règlement sont celles liées au bloc digital.

Pour ce faire, il suffira de justifier d’un traitement qu’il exige un hébergement de plus de 24 heures.

2. De quels établissements parle-t-on?

De centres médicaux spécialisés « où exercent exclusivement des médecins non participants... » (article 333.3 de la loi), c’est-à-dire de médecins ayant délaissé la pratique publique pour la pratique privée.

L’ex-ministre Couillard, avant de partir, a même coupé de moitié les coûts d’obtention des permis d’opération de tels centres médicaux, encourageant par là les médecins à quitter la pratique publique.

Au moment de la présentation de la loi 33 et des règlements qui y sont rattachés, l’ex-ministre nous a expliqué qu’il visait à endiguer les longs délais d’attente pour diverses chirurgies. Aujourd’hui, de deux choses l’une : soit il nous a habilement menti, soit il s’est trahi avec finesse.


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Comme on peut le lire dans la définition du mot « habileté » du Petit Robert, « Les finesses et les habiletés comptent pour peu de chose dans l’oeuvre des véritables hommes d’État » (Siegfried). Cela vaut pour l’ex-ministre. Au-delà de ses finesses et de ses habiletés, son oeuvre se sera limitée à mettre la table pour une privatisation accrue du système de santé.

Son ouverture face à la pratique mixte, au ticket modérateur et à l’assurance privée ne trompe pas : il s’agit bien d’un plaidoyer clair et net en faveur du privé plutôt que d’un « encadrement » nécessaire de la pratique privée qui se faisait déjà. Il faut bien appeler un chat un chat.

Encore une fois, à l’occasion de son récent passage à l’émission de Christiane Charette, Philippe Couillard a de nouveau réussi à dire une chose et son contraire, tout en douceur. D'une part, il y a affirmé qu’avant l’adoption de sa loi 33 accompagnée de ses règlements, TOUTES les chirurgies prévues à la loi 33 étaient déjà pratiquées dans le privé. Puis, dans une contorsion dont lui seul a le secret, il somme quiconque de nommer une seule chirurgie qui serait passée au privé suite à l’adoption de sa loi. Question pernicieuse s’il en est, particulièrement de la part d’un ex-ministre sachant fort bien que le règlement mettant la table pour le privé n’entrera en vigueur que… le 9 janvier 2009. Que le Dr Couillard ne veuille plus débattre de la question, cela lui appartient. Mais qu’il nous quitte sur cette demi-vérité teintée d’ambiguïté laisse un goût plus qu’amer pour la suite des choses.