Si Ottawa réduit les impôts, Québec devrait récupérer les points d’impôt

2009/01/08 | Par Pierre Dubuc

Le ministre fédéral des Finances Jim Flaherty a annoncé son intention d’inclure des baisses d’impôt dans son train de mesures pour combattre la crise économique. Si le gouvernement Harper va de l’avant, le gouvernement du Québec devrait s’empresser d’occuper le champ fiscal laissé vacant par le fédéral en augmentant les impôts québécois d’une somme équivalente. Au total, l’opération serait à somme nulle.

Québec a manqué son coup lors de la baisse de la TPS, alors qu’il aurait dû augmenter d’autant la TVQ. Il ne peut, cette fois, regarder passer le train. D’autant plus que, mis à part les économistes d’obédience néolibérale, il y a quasi-unanimité au Québec chez les économistes, les éditorialistes et les chroniqueurs pour reconnaître que les baisses d’impôt sont une « mauvaise idée » pour reprendre l’expression d’Alain Dubuc dans sa chronique de La Presse du 7 janvier 2009.

Selon ces économistes, l’allégement fiscal n’aura pas l’effet escompté sur la relance de la consommation parce que bon nombre de contribuables préféreront utiliser cet argent pour épargner ou réduire leur endettement.

Jim Flaherty semble influencé par le plan de relance de l’équipe Obama qui comprend des réductions d’impôt de plus 300 milliards de dollars. Mais une lecture attentive de la scène politique américaine démontre que ce volet est une concession aux Républicains néolibéraux pour rallier une majorité au Congrès à son plan global.

Au Canada, c’est l’inverse. C’est le gouvernement conservateur qui est guidé par l’idéologie néolibérale. Les partis d’opposition à la Chambre des communes favorisent plutôt des mesures d’intervention étatique comme en témoigne le programme mis de l’avant par la Coalition lors de la récente crise politique.

Trois raisons pour récupérer les points d’impôt

Il y a plusieurs raisons pour lesquelles le Québec devrait récupérer les points d’impôt éventuellement abandonnés par Ottawa. Premièrement, les finances du Québec ont viré au rouge. Au cours du seul mois d’octobre, le Québec a enregistré un déficit de 734 millions de dollars, un revirement avec les trois mois précédents, alors que le Québec avait engrangé des surplus mensuels moyens de 462 millions.

Comment le Québec pourra-t-il venir en aide à sa population sans ressources financières? D’autant plus qu’aux conséquences de la crise risquent de s’ajouter les effets dévastateurs des compressions prévisibles dans les programmes sociaux fédéraux, comme les économistes des grandes banques canadiennes l’ont demandé lors de leur rencontre du 7 janvier avec M. Flaherty.

Il est en effet peu probable que M. Harper s’inspire de Barack Obama pour faire de la sécurité sociale et de la santé les priorités de son plan de relance. Le gouvernement conservateur voudra plutôt montrer par ces compressions aux milieux financiers qu’il entend contrôler le déficit.

Deuxièmement, nous savons que les réductions d’impôt favorisent surtout les riches. Cela a pour effet d’avantager les provinces où il y a plus de riches et désavantager le Québec.

Enfin, il est reconnu que l’intervention étatique est la stratégie la plus efficace pour faire face à la récession. Québec doit donc se donner les moyens pour venir à la rescousse des secteurs forestier et industriel, déjà durement frappés, mais également des autres branches de l’économie qui ne manqueront pas d’être touchées.

Aujourd’hui, plus de 50% de l’activité économique passe par l’intervention de l’État. La répartition des ressources disponibles – c’est-à-dire nos impôts – entre Ottawa et Québec n’est donc pas sans conséquence. Ottawa dépense en fonction des intérêts nationaux canadiens. Québec investit en fonction des priorités nationales québécoises (ou du moins devrait le faire). Cela n’est pas anodin.

Si le gouvernement Charest récupérait les points d’impôt du fédéral, les Québécois ne paieraient pas plus d’impôt, mais leur argent serait utilisé en fonction de leurs intérêts nationaux. Ce faisant, le gouvernement Charest poserait un geste de souveraineté. Sans doute, récuserait-il l’expression. Nous ne lui en tiendrons pas rigueur. Nous sommes prêts à parler de geste d’urgence nationale.



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