Quand la fin justifie les moyens

2009/01/15 | Par Louis Bernard

À défaut de publier ses mémoires, M. Jean Pelletier a donné à Gilbert Lavoie du Soleil, à l’automne dernier, une série d’entrevues à être publiée après son décès. C’est un document remarquable de franchise qui met à nue la politique fédérale du gouvernement Chrétien à l’égard de la question nationale du Québec.

M. Pelletier raconte candidement comment, à quelques jours du référendum de 1995, le gouvernement fédéral, sentant la victoire lui échapper, est intervenu brutalement pour mettre de côté le Comité du Non et prendre le contrôle de la bataille référendaire.

À la question de Gilbert Lavoie : « À ce moment-là, aux activités comme le grand love-in de Montréal, vous êtes-vous posé des questions sur le financement? », M. Pelletier répond : « Je ne m’en souviens pas. Dans la guerre, on ne se demande pas si les munitions sont payées, on les tire. »

Lavoie insiste : « Je veux dire le financement par rapport à la Loi référendaire. » Et Pelletier de répondre : « Non. Il y en a peut-être qui se sont posé ces questions-là, mais pas moi. Des ordres de marche, puis salut! Quand on est en guerre, on va-tu perdre le pays à cause d’une virgule dans la loi? »

Non, mais dites donc! Est-ce que ça ne vous fait pas penser au président Bush et à son entourage dans la conduite de la guerre au terrorisme? N’est-ce pas exactement la même attitude : la fin justifie les moyens, un point c’est tout.

Peu importe que la Loi sur les consultations populaires du Québec ait été déclarée par la Cour suprême du Canada, en raison de l’équilibre qu’elle prévoit entre les deux parties, comme un modèle démocratique.

Peu importe que les Québécois se soient astreints à une démarche exemplaire pour décider, démocratiquement, de leur avenir collectif. Le gouvernement fédéral est au dessus de la loi et peut dépenser à sa guise, par quelque moyen que ce soit, pour faire prévaloir son point de vue.

Il faut souligner, d’ailleurs, que ce non-respect des lois ne s’est pas appliqué uniquement aux lois du Québec, mais également aux lois fédérales, comme l’a bien montré l’enquête du juge Gomery sur le scandale des commandites.

Car ce n’est qu’en mettant carrément de côté les règles fédérales qui régissent l’octroi des contrats que le Cabinet de Jean Chrétien a pu mettre sur pied son système parallèle de commandites. Mais, encore une fois, c’était pour la bonne cause!

Ce comportement illégal et ce mépris des lois sont inacceptables dans une société comme la nôtre, surtout quand ils sont le fait des plus hauts dirigeants politiques – ceux-là mêmes qui devraient donner l’exemple – et ils doivent être dénoncés clairement par tous les Québécois, qu’ils soient souverainistes ou fédéralistes.

Cette dénonciation est nécessaire pour que nous puissions espérer que la nouvelle génération des dirigeants fédéraux maintenant en place à Ottawa se montre plus respectueuse de nos traditions démocratiques et de la suprématie, chez nous, de la règle de droit, surtout quand il s’agit de l’avenir de la nation.

Les rapports personnels que j’ai entretenus avec M. Jean Pelletier ont toujours été cordiaux et il m’a fait l’honneur de m’attribuer la médaille de la Ville de Québec. Je ne doute donc pas que ses intentions aient été bonnes. Comme celles, sans doute, du président Bush. N’empêche que, comme Jean Chrétien dont il était le bras droit, il a dévalué la cause qu’il a voulu servir. Ce n’est certainement pas à son honneur.