Pénurie de personnel infirmier au Québec

2009/01/21 | Par Nadine Lambert

L’auteure est infirmière au CHU Sainte-Justine et responsable du personnel des soins infirmiers et cardiorespiratoires à la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS–CSN)

L’étude des économistes du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO) sur la pénurie de personnel infirmier, publiée en début de semaine, laisse entendre que la crise n’est pas aussi grave qu’elle l’est.

Au fond, le problème tiendrait simplement au fait que les infirmières et les infirmiers ne travaillent pas assez d’heures par semaine comparativement à leurs collègues du reste du Canada.

Pour remédier à cette situation, un bon moyen de diminuer la pénurie de 25 % serait d’augmenter leur « intensité » de travail de 10 % par différentes mesures d’incitation au travail.

Quant aux heures supplémentaires obligatoires imposées dans plusieurs établissements du réseau, l’étude mentionne qu’il n’y aurait pas lieu de s’en surprendre puisque seulement 628 infirmières et infirmiers sont tenus de faire « beaucoup » d’heures supplémentaires, sans jamais en préciser le nombre ni les impacts sur leur vie personnelle.

La même étude suggère enfin d’introduire le sacro-saint ticket modérateur pour réduire la pénurie d’infirmières en limitant le nombre de patients. Cette solution n’étonne aucunement du fait qu’elle émane de Claude Monmarquette, membre associé au CIRANO et ex-président du groupe de travail sur la tarification des services publics.

Le hic dans cette analyse basée sur une étude des heures travaillées par le personnel infirmier, c’est qu’elle ne donne qu’un portrait superficiel et biaisé de la situation et n’offre aucune perspective réjouissante.

Elle ne tient aucunement compte de la charge de travail et de la complexité des soins donnés dans les services comme dans les urgences, les soins critiques en néo-natalité, en oncologie ou encore chez les grands brûlés.

L’étude CIRANO passe sous silence les impacts de la place occupée par une main-d’œuvre indépendante souvent ignorante des règles et des processus en vigueur sur l’organisation du travail, de même que les effets de la démotivation et de l’épuisement professionnel.

Pas un mot sur le travail de nuit et de soir ni sur le vieillissement du personnel infirmier dans les blocs opératoires, alors que plus de la moitié des effectifs partira à la retraite d’ici les prochaines années.

Pas un mot non plus sur l’apport des autres catégories d’emplois comme les infirmières auxiliaires et les préposé(e)s aux bénéficiaires.

Le rapport CIRANO n’apporte rien de neuf au débat sur la pénurie de personnel infirmier, sinon que de suggérer que les efforts consacrés jusqu’ici par les différents intervenants pour trouver des solutions sont inutiles.

Au contraire, la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS–CSN) a depuis longtemps fait valoir aux employeurs et au ministère de la Santé et des Services sociaux l’urgence de reconnaître les effets de cette pénurie sur le personnel et la population.

Elle a proposé de mettre en place des moyens efficaces et récurrents pour améliorer les conditions de pratique et de travail. Déjà, 18 projets de révision de l’organisation du travail sont en cours dans autant d’établissements du réseau. Voilà une façon bien concrète et positive de contribuer au débat.