Rouler sans pétrole… ou presque

2009/01/25 | Par Gabriel Ste-Marie

Le physicien Pierre Langlois vient de publier l’ouvrage synthèse Rouler sans pétrole. Dans une mise en page agréable et magnifiquement illustrée, le spécialiste fait le point sur les développements technologiques qui permettent de diminuer notre empreinte écologique lors de nos déplacements. En ce qui concerne l’automobile, l’auteur passe en revue les alternatives au pétrole pour finalement retenir la voiture hybride.

Une voiture fonctionnant uniquement à l’électricité ne sera jamais performante sur de longues distances. La pile coûterait trop cher et serait trop lourde. Côté hydrogène, la mise en place d’un réseau de distribution serait complexe, coûterait dans les centaines de milliards, sans compter les problèmes de sécurité. De plus, l’hydrogène coûte beaucoup plus cher à produire que l’électricité.

Langlois rejette également l’option des piles à combustible à l’hydrogène. Ce système accuse une dizaine d’années de retard sur le développement de la voiture hybride et pourrait difficilement être implanté à grande échelle. C’est que la pile est fabriquée à partir de platine, métal rare et cher.

Le physicien évalue également la performance des voitures à air comprimé. Si cette technologie semble prometteuse, l’auteur calcule que la quantité d’électricité nécessaire à la compression de l’air dans les bouteilles-réservoirs ainsi que celle utilisée pour réchauffer le gaz avant son entrée dans le moteur est trois fois plus élevée que ce qu’utilise une voiture hybride dans les mêmes conditions. Les carburants créés à partir de charbon ou de gaz naturel ne sont pas retenus. En tenant compte de leur procédé de fabrication, ils polluent plus que le système actuel au pétrole.

Les biocarburants sont aussi problématiques. Le physicien explique que ceux qui sont créés à partir de monoculture intensive de céréales ont un impact négatif sur l’environnement et font grimper le prix des aliments. La seule fenêtre de cette filière se trouve dans les biocarburants de deuxième génération (éthanol cellulosique ou diesel synthétique BTL), produits en petite quantité. Ils proviennent soit des huiles de friture, déchets domestiques, résidus forestiers ou encore de petites cultures de hautes herbes sauvages comme le panic érigé ou le miscanthus. Ces plantes produisent davantage de biomasse que les céréales, préviennent l’érosion, n’ont pas à être arrosées et n’exigent pas de pesticide. Cette filière est vouée à la marginalité, mais pourrait avantageusement être combinée à l’utilisation de la voiture hybride.

C’est donc cette voiture hybride qui demeure la meilleure alternative. Sur de courtes distances, elle ne fonctionne qu’à l’électricité. Sur de longs parcours, une petite génératrice recharge les piles. Cette solution consomme moins de carburant que pour faire fonctionner un moteur à combustion. Pierre Langlois rappelle que 80 % de nos parcours sont inférieurs à 100 km et que cette génératrice serait utilisée que lors des 20 % restants.

Cette option est devenue possible avant tout grâce au développement rapide des piles, qui s’explique par l’essor des ordinateurs et téléphones portables et autres gadgets électroniques. Le physicien mentionne par exemple les super-piles Li-ion au titanate de lithium utilisant les nanotechnologies.

Elles se rechargent en moins de dix minutes, fonctionnent sans problème à moins 30 °C et peuvent être rechargées plus de 5500 fois, soit l’équivalant d’une charge quotidienne durant 15 ans. Le seul hic est leur coût encore élevé : 20 000 $ pour une pile présentant une autonomie de 100 km. Produites en grandes quantités, leur coût devrait osciller entre 7000 et 10 000 $.

Il faut garder en tête que ces piles constituent la composante la plus onéreuse de la voiture hybride, et que ce coût élevé est compensé par l’économie de carburant. Par exemple, l’utilisation standard d’un véhicule hybride coûtera 8 700 $ d’électricité sur une période de 15 ans, à des tarifs de 12 cents le kilowattheure (nous le payons actuellement 7,5 cents avec les taxes).

Un véhicule standard qui consomme 8 litres/100 km dépensera 58 000 $ d’essence pour effectuer les mêmes déplacements durant la même période, en supposant le prix à 1,80 $/L (l’auteur tient compte de l’inflation sur la période étudiée).
Pierre Langlois pousse plus loin ses calculs. En incluant l’ensemble des dépenses, comme le coût élevé des piles et celui des carburants utilisés de part et d’autre qui incluent le 20 % d’essence pour l’hybride, il arrive à une économie nette de 21 000 $ en faveur de la voiture hybride, toujours sur une durée de vie de 15 ans.

L’auteur démontre que la technologie est déjà bien développée. Par exemple, GM, Toyota, Ford, Volkswagen et le nouveau venu Fisker Automotive prévoient mettre en marché un modèle hybride branchable dans nos prises électriques d’ici 2010. Il souligne également que Volvo a déjà présenté une hybride branchable en 2007, fonctionnant avec quatre moteurs-roues et qui présente une autonomie électrique de 100 km.

Ces voitures sont très performantes, particulièrement au niveau de l’accélération. Langlois donne en exemple la sportive Roadster lancée sur le marché en 2006 au prix de 100 000 $ par la compagnie Telsa Motors. En plus d’atteindre les 200 km/h, la voiture électrique possède une autonomie de 300 km et fait du 0 – 100 km en quatre secondes!

Si les constructeurs ont été réticents à lancer des hybrides, c’est que ces modèles sont trop performants et risquent par conséquent de réduire leur production : moins de composantes signifie moins de pièces à changer, sans compter qu’un moteur électrique peut durer un million de kilomètres!

Le physicien fait référence au documentaire américain de 2006 Who Killed the Electric Car?, où on y apprend par exemple que le brevet de la pile performante Ni-MH des années 1990 fut acheté par la pétrolière Chevron-Texaco, limitant sérieusement son utilisation. Le documentaire rappelle aussi que les exemplaires du modèle électrique EV1 mis sur le marché par GM, suite à une obligation du gouvernement californien, ont été rachetés par l’entreprise pour être détruits : ce modèle était une trop grande menace pour la voiture traditionnelle.

Pour Pierre Langlois, l’avenir de la voiture hybride se trouve dans le moteur-roue, développé par le physicien Pierre Couture, chercheur au centre de recherche d’Hydro-Québec dans les années 1980 et 1990. Une hybride équipée de ces moteurs aux quatre roues se trouve allégée des composantes mécaniques traditionnelles, comme la transmission. Ceci permet de fermer le dessous du véhicule et de le rendre davantage aérodynamique et plus léger.

Toutefois, le principal avantage de cette technologie est de récupérer l’énergie nécessaire au freinage, chaque moteur fonctionnant alors à l’envers et rechargeant les piles. 85 % de cette énergie est récupérée, alors qu’un moteur électrique conventionnel n’arrive à en récupérer que 20 à 25 %. Cet avantage permet à la voiture équipée de moteurs-roues d’économiser 25 % du total de l’énergie utilisée.

Toutes ces adaptations technologiques font que la voiture hybride équipée de moteurs-roues fonctionne avec quatre fois moins de carburant qu’une voiture conventionnelle lorsque sa pile est à sec et qu’elle dépend uniquement de sa génératrice.
Jusqu’à l’actuelle crise économique, les constructeurs automobiles se sont entêtés à freiner l’innovation, jugeant que ça altérerait leurs profits. Il est à souhaiter que leurs difficultés financières et la volonté du gouvernement Obama soient suffisantes pour leur faire prendre le virage du véhicule hybride. En plus, un tel changement favorisera l’économie québécoise, en réduisant notre dépendance aux hydrocarbures et en mettant à contribution notre avantage économique principal, soit la production d’électricité renouvelable à faible coût.