L’indépendance énergétique

2009/04/14 | Par Sylvain Gaudreault

L’auteur est député de Jonquière et porte-parole de l’Opposition officielle en matière d’énergie et de jeunesse

« Nous savons que le pays qui exploitera la puissance de l'énergie
propre et renouvelable guidera le 21e siècle. »
Barack Obama

Dans le contexte où l’actuelle crise économique mondiale est conjuguée à une rareté des ressources, les pays qui s’en sortiront le mieux seront ceux qui auront la pleine maîtrise de leur énergie et qui investiront dans le développement des énergies renouvelables.

À ce chapitre, le Québec est formidablement bien positionné. Son fort potentiel hydroélectrique est bien connu. Mais il recèle aussi des sources importantes en éolien, en solaire, en bioénergies et en efficacité énergétique.

Il est essentiel de poursuivre sans délai le travail entamé par les leaders de la Révolution tranquille. Être maîtres chez nous au 21e siècle, c’est relever le défi de l’indépendance énergétique.

L’indépendance énergétique veut dire se donner la marge de manœuvre pour faire nos propres choix de développement énergétique, et ce, tout en brisant nos liens de dépendance à l’égard de fournisseurs étrangers dont les préoccupations sont à mille lieues des besoins et des intérêts du Québec.

Cela signifie également d’atteindre l’autosuffisance. On a déjà un bon bout de chemin de parcouru : l’énergie produite au Québec est principalement renouvelable et représente déjà la moitié de notre propre consommation. Mais, il en reste encore beaucoup à faire.

Nous avons au Québec tout ce qu’il faut (et même plus!) pour relever ce formidable défi et nous donner une longueur d’avance par rapport au reste de la planète.

Premièrement : briser notre dépendance au pétrole

Le Québec, comme toutes les autres sociétés, n’échappera pas à la fin du pétrole. Déjà, le niveau de production mondiale de pétrole tend à baisser alors même que les besoins augmentent. Les énergies fossiles représentent plus de la moitié de la consommation d'énergie au Québec. La consommation de pétrole à elle seule est à peu près égale à celle de l’électricité, soit environ 38 % de la consommation totale.

Compte tenu que le Québec ne produit actuellement pas de pétrole, l’importation massive d’or noir à fort prix handicape lourdement notre balance commerciale du secteur énergétique. Notre dépendance au pétrole coûte très cher et les profits vont ailleurs.

Dès la reprise économique et avec la demande qui augmente, le prix du baril atteindra de nouveaux sommets. Cessons de nous leurrer : l’ère du pétrole à bon marché est derrière nous.

Le véritable défi consiste davantage à nous libérer de l’emprise des grandes pétrolières étrangères. L’indépendance énergétique permet de briser les chaînes qui nous lient aux fluctuations sur un marché sur lequel nous n’avons pas de contrôle.

Se donner un plan vers l’indépendance énergétique

Les deux autres piliers de l’indépendance énergétique sont l’efficacité et le développement des énergies renouvelables. Avec l’indépendance face au pétrole, ils sont au cœur d’une stratégie qui ferait du Québec une véritable puissance énergétique.

L’actuelle récession représente une occasion en or pour enclencher un tel programme. Le premier pas vers l’indépendance énergétique consiste à mobiliser la population. L’indépendance énergétique est impossible sans une responsabilisation des consommateurs qui doivent revoir en profondeur leurs habitudes. Il faut aussi mettre en place une véritable politique d’électrification des moyens de transports individuels et collectifs.

Afin de contribuer à la relance économique, le gouvernement aurait dû annoncer dans son discours inaugural une vision intégrée de la production et de la consommation d’énergie. Dès le budget 2009-2010, il aurait pu y avoir des investissements dans les infrastructures en énergies renouvelables, dans les économies et l’efficacité énergétiques.

Au contraire, le programme libéral de rénovation domiciliaire accordera un crédit d’impôt pour l’installation d’un spa extérieur. C’est tout le contraire de l’efficacité énergétique!

Notre vision permettrait de faire des gains supplémentaires dans la lutte contre les gaz à effet de serre. Elle permettrait aussi de libérer des capitaux importants en raison des sommes dégagées par les économies d’énergie et de la participation du Québec au marché du carbone du nord-est américain.

L’indépendance énergétique projetterait le Québec parmi les leaders mondiaux des énergies alternatives. Toutefois, c’est dès maintenant qu’il faut agir! L’indépendance énergétique est le contraire de l’attentisme!

Vers le plein contrôle de nos leviers et de nos pouvoirs

L’abondance de ressources énergétiques et renouvelables à bon marché au Québec attire la convoitise des États-Unis, des provinces voisines et des multinationales. Diminuer notre dépendance à l’égard du pétrole tout en dégageant des surplus énergétiques de source renouvelable permettrait au Québec de retirer des bénéfices environnementaux et économiques importants tout en se positionnant comme précurseur au sein de l’économie verte mondiale.

Un pays moderne ne peut prétendre à sa réelle indépendance s’il ne détient pas le plein contrôle de ses ressources, notamment énergétiques. L’indépendance énergétique et la souveraineté économique sont intimement liées. C’est ce qu’avaient compris les acteurs de la Révolution tranquille en nationalisant l’hydroélectricité. Il fallait être « Maîtres chez nous » et cela passait inévitablement par le contrôle de nos ressources. Il s’agissait alors d’une étape incontournable dans la marche collective du Québec vers une plus grande liberté.

La souveraineté du Québec est une idée forte et moderne. Elle a toujours su s’incarner dans des enjeux d’actualité. À l’heure où la maîtrise de l’énergie et le contrôle des ressources sont les outils les plus puissants pour assurer à la fois l’avenir de la planète et la croissance économique, il nous apparaît que la quête de l’indépendance énergétique du Québec fait partie de cette marche vers l’indépendance politique.

En contrôlant pleinement leur énergie, en se mobilisant derrière un but commun, les Québécois prendront goût à plus de liberté. Ils choisiront ensuite le plein contrôle de tous les autres leviers, qu’ils soient économiques, culturels ou politiques.