Compteurs d’eau : quelle est la responsabilité du maire Tremblay?

2009/04/24 | Par André Bouthillier

L’auteur est consultant en organisation du travail et gestion participative
cofondateur d’Eau Secours! La Coalition québécoise pour une gestion responsable de l’eau
Saint-Anselme
 
D’emblée la stratégie de développement d’une gestion responsable de l’eau à Montréal par l’administration Tremblay est admirable. Je l’ai dit en 2003 et le répète en 2009. De quoi s’agit-il alors?

Les tuyaux fuient de partout par l’inaction de Drapeau, Doré et l’autre là! « Géranium premier » comme le surnommait ses cadres…Trois têtes, même constantes : la langue de coton pour justifier l’injustifiable et la dilapidation des taxes pour servir la cause profitable du secteur de l’économie privé des multinationales. Doré et Bourque ont presque réussi à privatiser la gestion de l’eau à Montréal, l’un pour le bénéfice de Lavalin, l’autre pour la Lyonnaise des eaux.

Tremblay dans tout cela?  Il comprend l’intérêt de préserver le capital investi par les Montréalais dans les infrastructures de la gestion de l’eau. Il dit non à la privatisation. Mieux, il développe avec une équipe de fonctionnaires un plan pour que l’administration municipale devienne un phare dans la gestion publique de l’eau, répondant entre autres aux attentes de la Coalition Eau Secours!, victorieuse du combat contre Pierre Bourque sur la privatisation.
 
Avant novembre 2003, le manque d’investissement dans les infrastructures de l’eau menace l’ensemble du réseau d’aqueduc, à grands frais de gestion. Pour contrer cette déprédation, le Maire crée un « Fonds de l’eau » basé sur la taxe foncière, une façon équitable d’éviter l’appauvrissement des plus démunis de la Ville.
 
Par la suite, il lance la rénovation des usines d’assainissement des eaux et tente de mettre aux normes provinciales la production d’eau potable. L’entreprise sera semée d’embûches par le gouvernement provincial qui exploite tous les subterfuges possibles pour éviter le financement de ses propres règlements.
  
La décision d’imposer des compteurs d’eau aux industries, commerces et institutions fait consensus à Montréal; certains s’en sortiront à bon compte, d’autres acceptent le fait pour une meilleure équité fiscale.

Quant aux économies d’eau domestique, la Ville adhère aux expériences probantes de sensibilisation et conscientisation prônée par Eau Secours! et par d’autres villes québécoises.
 
Alors, pourquoi une telle situation explosive de conflit d’intérêts aujourd’hui?
 
Pour deux principales raisons :

1. L’absolu désintérêt de la population et des médias pour la gestion publique municipale, mû par un mouvement conservateur de la société, avec son déficit de vision démocratique donc de transparence, et l’élasticité de ses normes morales (thèmes développés plus profondément dans prochain texte).

2. La confiance aveugle dans le secteur privé de l’économie pour rendre des services publics
 
1. Le Maire a déjà admis son manque de persévérance pour expliquer son projet. Bon! Mais n’oublions pas, la population et les journalistes ne s’intéressent aux réalités municipales que s’il y a scandale ou pugilat politique. Je me souviens d’une commission sur la politique de l’eau tenue devant une trentaine de citoyens (sur 1 million), et trois journalistes, dont deux du secteur communautaire. Aujourd’hui à la veille d’élection, l’opposition déchire sa chemise sur la place publique, dormaient-ils au gaz lors de la création du Bureau des projets? Ils ont quand même voté le processus! N’eurent été les interventions d’une journaliste d’enquête et d’Eau Secours! , aucune question ne semblait soulever l’inquiétude face à un éventuel Partenariat public-privé.
 
2. On se souviendra du ministre Tremblay et du concept des grappes industrielles, c’est le même homme devenu maire de Montréal. Vision brillante, mais inapplicable dans un monde des affaires où les coupe-gorge sont des héros. N’ayant pu convaincre la racaille cynique de son propre parti politique du bienfait de son concept, il reprend l’expérience à Montréal en tentant d’imbriquer le secteur public, dont la mission est de défendre le bien des citoyens.nes, et le secteur privé éternel piailleur de contrats municipaux dont la seule mission est d’accumuler des profits pour ses propriétaires. 

Les médias cherchent qui a trahi monsieur le Maire. Est-ce Zampino? Est-ce Provost? Non! C’est simplement sa conception du partenariat public-privé et la création du Bureau des projets de la Ville dûment mandaté pour transférer au secteur privé les projets qui devraient être dédiés aux fonctionnaires municipaux.

Dans le cas des compteurs d’eau, le Vérificateur général dépêché à l’enquête, ne pourra honnir la démarche, aussi déviante de l’intérêt public soit-elle. Toutes les résolutions sanctionnent la création du Bureau, donc de ses décisions. Même la ministre des Affaires municipales a déjà cautionné le projet des compteurs.
                                                                                                         
Quant à la corruption ou conflit d’intérêts dans le contrat des compteurs d’eau, lors d’une rencontre avec des fonctionnaires, j’avais, en tant que président d’Eau Secours!, soulevé cette possibilité que j’appréhendais et en avais avisé le Maire, par écrit. Pour faire toute la lumière, seule une enquête judiciaire menée par la police des affaires pourrait y trouver réponse, il faudrait fouiller les finances de personnes impliquées pour confirmer de possibles malversations.

À première vue, une décision gouvernementale à trois niveaux avec l’appui du monde des affaires n’est pas un conflit d’intérêts, c’est du népotisme. Comment le nommer autrement, lorsque Québec Inc. s’entend pour se partager le pactole de la fonction publique, sous l’initiative du Bureau des Partenariats public-privé du fédéral, de l’Agence des partenariats public-privé du Québec, et de l’Institut des partenariats public-privé du Québec créé par l’ancien ministre Facal et soutenu par Mme Jérôme-Forget.
 
Depuis 1983, je travaille sur des dossiers pratiques mettant en relief le rôle de l’État et celui du privé dans nos économies. Mes conclusions aboutissent inévitablement à constater leur incompatibilité; leur différente mission ne sert pas les mêmes intérêts.

Si les deux doivent coexister, l’intérêt du plus grand nombre doit prévaloir sur l’intérêt de quelques-uns, aussi vaut mieux ne pas subordonner le rôle des fonctionnaires à celui des dirigeants d’entreprise. Le cas de Montréal en est un patent. 
 
Que le maire reprenne tout à zéro et ce sera une faillite pour la saine gestion de l’eau et un échec pour la fonction publique municipale. Le perdant politique sera Tremblay, le cocu, Zampino, les larbins…. Trop nombreux pour les nommer ici!