Une menace à l’équité salariale

2009/05/11 | Par Lina Bonamie et Dominique Verreault

Le projet de loi 25 qui vient modifier la Loi sur l’équité salariale sera à l’étude la semaine prochaine à la commission parlementaire de l’économie et du travail. Le Québec a tout lieu d’être fier de sa législation sur l’équité salariale qui est maintenant bien ancrée dans nos mœurs, même si certains milieux de travail tardent encore à l’appliquer.

Le ministre du Travail, David Whissell, a déposé ce projet de loi le 10 mars dernier, justement pour obliger les entreprises qui ne l’ont pas déjà fait à éliminer toute discrimination basée sur le sexe dans leur structure salariale et pour assurer le maintien de l’équité salariale au sein des entreprises qui ont déjà effectué l’exercice, advenant des modifications aux tâches ou la création de nouveaux titres d’emploi.

Comme le Ministre a en outre promis d’allouer des ressources supplémentaires à la Commission de l’équité salariale pour qu’elle puisse réaliser son mandat de surveillance et qu’il a pris soin d’accommoder les parties patronale et syndicale, presque tous les acteurs ont applaudi. Il nous faut malheureusement jeter une ombre sur ce tableau idyllique.

Nous aimerions pouvoir apprécier sans réserve les modifications positives qui ont été proposées et saluer en toute confiance l’exigence d’une réalisation complète de l’exercice d’équité pour toutes les entreprises avant le 31 décembre 2010.

Mais il y a anguille sous roche. En effet, nous estimons que le droit fondamental à l’absence de discrimination salariale sur la base du sexe, prévu aux chartes québécoise et canadienne, ressort nettement affaibli des propositions de modification qui concernent le maintien de la loi. Voici pourquoi.

La Loi sur l’équité salariale en vigueur prévoit de corriger les écarts salariaux entre hommes et femmes dès qu’ils apparaissent ou de façon rétroactive si l’écart est observé après un délai. Le projet de loi 25 supprime cette obligation de maintenir l’équité salariale de façon continue pour implanter plutôt l’obligation de procéder à des examens périodiques aux cinq ans, sans rétroactivité à la date du changement qui a recréé une discrimination.

À titre d’exemple, une catégorie d’emploi à prédominance féminine, créée entre les examens périodiques aux cinq ans, devra demeurer discriminée jusqu’au moment de l’examen périodique sans avoir droit à une rétroactivité. Entre ces examens quinquennaux, la discrimination basée sur le sexe est en quelque sorte tolérée puisque ses effets ne seront pas corrigés dans l’intervalle : c’est donc un recul direct dans l’atteinte des objectifs de la loi.

Être discriminées pendant cinq ans, c’est ce que le projet de loi 25 propose aux femmes du Québec !!!

C’est pourquoi nous croyons que le retrait de la notion de rétroactivité dans la nouvelle loi proposée équivaut à un recul inadmissible.

Par ailleurs, le ministre Whissell aurait pu profiter du dépôt du projet de loi 25 pour exiger la participation des personnes salariées au processus de maintien de l’équité salariale. En laissant l’employeur décider seul des moyens d’assurer le maintien de l’équité salariale, qui est un principe exprimé très clairement dans la loi originale, il laisse le loup seul dans la bergerie... en espérant qu’il n’ait pas trop d’appétit.

Nos organisations comptent parmi les premières qui ont réclamé l’équité salariale. Portées par la conviction que l’égalité entre les sexes est désormais intrinsèquement liée à l’identité québécoise, nous estimons avoir le devoir de dénoncer le recul que représenterait l’adoption de ce projet de loi tel quel. Si le ministre veut sincèrement établir un équilibre entre la souplesse et la rigueur, il doit mettre tous les éléments sur les plateaux de la balance et s’assurer que cet équilibre n’est pas atteint au prix des droits fondamentaux reconnus aux femmes du Québec.

Lina Bonamie
Présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec – FIQ

Dominique Verreault
Présidente de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS)


Le 8 mai 2009




L’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) est un syndicat de plus de 26 000 personnes – dont 85 % sont des femmes, diplômées aux niveaux collégial et universitaire – œuvrant dans une centaine d’établissements répartis à travers tout le Québec.

La Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec - FIQ représente 57 000 professionnelles en soins infirmiers et cardiorespiratoires, œuvrant dans tous les établissements de santé au Québec, dont 92 % sont des femmes.