Les chômeurs au cœur des priorités…vraiment?

2009/05/13 | Par Hugo Desgagné

L’auteur est coordonnateur du Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi (MASSE)

À en croire le chef libéral Michael Ignatieff, le Parti libéral du Canada est désormais résolu à faire de l’accessibilité au régime d’assurance-chômage sa priorité numéro un et même, à en faire un enjeu central de sa prochaine campagne électorale.

D’emblée, nous reconnaissons que la mise en place d’un seuil unique d’admissibilité de 360 heures serait grandement bénéfique pour plusieurs travailleurs et travailleuses se retrouvant sans emploi.

Qui plus est, ce seuil unique d’admissibilité constitue l’une des revendications historiques des groupes de chômeurs et de chômeuses dans la lutte pour le rétablissement d’un régime d’assurance-chômage juste et universel.

Ainsi, nous ne pouvons que nous réjouir de la récupération de cette revendication par l’opposition officielle à Ottawa. Toutefois, nous demeurons inquiets quant au caractère électoraliste, mais surtout temporaire de la mesure proposée par les libéraux fédéraux.

Peut-être est-il pertinent de rappeler que le PLC est en grande partie responsable du fait qu’à l’heure actuelle, près de 65% des chômeurs et des chômeuses sont exclus du bénéfice des prestations en cas de perte d’emploi.

Ce n’est pas la première fois que le PLC, en tant qu’opposition officielle, prends position en faveur des chômeurs et des chômeuses pour finalement changer son fusil d’épaule au moment de prendre le pouvoir.

En effet, en 1994, les libéraux ayant pris le pouvoir et malgré leur opposition à la précédente réforme des conservateurs de Brian Mulroney, sabrent néanmoins dans le régime avec le projet C-17 qui fera chuter le taux de couverture à 51%. C’est d’ailleurs à partir de cette période que le PLC a fait du régime d’assurance-chômage une «vache à lait» gouvernementale.

Cette dynamique s’est accentuée avec l’abrogation en 1996 de la Loi de l’assurance-chômage par la Loi sur l’assurance-emploi. En considérant les heures de travail plutôt que les semaines pour se qualifier aux prestations, le gouvernement libéral se trouvait à tripler la norme d’admissibilité au régime.

Ainsi, nous nous retrouvions avec un régime percevant des milliards de dollars en cotisations en échange de maigres prestations versées aux quelques chômeurs et chômeuses couvertEs par le régime. Ceci a mené, rappelons-le, au plus grand vol de l’histoire canadienne, soit au détournement de près de 57 milliards de dollars des poches des travailleurs et des travailleuses vers les coffres du gouvernement.

Ce bref survol historique effectué, revenons donc à la mesure proposée par le PLC au début mai. Ainsi, Michael Ignatieff propose l’instauration, de manière temporaire, d’un seuil unique d’admissibilité fixé à 360 heures applicable partout au pays.

Clairement, cette mesure aurait des effets bénéfiques immédiats quant à l’admissibilité aux prestations. Dans le cadre d’une crise économique comme celle que le Canada traverse actuellement, il est évident qu’un régime d’assurance-chômage le plus accessible possible constitue une des mesures les plus efficaces afin de maintenir une certaine stabilité économique.

En effet, en permettant aux chômeurs et aux chômeuses d’avoir accès à des prestations de remplacement de revenu, non seulement maintient-on leur pouvoir d’achat, mais en plus, nous participons à la préservation de nombreux emplois, notamment dans le secteur des services et de la vente au détail.

Mais pourquoi s’en tenir à une mesure temporaire? Pourquoi continuer d’aborder le problème en fonction d’une vision réductrice et à court terme de la problématique du chômage? En maintenant une telle approche, ne contribuent-on pas à l’accentuation du caractère discriminatoire du régime d’assurance-chômage?

Une réforme en profondeur des modalités d’admissibilité au régime est d’autant plus pressante que la crise actuelle aura des répercussions non seulement sur le plan économique à court terme, mais bien sur toute la composition du marché du travail.

L’enquête sur la population active (Statistique Canada) du mois d’avril le démontre bien, non seulement la quasi-totalité des emplois créés le mois dernier sont des emplois dits «autonomes», donc non-admissibles aux prestations, mais en plus, la majorité sont des emplois liés au secteur des services.

Et cette tendance ne fera que s’accentuer dans les mois et les années à venir. La plupart des emplois perdus dans le secteur manufacturier seront remplacés par des emplois dans le secteur des services. Ceci veut donc dire que de plus en plus de travailleurs et de travailleuses seront susceptibles de se retrouver dans une situation d’emploi précaire et donc, d’avoir énormément de difficultés à se qualifier pour espérer bénéficier de prestations d’assurance-chômage en cas de perte d’emploi.

Dans un tel contexte, il est plus qu’urgent de procéder à une réforme majeure de l’assurance-chômage afin d’en rétablir non seulement l’accessibilité, mais également pour en bonifier les bénéfices.

En somme, le Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi et ses groupes membres sont tout à fait en accord avec l’idée d’établir un seuil unique d’admissibilité au régime d’assurance-chômage.

Toutefois, nous sommes d’avis qu’il faut cesser de toujours agir à la pièce et qu’il est grandement temps de procéder à une réforme en profondeur en vue de rétablir le caractère universel du régime d’assurance-chômage canadien.