Les tribulations d’un yankee dans la mouvance anti-cubaine

2009/05/14 | Par Jean-Guy Allard

L’auteur est journaliste à l’agence de presse Granma

James Cason, l’ex chef de la Section des intérêts nord-américains (SINA) à La Havane, se retrouve maintenant président du Center for a Free Cuba (CFC) de son copain Frank Calzón, une succursale de la CIA financée par la USAID.

Le CFC est cette même fausse ONG impliquée dans le scandale qui a conduit son ex employé Felipe Sixto en prison. Sixto a avoué une fraude d’un demi-million de dollars effectuée avec l’achat, à prix gonflés, de radios ondes courtes fantômes supposément destinés à la subversion à Cuba.

En mars, un juge de Washington l’a condamné à trente mois de prison, 10 000 dollars d’amende et trois ans de liberté conditionnelle, tout en le comparant au financier escroc Maldoff.

Étonnamment, c’est en faisant l’éloge de cette prétendue distribution de radios que Cason, nouveau patron du CFC, a effectué sa première apparition publique le 27 avril devant un sous-comité du Commerce et de la Protection du consommateur, au cours d’une audience sur « le statut du commerce avec Cuba et son impact sur la croissance économique ».

La fraude commise par Sixto aux dépens de la USAID et couverte par Calzon a été, précisément, sanctionnée par le Congrès nord-américain bien que les paiements aient repris leur cours après quelques semaines.

« Je parle aujourd’hui comme président du Center for a Free Cuba, une ONG non-partisane et une organisation 5101C3, de sorte que rien que je puisse dire ici aujourd’hui n’appuie ou s’oppose à un projet de loi déposé au Congrès», a commencé Cason, reprenant le baratin habituel de son copain

Organisation politique créée par la CIA, le CFC est tout sauf ce que prétend faire croire l’ex chef de l’antenne CIA de La Havane. Le CFC se consacre exclusivement à attaquer, calomnier, diffamer et subvertir, avec un énorme budget.

Le code « 5101C3 » désigne, selon la législation nord-américaine, des organisations sans but lucratif, à caractère charitable, exempté d’impôts. Ce qui ne correspond en rien à cette organisation conçue essentiellement pour agresser l’île.
Cason s’est ensuite dit favorable à ce que les entreprises nord-américaines de télécommunications pénètrent le marché cubain pour favoriser la diffusion de matériel de propagande.

Il a alors souligné que la CFC fournit « de l’aide humanitaire au peuple de Cuba » et « appuie » des « activistes démocratiques » tandis qu’il envoie « de l’information non censurée et des radios ».

Il n’est pas entré dans le détail de ces activités qui ont conduit Sixto derrière les barreaux.

AVANT LES RADIOS, LES LIVRES

Le Center for a Free Cuba, organisation satellite des services de renseignements nord-américains a été fondé en 1997 avec du personnel de l’organisation Freedom House et financé depuis lors par la USAID et d’autres fonds secrets.

Il mène des opérations de propagande, de pénétration et d’espionnage par l’intermédiaire de ses propres agents ou d’ONG étrangères telles que Reporters sans Frontières, qu’il subventionne allègrement.

Le premier indice que des fonds alloués au CFC étaient l’objet d’un détournement frauduleux a été détecté par un audit de la USAID en 2006 et l’enquête subséquente du GAO n’est venu que confirmer le vol déjà connu par les administrateurs de cette organisation.

Cette année-là, la USAID s’est rendue compte de ce que le centre de Calzon soufflait les coûts des livres qu’il éditait depuis des années, supposément pour leur distribution à Cuba. La fabrication de ces livres, de mauvaise qualité et à petits tirages, portait dans la comptabilité un coût très supérieur à celui du marché.

NAUFRAGE À LA HAVANE

Cason a été fonctionnaire du Département d’État durant 38 ans, particulièrement en Amérique latine où il fut complice des fanatiques de droite Otto Reich et John Negroponte dans les années 80.

En 2003, les premiers pas de Cason dans ses rapports avec Cuba ont été marqués par un incident qui l’a laissé perplexe. Quand le sous-secrétaire d’état Otto Reich lui a concédé le poste de Vicki Huddleston (exilée au Mali), le nouveau chef de la SINA a décidé de conduire dans l’île antillaise son yacht de 24 pieds alors entreposé à Annandale, en Virginie.

Mais il n’est jamais arrivé à amarrer son Grady-White aux quais de la Marina Hemingway. Informés de son projet, les sous-chefs du Département d’État lui ont interdit cette excentricité peu conforme à son statut.

Le diplomate et agent de la CIA chargé par le gouvernement de George W. Bush d’approfondir la campagne de subversion contre Cuba, a alors déclaré à la télévision de Miami qu’il se réunissait « chaque fois qu’il le pouvait » avec la Fondation nationale cubano-américaine (FNCA), créée, soutenue et orientée par la CIA, associée à la NED et la USAID, et identifiée par Posada Carriles comme sa principale source de financement.

Cason s’est aussi vanté de sa relation avec la version paramilitaire de la FNCA, le Cuban Liberty Council,du couple terroriste Ninoska Lucrecia Pérez Castellón-Roberto Martín Pérez, ce dernier étant l’organisateur et financier de nombreux actes terroristes commis contre Cuba.

En 2004, Cason en est arrivé à organiser des « élections présidentielles » où ont voté bon nombre des informateurs rémunérés qu’il réunissait dans les jardins de sa luxueuse résidence, aux pieds de l’aigle du monument du Maine.

Les résultats de ce scrutin tragicomique ont été significatifs. George W. Bush a triomphé avec 83% des votes.

Durant tout son séjour dans la capitale cubaine, Cason a été impliqué dans la répartition de dizaines de millions de dollars destinés par la USAID, l’agence nord-américaine pour la déstabilisation, à la subversion à Cuba.

C’est là qu’il a établi cette amitié particulière avec Frank Calzón, vieil agent de la CIA qu’il a engraissé… et qui lui renvoie maintenant l’ascenseur.