La grève des professeurs de l’UQAM

2009/05/20 | Par Louis Gill

L'auteur a été professeur au Département des sciences économiques de l’UQAM de 1970 à 2001. Il a occupé diverses fonctions à la direction du Syndicat des professeurs au cours de cette période


Quand j’ai su que plusieurs membres du Comité exécutif du Syndicat des professeurs de l’UQAM avaient voté contre l’entente négociée qui a été entérinée par l’Assemblée générale avec une majorité de 91 %, j’ai eu un choc. Ma réaction spontanée a été de dire : bravo ! Si j’avais eu à voter sur cette entente, j’aurais moi aussi voté contre, sans hésitation.

Très loin du compte

Pourquoi fallait-il rejeter cette entente ? D’abord, parce qu’elle est très loin de répondre aux demandes syndicales sur les deux grandes questions qui ont motivé une grève de sept semaines hebdomadairement reconduite avec des majorités de plus de 90 % : le dramatique déficit de postes évalué à 300 et le déficit salarial de 5 % par rapport aux autres constituantes de l’Université du Québec et de 10 % par rapport à la moyenne des universités québécoises. Sur le plan des postes, leur nombre ne sera augmenté au total que de 145… dans cinq ans ! Cela représente une augmentation annuelle moyenne de 2,7 % qui sera en partie compensée par la hausse des effectifs étudiants, de sorte que le rapport étudiants/professeurs aura à peine diminué au terme de cette période. Quant aux salaires, ils seront toujours inférieurs de 3 % à ceux de l’UQAC le 1er juin 2012. Avec l’entente qui vient d’être conclue, l’UQAM demeure l’université des chargés de cours et du cheap labour.

Le statut des doyens : une défaite majeure


L’entente prévoit par ailleurs que les doyens de faculté, qui étaient jusqu’ici des professeurs membres de l’unité d’accréditation syndicale, seront dorénavant des cadres. Cela n’est pas un fait divers. Cette modification tourne la page de quarante ans d’efforts pour garantir un fonctionnement démocratique et collégial par la désignation, à la direction de toutes les unités académiques, d’un membre de l’unité d’accréditation syndicale professorale et non d’un membre de la direction administrative. Ce qui, depuis le début, a distingué l’UQAM et les autres constituantes de l’UQ, est la structure de la prise des décisions, qui a procédé jusqu’ici de la base vers le sommet et non l’inverse. Les directeurs de département par exemple puisent leurs mandats de l’Assemblée départementale et agissent comme porte-parole de l’assemblée auprès de la direction de l’université. Ils ne sont pas des donneurs d’ordres relayant les directives venues d’en haut.

Dès l’octroi, en 1970, de l’accréditation syndicale ainsi définie, l’administration en avait appelé de cette décision, qui a été confirmée peu après par le tribunal du Travail. Continuellement par la suite, le Syndicat des professeurs a dû défendre cet acquis contre les velléités administratives de le remettre en question. La plus récente de ces tentatives est la création des facultés en 1998, sous le rectorat de Paule Leduc qui souhaitait des doyens cadres à leur direction. À la suite d’un long débat, le corps professoral s’était majoritairement prononcé en faveur du statut de doyens membres de l’unité d’accréditation, qui est demeuré en vigueur jusqu’à aujourd’hui. L’entente qui vient d’être conclue donne à l’administration sa première victoire en quarante ans pour inverser la structure de la prise des décisions à l’UQAM.

Un recul de l’UQAM collégiale


Force est de constater que cela porte un coup sérieux à la conception de l’UQAM collégiale et démocratique que nous avons connue jusqu’ici. L’entente ne verse qu’un baume illusoire sur la plaie en prévoyant la mise sur pied d’un comité de la quadrature du cercle, dont le mandat serait de définir des dispositions à inclure dans la convention collective, affirmant « le respect des principes de collégialité, de gestion participative et d’autonomie des unités académiques que regroupent les facultés », le tout sous la direction… d’un doyen cadre !

Ce renforcement de la place des cadres dans la vie quotidienne des instances académiques s’inscrit tout à fait dans la tendance promue par la ministre Courchesne et les spécialistes de la « gouvernance » universitaire, qui vise à mettre en échec la gestion collégiale en donnant un poids prépondérant aux représentants extérieurs, provenant le plus souvent du monde des affaires, aux instances supérieures de gestion des universités.
Triste conclusion d’une grève qui a été un modèle de mobilisation, d’engagement à défendre l’UQAM et à réclamer ce qu’il lui faut pour réaliser sa mission.