Grippe porcine : le Mexique pointé du doigt trop tôt?

2009/05/25 | Par Michel Chossudovsky

L’éclosion du virus porcin H1N1 aurait eu lieu au Mexique. Sur le plan politique, les priorités ont été de dépister la propagation du virus de la grippe porcine mexicaine, de même que de contrôler et surveiller les personnes allant au Mexique et celles qui en revenaient.

Une campagne mondiale de peur et d’insécurité a été déclenchée après que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) eut annoncé le 28 avril la hausse du niveau d’alerte pandémique à la phase 5. La décision de l’OMS, prise après avoir consulté Washington et Bruxelles, était fondée sur des données non confirmées et incomplètes quant la propagation de la grippe porcine et le nombre de personnes atteintes.

Quelle preuve démontre que le Mexique était l’épicentre de la pandémie mondiale de grippe porcine proclamée par l’OMS? Cette interrogation soulève plusieurs autres questions importantes.

Dans de nombreux cas, à la fois au Mexique, aux États-Unis et à travers le monde, les données officielles concernant la morbidité et la mortalité n’étaient pas fermement corroborées par des tests en laboratoire du virus H1N1.

Un grand nombre de prétendus cas enregistrés résultaient de manipulation de données. Les données mexicaines utilisées par l’OMS pour justifier la pandémie de phase 5 se rapportaient à des cas d’influenza commune plutôt qu’à des cas confirmés d’influenza H1N1. Selon des sources officielles, sur les 159 décès dus à l’infection H1N1 signalés avant la décision de l’OMS le 28 avril, seulement 7 avaient été corroborés par des tests en laboratoire.

Un rapport de l’organisme souligne des infections de grippe porcine parmi des élèves d’une école de New York, alors que ceux-ci avaient été infectés par une influenza commune. Aucun de ces cas n’a été confirmé par des tests en laboratoire.

De nombreux cas présumés d’infection H1N1 répertoriés en Amérique du Nord, au sein de l’Union européenne et dans d’autres pays n’ont aucun lien avec l’épidémie mexicaine, c’est-à-dire qu’on ne peut démontrer que le Mexique est à l’origine de ces infections.

Les cas de H1N1 enregistrés dans différents pays sont-ils la conséquence d’un processus de transmission du virus de la grippe porcine au niveau international ou le résultat d’une situation préexistante? Sont-ils dus à une procédure d’enregistrement des données incorrecte et trompeuse? En d’autres termes, ces divers « cas répertoriés » ont-ils été confirmés par des tests de dépistage du virus H1N1 en laboratoire?

Selon un récent article (Bloomberg 12 mai 2009), peu publicisé, un éminent scientifique ayant participé au développement de Tamiflu indique qu’il est possible que la souche H1N1 « soit le résultat d’expériences en laboratoire ou de la production de vaccins ». Pour le professeur Adrian Gibbs de l’Australian National University (ANU), le virus, qui « s’est échappé d’un laboratoire », est le fruit d’une expérience en laboratoire par la compagnie produisant le Tamiflu.

Bien que les conclusions du professeur Gibbs nécessitent davantage de vérifications, elles soulèvent tout de même la question plus fondamentale de la transmission d’un virus sorti d’un laboratoire, sans compter le lieu géographique de celui-ci. L’OMS enquête sur les découvertes du professeur Gibbs.

La question concernant la transmission du virus des porcs aux humains a été soigneusement négligée. Les porcs peuvent-ils contaminer les humains avec la grippe porcine? Cette interrogation est essentielle à l’évaluation à la fois des sources et des causes de la pandémie.

A priori, l’OMS et le CDCP écartent l’élevage porcin industriel en tant que source possible d’infection virale. Ironiquement, alors qu’elles nient la transmission de la grippe porcine des porcs aux humains, les autorités sanitaires ne démentent pas la transmission du virus H1N1 des humains aux porcs.

L’OMS fait valoir que, dans le cas de la souche H1N1 de grippe porcine (un croisement des grippes humaines, porcine et aviaire), la transmission des porcs aux humains est impossible. Cette analyse implique que les conditions sanitaires et environnementales des exploitations porcines n’ont rien à voir avec la propagation du virus.

Même si l’un des premiers cas d’influenza H1N1 a été rapporté dans la municipalité de Perote dans l’État de Veracruz, où se trouve une importante industrie d’élevage porcin, les autorités mexicaines de santé publique sont catégoriques : l’environnement et les conditions sanitaires des fermes porcines ne sont pas la cause de la contamination.

L’employeur, Granjas Carroll, est une coentreprise appartenant à la plus grande compagnie productrice de porcs au monde, Smithfield, et à son partenaire mexicain Agroindustrias Unidas de Mexico (AUM).

Selon des données officielles du Mexique, il n’existe aucune preuve tangible révélant la présence de la grippe porcine dans les porcheries de Perote, c’est-à-dire que les porcs n’étaient pas infectés. Un certain nombre d’autres maladies auraient pu toutefois apparaître dans la population en raison des conditions sanitaires et environnementales dans les agro-industries.

La question plus essentielle est de savoir si l’on peut vraiment se fier aux données.

Une récente étude incontestable de la John Hopkins School of Public Health sur la Production industrielle d’animaux d’élevage (Industrial Farm Animal Production, IFAP) réfute les déclarations de l’OMS. Cette recherche confirme que les porcheries industrielles sont la source non seulement de la contamination des eaux souterraines, mais aussi de la propagation de nouveaux virus, incluant la grippe porcine. La contamination peut également avoir lieu dans la chaîne alimentaire, le virus infectant la viande, laquelle est consommée par la suite.

Quoique les données concernant Granjas Carroll demeurent non concluantes, il y a des preuves, confirmées par des rapports officiels, qu’au moins une exploitation porcine à l’extérieur du Mexique a été infectée par le virus H1N1.

Au début mai, les autorités sanitaires canadiennes rapportaient un cas particulièrement inhabituel en Alberta ayant entraîné l’infection de tout un élevage porcin par le virus de la grippe porcine H1N1 : un menuisier mexicain, employé dans une porcherie de cette province et qui revenait du Mexique, aurait apparemment infecté 220 porcs sur un cheptel de 2200.

Alors qu’ils nient la possibilité que les porcs puissent infecter les humains, les officiels canadiens soutiennent que ces porcs ont été contaminés par le menuisier mexicain de retour de son pays.

L’exploitation porcine albertaine est cruciale à la compréhension de l’origine de la pandémie, à savoir que les porcs provenant des fermes industrielles (IFAP) de l’Amérique du Nord sont possiblement la source de l’infection des humains par les porcs.

La version officielle veut que le propriétaire de la ferme, sa famille ainsi que les porcs aient été infectés par le menuisier mexicain. Ces rapports officiels indiquent sans équivoque que le Mexique est à l’origine de l’infection de la porcherie albertaine.

Mais, à la suite de la publication des résultats obtenus en laboratoire confirmant l’absence du virus H1N1 chez le menuisier mexicain, le propriétaire de la ferme et sa famille, on se serait attendu à ce que les autorités canadiennes élargissent leurs présomptions. Si le test du travailleur en question donne des résultats négatifs, quelles sont les causes probables de l’infection H1N1 sur cette ferme albertaine?

Malgré le manque flagrant de preuves concluantes, l’ouvrier mexicain est toujours considéré comme étant la source de l’infection. Quelques jours après la publication des résultats, les autorités canadiennes ont annoncé qu’un quart du cheptel, incluant les porcs infectés, avait été abattu.

Il n’y a toujours pas de preuve tangible que le virus peut se transmettre d’une personne à l’autre au-delà des frontières. Les autorités étatsuniennes se sont servies de l’épidémie de grippe mexicaine pour resserrer les mesures de sécurité à leur frontière avec le Mexique.

Le Mexique est-il à l’origine de la pandémie? Les preuves sont contradictoires. De nombreux cas répertoriés au Canada, aux États-Unis et à travers le monde n’ont pas de rapport avec le Mexique, l’épicentre de l’épidémie.

Il faut se demander s’ils ont été « découverts » en raison d’une méthode d’examen en laboratoire ou s’ils ont été enregistrés sans que des tests adéquats soient effectués. Ces chiffres sont-ils fiables? Sont-ils le résultat d’une manipulation de données visant à créer un climat de peur et de panique?

Le virus porcin H1N1 est-il courant dans les porcheries? Il convient de mentionner que les producteurs de porcs ont fait un lobbyisme intensif dans le but de changer le nom du virus de « grippe porcine » à « influenza A H1N1 ».

Cela amène la question plus fondamentale de la présence de cette infection dans des élevages porcins de même nature au Canada et aux États-Unis, et soulève également la question de la transmission de ce virus du porc à l’humain.

En conséquence, ce qui s’est produit sur cette ferme canadienne pourrait perturber la production industrielle de porcs en Amérique du Nord.


Traduction : Julie Lévesque, Mondialisation.ca.