L’éolien et la révolution énergétique

2009/08/27 | Par Gabriel Ste-Marie

Bernard Saulnier et Réal Reid sont deux ingénieurs spécialistes des éoliennes qui ont fait entre autre carrière à l’Institut de recherche d’Hydro-Québec (IREQ). Ils viennent de publier L’éolien au cœur de l’incontournable révolution énergétique.

Chaque facette de la filière est abordée et les aspects plus techniques sont bien vulgarisés, comme la technologie des composantes internes ou encore l’intégration d’un parc éolien au réseau électrique. Le livre démontre que les éoliennes sont aujourd’hui suffisamment fiables et rentables pour supplanter les filières traditionnelles comme le gaz, le charbon et même l’hydraulique.

La partie historique est fouillée et elle illustre comment le développement technologique a permis de rendre la filière aujourd’hui concurrentielle. Si l’éolienne produisant de l’électricité voit le jour à peine dix ans après l’ampoule électrique, elle ne se développe pas assez rapidement pour concurrencer les centrales hydrauliques ou thermiques.

L’électrification des campagnes des années 1930, jusqu’aux années 1950 pour le Québec, sonne la fin de ces machines qui se voient reléguées au pompage de l’eau pour l’irrigation des cultures.

La filière renaît dans les années soixante-dix, suite au choc pétrolier. Les auteurs nous apprennent, par exemple, que le Danemark se donne alors un plan visant son indépendance énergétique à long terme, en misant principalement sur les éoliennes. L’ancêtre de l’éolienne actuelle à trois pales avait justement été créée par un Danois dans les années 1950.

Saulnier et Reid expliquent que la filière se développe là où il y a une volonté politique. Par exemple, les éoliennes apparaissent en Californie au tournant des années 1980, suite à la mise en place de mesures fédérales encourageant les énergies alternatives, renforcée par une fiscalité locale avantageuse.

Il en sera de même pour l’Allemagne et l’Espagne dans les années 1990, avec leur programme de prix garantis. Ce système annonce un prix qui sera payé aux promoteurs pour toute quantité d’énergie produite.

Une étude de la firme Ernst and Young publiée à l’été 2008 démontre que cette façon de procéder donne un coût nettement moindre que le système de quotas-appels d’offres, celui qui a été utilisé au Québec récemment.

Les deux ingénieurs rappellent comment l’Espagne s’est assurée de maximiser les retombées économiques de ce choix : l’entreprise d’aéronautique espagnole Gamesa est allée chercher l’expertise du fabriquant d’éoliennes danois Vestas pour devenir à son tour un géant mondial. En à peine trois ans, le contenu local des éoliennes espagnoles a atteint les 90%.

Au Québec, c’est aux Îles de la Madeleine que le Conseil national de Recherches du Canada et Hydro-Québec implantent la première éolienne, qui sera opérée jusqu’en 1983. Il s’agit d’un modèle à axe vertical mesurant 36 mètres de hauteur. Hormis quelques éoliennes dispersées à travers le Canada, la suite du développement de cette filière se fait à Cap-Chat.

Le Conseil national et Hydro s’associent à Lavalin autour du Projet Éole, qui donnera la plus grande éolienne à axe vertical jamais construite : 96 mètres sise sur une tour de 14 mètres. Elle sera exploitée de 1988 à 1993. À cause de problèmes techniques, l’industrie se tournera plutôt vers les modèles à axe horizontal à trois pales. Cette grande éolienne hors d’usage est d’ailleurs entourée de 76 éoliennes danoises en opération depuis 1998.

Grâce aux avancées technologiques, chaque composante des éoliennes est constamment améliorée. L’intégration des parcs éoliens au réseau électrique et leur équilibrage se trouvent facilités. On connaît mieux le comportement des vents et le choix des sites est optimisé. Tout ceci a fait chuter le coût de production moyen de la filière à 5¢US le kilowattheure en 2002. L’éolien est désormais concurrentiel, sans même compter son avantage environnemental.

C’est pourquoi les deux spécialistes suggèrent de délaisser le mégaprojet hydroélectrique de la Romaine et le remplacer par deux grands parcs éoliens implantés dans le nord du Québec. L’un serait situé dans la région La Grande4-Laforge et l’autre à Manic-Bersimis-Outardes.

Selon leurs calculs, l’éolien revient moins cher, à certaines conditions. Il est par exemple essentiel qu’Hydro-Québec soit le maître d’œuvre des parcs éoliens, comme elle l’est pour les centrales hydrauliques.

C’est qu’en plus de bénéficier de meilleurs leviers de financement et d’une plus grande capacité à négocier auprès des fabricants, il est plus facile pour Hydro de bien choisir les sites en fonction de ses divers besoins comme l’intégration au réseau. C’est ce qu’on observe aux États-Unis : le coût du kilowattheure des parcs exploités par les utilités est nettement moindre que ceux des promoteurs privés.

Le Québec a le plus important gisement éolien de toute l’Amérique et il est d’une qualité exceptionnelle : il représente cent fois la production d’Hydro-Québec en 2008. Bernard Saulnier et Réal Reid proposent un développement d’envergure pour cette industrie.

En plus de combler nos besoins futurs, l’énergie éolienne doit être exportée à nos voisins, étant donné nos meilleurs vents. Les auteurs proposent la conversion du chauffage à l’huile et au gaz par l’électricité produite par l’éolien.

Ce choix écologique diminue notre empreinte écologique tout comme notre dépendance à l’importation d’énergie fossile. Tout ceci peut être entrepris dès maintenant. Cette filière pourra également alimenter les prochaines voitures hybrides et ainsi percer le marché des transports terrestres. Nous ajoutons à cela les transports en commun à développer, comme les tramways ou trains à grande vitesse.

L’ouvrage montre l’avantage québécois du potentiel éolien. Il montre également que le développement de la filière découle d’un engagement politique en ce sens. La vision des deux ingénieurs dépasse largement celle du gouvernement Charest et de Thierry Vandal.


SAULNIER, Bernard et Réal Reid, L’éolien au cœur de l’incontournable révolution énergétique, Éditions MultiMondes, paru le 29 mai 2009, 432 pages, ISBN : 978-2-89544-145-8