Appel aux armes lumineuses (1)

2009/09/25 | Par Yves Boisvert

L'auteur répond à l'Appel aux armes lumineuses pour conjurer la crise de Jean-Claude Germain


Toutes les crises sont fécondes : elles font sortir le méchant.
Piquer c’est voler. Les maîtres piquent des crises ; c’est des voleurs de paix.

Les maîtres de General Motor sont pas foutus de faire fonctionner leur patente.
Leurs lubies capitalistes les ont menés au fond du gouffre.
La veille, ils décriaient l’interventionnisme étatique.
À matin, ça fait le pied-de-grue aux abords des officines gouvernementales comme tous ces tèteux de subventions.
Peut-être devront-ils se recycler dans le culturel pas rentable.

Les crises entre Ottawa et Québec se nourrissent de la paralysie constitutionnelle du Federal.
Nous les favorisons, les encourageons, les provoquons.
À défaut de parvenir à sa guérison, notre objectif ultime est la démolition de ce Régime paralytique.
Les fédéralistes ne doivent plus jamais vivre en paix.
Tâchons de leur démontrer que le statu quo politique leur sera dorénavant source quotidienne d’angoisse puisqu’en tant que défenseurs d’une Constitution formellement étrangère, ces scélérats ont choisi le statut d’ennemis objectifs de notre Nation bénie des dieux.
Alors, anything but the peace.

Les crises physiologiques sont bénéfiques : elles permettent le développement d’anti-corps.
Un orage viral de temps en temps éclaircit l’horizon sanitaire.
Doit-on pour autant se réjouir du fait qu’une migraine assaille un banquier donneur d’ordres ? Oui, s’il s’agit du symptôme d’un cancer du cerveau.

Une crise alimentaire frappe la plus grosse partie du monde. La plus petite est obèse. Franchement, vous allez pas nous faire croire que cette situation s’explique par l’alignement des planètes.

Une crise éclate chez l’imprimeur des billets de banque. Desjardins décide d’émettre sa propre monnaie. Certains magasiniers refusent la carte de guichet y a pas de chance à prendre; d’autres se garochent là-dessus y a pas de chance à perdre.
Le fric liquide fait son entrée dans le merveilleux monde du folklore laurentien.

L’échevelé du Golgotha rentre au Temple de Jérusalem en beau joual vair. Au lieu de s’aimer les uns les autres et de prier pour ceux qui persécutent, il s’illumine d’une crise. Les deniers s’effondrent et la volaille s’envole. L’homme devenu célèbre pour son sens du pardon ce jour-là n’a rien pardonné du tout. Plutôt que de guérir les malades-dans-tête  en leur clenchant des miracles, le justicier a procédé à la démolition de leurs étals de voleurs. Cette fois-là, le cousin de Jean-Baptiste ne fut pas sur terre pour délivrer des colombes mais bien pour planter des glaives. Il y a des limites à bouffonner le monde.

La gamine tout ce qu’il y a de plus fillette plonge dans une crise de nerfs qui dénie tout espoir de voir un autre jour se lever sur notre Sainte patrie. Sa mère lui a acheté une robe de la pas bonne teinte, câlisse !!! Elle se cache en la chambrette alors qu’elle devrait déjà se trouver dans l’autobus scolaire parmi toutes les autres d’à peu près son âge. La chère maman finit sa bière, éteint sa cigarette et grimpe dans la cachette. Ce qui se passe par la suite confirme que la féfille a de quoi retenir. Les mamans aussi ont la droit a leurs crises matutinales. Le lendemain, la petite courait après l’autobus tellement elle avait hâte d’aller à l’école.

Tous les jours nous remercions le ciel les arbres et les oiseaux de nous épargner le souci de présenter trois formulaires dûment remplis avant de pouvoir aller aux chiottes.
Tous les jours nous implorons les Eaux la Terre et le Soleil d’en faire autant en dépit du mal qui ronge l’âme de ce peuple, l’indifférence.
Pourtant, tous les jours nous nous lamentons des mauvais traitements administratifs que nous infligent les ignobles fourbes d’à-côté. Des vains efforts que nous devons consentir afin d’accéder à un état normal des choses auquel nous avons droit en tant que peuple élu. Vous avez bien lu : nous sommes le peuple élu dans cette Amérique de maquignons finis. C’est pourquoi nous suscitons la sourde convoitise autant que le racisme mou.

Et l’on va d’une crise à l’autre aboyant aux foules ahuries que le temps de la transparence est enfin venu; le temps de la transparence et de la saine rigueur; le temps de la saine rigueur et de la responsabilité; le temps de la responsabilité et d’une nouvelle éthique de la transparence, de la saine rigueur et de la responsabilité.
Pas un mot sur l’imputabilité.

 

Après avoir essayer l’astuce du provincialisme à géométrie variable
l’astuce de la mondialisation
l’astuce de la refondation du capitalisme
l’astuce le la Loi sur la clarté
l’astuce du Québécois francophone au pouvoir à Ottawa
l’astuce du Conseil de la fédération
l’astuce de la partition territoriale
l’astuce de la reconnaissance de la Nation
l’astuce de l’économie sans frontières
Sans être économiste
Le petit Monsieur se prétend obsédé par l’économie
Sans avoir jamais dirigé une entreprise
Le petit Monsieur se déclare obsédé par la création d’emplois
Deux obsessions rongent notre petit Monsieur
C’est tout de même le double de ceux que rogne une seule obsession :
Celle des crises provoquées par la paralysie institutionnelle.

 

Infantile, grotesque, immoral
Prompt à seriner son oraison téléguidée par des gadgets rhétoriques
Le petit Monsieur de tantôt dénigre les chicaniers de la sémantique
C’est avec les mots qu’il gagne son pain
Mais il décrète que les questions de sémantique sont des pertes de temps
Monsieur pragmatique désire du concret du palpable du vérifiable du mesurable du comptable
Problème : les faillites phynancières se sont produites du temps qu’il régnait!
Du temps qu’il tenait les cordeaux !
Du temps qu’il disposait de la liberté d’agir de manière à créer de la richesse collective en appauvrissant les contribuables un par un!
Ce dénigreur de chicaniers sémantiques mû par une double obsession pratico-pratique
Il a peut-être moins besoin d’un plan de communication préfabriqué par des finissants de cégep que d’une urgente visite chez le psy. »

Qu’est-ce qu’il nous veut celui-là ?

Certains croient qu’au lieu de se répandre dans le confort complaisant des conversations entre gens civilisés
Celui-là vous veut concrètement une bonne rangée de coups-de-pieds au cul du petit Monsieur.


Yves Boisvert

Yves Boisvert est écrivain depuis 1973. Il est l’auteur d’une trentaine de recueils. Plusieurs de ses écrits ont été traduits en anglais, en espagnol et en roumain. Ses plus récents ouvrages, magnifiquement illustrés par l’artiste et graphiste Dyane Gagnon, sont Les chaouins et La pensée niaiseuse (XYZ et Le sabord, 1997, 2001). Le dernier s’intitule Mélanie Saint-Laurent (Le sabord). Il est récipiendaire du prix - Estuaire/Terrasse Saint-Sulpice