Appel aux armes lumineuses (3)

2009/10/08 | Par Claudine Bertrand

L'auteur répond à l'Appel aux armes lumineuses pour conjurer la crise de Jean-Claude Germain


Voleur de feu
tu portes l’art
à coups de bouts du monde
tout se désagrège en Occident
que gardes-tu de ma peau de blanche
en cette forêt sacrée du Bénin

Un secret sur nos lèvres
des flots d’incertitude
sait-on ce que demain sera
en cette commune terre
qui tangue instant après instant

*****

Je reste là sans bouger
avec un millier de silences

La terre chaque jour
se résout aux ténèbres
vomit le rire de l’enfant

Il faut de ses mains dis-tu
arracher le verbe
du verbiage du vacarme

*****

Tu es de ce côté de l’histoire
qui jamais ne commence
jamais ne finit
multiple comme les vents

Sur la route de Ouidah
langue des esclaves
ne se résignant pas

Jadis langue bâillonnée
enchaînée

Taillée dans les flancs
la langue du présent
bâille sa soif

*****

Le jour s’en allait
l’on voit passer une main un corps

Ta tête a mal
comme un vieux carrousel
qui grince
tu t’es vu refuser
tes papiers sans raison

La fièvre te brise
et te fracasse les tympans
tu divagues

Tu attends les mots des poètes
comme des clés
qui libèrent de la barbarie

Poète de l’incertain
passeur de lumière
les mots disent-ils
ce qu’ils prétendent

Que sont murmures
gestes rituels
et bruits tapageurs
sur la page de l’histoire

Qu’est cette voix
appartenant à une autre langue
qui renonce à se taire

 

© CLAUDINE BERTRAND

 

Claudine Bertrand est l’auteure d’une vingtaine d’ouvrages poétiques et de livres d’artiste au Québec et à l’étranger, dont Une main contre le délire (finaliste en 1996 au Grand Prix du Festival international de la poésie), et L’énigme du futur (prix Saint-Denys Garneau en 2002). Fondatrice de la revue Arcade, qu’elle a dirigée de 1981 à 2006, elle est chroniqueuse de poésie à CISM, la radio de l'Université de Montréal, et a participé à de nombreux colloques et à des lectures publiques.