D’Aut’Suggestions culturelles

2009/10/16 | Par Marie-Paule Grimaldi

Un mur de portes de four sales qui contiennent les brûlures d’un enfer bien personnel. La cuisine et la famille sont des thèmes connus du répertoire québécois, mais l’auteure Anne-Marie Olivier réinvente le genre en plongeant dans ce qu’il regorge de plus troublant, voire de plus monstrueux dans cette tragédie à l’humour noir avec sur la langue « une âpreté totale » et une poésie nécessaire. Dans Mon corps deviendra froid, la narratrice interprétée avec courage par Brigitte Lafleur nous parle « d’une famille qui me [la] traverse », sa belle-famille qui se réunit pour commémorer les dix ans du décès « accidentel » du père (Roger La Rue, magistral) que l’on verra apparaître dans de nombreux flash-back. Mais dans cette pièce tout est juste et poignant, les interprètes, la mise en scène de Stéphane Allard, l’éclairage, la musique, tout est là pour dire l’abîme des fissures familiales et de la maladie mentale, qui lient tout autant qu’elles déchirent. Du théâtre comme un danger, mais sans risque de déception. À ne pas manquer.

Du 25 janvier au 27 février, Quat’Sous, 100 avenue des Pins E.

Il faut savoir en rire dit-on. La dernière production du Théâtre de la Manufacture, Au Champs de Mars, traite de retour de guerre, de choc post-traumatique, de fatigue de compassion, d’un cinéma qui vampirise le drame, et critique les diverses thérapies – du développement personnel à la psychiatrie – ainsi que l’idéalisme mal articulé, et c’est bien sûr une comédie! Si la trame narrative manque parfois de ressort mais pas de rythme entre les différents tableaux qui représentent un soldat de retour de l’Afghanistan, sa psychiatre épuisée et un réalisateur déterminé à faire un film de guerre, à travers leurs rencontres et leurs cheminements, la satire ici évite bien les pièges simplistes de la comédie, nous bouscule un peu, nous interpelle. Josée Deschênes et Mathieu Quesnel jouent avec nuance, en contraste avec les autres personnages caricaturaux et marquants, un beau bal orchestré par Michel Monty où personne ne mâche les mots de Pierre-Michel Tremblay. Et sur ces sujets durs, pas de morale mais une certaine vérité. Violence pas toujours contenue et rire libérateur.

Du 26 janvier au 6 mars, Théâtre La Licorne, 4559 Papineau

Pour une musique aussi intelligente que festive, il faut voir Lubo & Kaba Horo, un groupe qui fusionne la musique traditionnelle des Balkans et un jazz funky à souhait. Dense mais aussi faite pour la danse, les accents gitans de cette musique deviennent inévitablement irrésistibles. Réunissant plus d’un virtuose, on y entend surtout Lubo Alexandrov, un des rares musiciens ici à jouer de la guitare sans frette, qui demande autant de précision que d’intuition. Les gagnants du prix Juno 2007 pour le CD de la meilleure musique du monde vous invitent à une célébration envoutante.

Samedi 30 janvier, Les Bobards, 4328 Saint-Laurent

Pour leur cinquième année, les Noches de Poesia retrouvent leur case horaire au premier mercredi du mois pour offrir une soirée de poésie multilingue. Toujours animé avec passion par Elizabeth Robert, ces soirées présentent des poètes et performeurs de Montréal ou d’ailleurs qui en anglais, français ou espagnol défient les frontières, celles de la langue, du verbe et du réel, et clament tous ensemble que la poésie réunit. La 33ème Noche de Poesia débute tôt à 18h, et doit pour la première fois solliciter votre contribution monétaire, un petit 5$ pour permettre à cette proposition unique de se poursuivre.

Mercredi 3 février, Dépanneur Café, 206 Bernard O.

Avez-vous déjà eu l’impression de ne pas trouver votre place dans le quotidien, d’être trop intense pour la vie ordinaire, et de sans cesse espérer vous retrouver « comme dans la fin d’un film » où tout le monde se met à danser et à chanter? Simon Boulerice oui, ou plutôt le Simon qu’il nous raconte dans le solo autofictionnel Simon a toujours aimé danser. Monologue naïf, adolescent et lucide sur l’enfance, la foi et le désir en petits tableaux anecdotiques, la pièce ne réinvente rien mais est marquée d’une grande sincérité. Idéalisme et autodérision se côtoient dans une langue soutenue et poétique, un effet déconcertant mais tout à l’honneur du jeune auteur, metteur en scène et comédien. On réfléchit au rôle de l’art dans nos vie et oui, Simon danse, et même très bien.

Du 12 au 30 janvier, Salle Jean-Claude Germain du Théâtre d’Aujourd’hui

La création commandée à l’auteur Remi De Vos et le metteur en scène Éric Vigner pour le 30ème anniversaire de l’Espace Go, Sextett parle évidemment de... musique. Dans cette comédie érotique plus suggestive que réellement osée, si on chante, tout y est surtout chorégraphié, les mouvements, l’attitude, les répliques, les banalités, la diction, dans une esthétique plastique stylisée et très bien maîtrisée. Dans une atmosphère et un décor sixties, Simon, un jeune agent publicitaire, vient chez sa mère tout de suite après l’enterrement de celle-ci, accompagné d’une collègue amourachée. Perturbé, il se lance dans une rêverie fantasmée et se voit visiter par les voisines excentriques et leur chienne parlante, ainsi que par sa première expérience sexuelle, toute de silicone maintenant. La trame psycho-érotique à saveur œdipienne tâche le délire psychédélique et cette production internationale qui devait rendre hommage à cinq comédiennes frôle la misogynie par moment, tout en mettant à l’honneur son interprète masculin, Micha Lescot, filiforme, maniéré, drôle. On y va surtout pour le look.

Du 12 janvier au 6 février, Espace Go, 4890 Saint-Laurent

Pour un début d’année jubilatoire et débordant de couleur à travers des peintures hallucinogènes, sérigraphies pop-art, sculptures cinétiques inquiétantes, gravures érotiques, dessins originaux, toutous trash, bijoux surréalistes et autres curiosités fascinantes, il faut faire un tour à l’exposition Delirium à la l‘Usine 106u. Cette galerie atypique saturée d’art permet aux artistes d’exposer leurs œuvres par eux-mêmes en se regroupant, le temps d’un mois, dans une grande exposition collective. Celle-ci ne sera pas la moindre avec 31 artistes dont Mark Prent, Eric Braün, Xavier Landry, Adeline Lamarre, Mimi Traillette, Jody Hargreaves, Janie Bissonnette et Alexandre Farina.

Du 6 au 31 janvier, USINE 106U, 160 Roy E.