Le maire Labeaume et les radio-poubelles

2009/11/23 | Par Anne-Marie Brunelle

Depuis 1992, le Centre d’études sur les médias (CEM), à l’Université Laval, observe et documente l’évolution des médias québécois, les pratiques et les transformations du métier de journaliste, ainsi que les habitudes de consommation des médias par les citoyen-NEs.

Il a publié un bon nombre d’études et de rapports portant sur l’information locale et régionale, la concentration de la propriété de la presse et la rencontre «des anciens et des nouveaux médias».

Le CEM vient justement de faire paraître une étude consacrée au rôle des radios privées dans la première élection de Régis Labeaume, à l’automne 2007. Vous rappelez-vous du temps où il ne s’appelait pas encore «le maire Labeaume»? Pour mémoire, disons que la campagne électorale opposait plusieurs prétendant s à la mairie et que, du moins au début, rien ne laissait supposer une victoire de M. Labeaume, inconnu de la population de Québec. Au contraire, les sondages donnaient Ann Bourget (du RMQ) largement en avance. Nous connaissons la suite.

En introduction, le CEM rappelle les liens qu’avait faits François Bourque, chroniqueur de la vie municipale au quotidien Le Soleil, entre l’élection de Régis Labeaume et les députés de l’ADQ et du Parti conservateur dans la ville aux lendemains des élections municipales de 2007.

Il questionnait l’influence de deux radios privées, le 98,1 CHOI-FM et le 93,3 CJMF-FM, sur le résultat du vote. Au CEM, on observait le travail d’opinion des deux stations de radios, qui s’éloigne des façons de faire traditionnelles du journalisme radiophonique.

D’abord, ces stations radiophoniques consacrent beaucoup de temps aux opinions personnelles des animateurs. Une certaine confusion s’installe rapidement entre les faits (les nouvelles) et leurs opinions.

L’étude intitulée Radio parlée, élections et démocratie comporte trois volets : une brève histoire de la campagne; une analyse des nouvelles, des commentaires et des opinions; et une analyse des interviews et des débats.

Rappelons-nous que Mme Bourget a mené dans les sondages pendant plusieurs semaines. Chiffres et extraits à l’appui, nous découvrons la virulence d’un mouvement anybody but Bourget bien orchestré par ces radios privées.

Des attaques quotidiennes répétées contre la candidate du RMQ ont profité grandement au candidat Labeaume qui, pour sa part, jouit de commentaires pour le moins favorables. «Il est perçu, en quelque sorte, comme l’antithèse d’Ann Bourget, ce qui attire la sympathie de la majorité des animateurs», lit-on dans l’étude.

Certains extraits des propos émis sur les ondes par les animateurs donnent froid dans le dos. On adresse les reproches les plus farfelus, sinon carrément misogynes, l’endroit d’Ann Bourget : elle n’a pas de voiture, pas d’enfants; elle a habité dans une coopérative.

Son mode de vie est constamment critiqué et il la disqualifierait pour le poste de mairesse. Bref, elle était perdante quoiqu’elle dise ou quoiqu’elle fasse.

Un traitement plus équitable aurait-il changé l’issue du vote? On ne saurait le dire. Par contre, on peut penser que le grand pouvoir de ces quelques animateurs de radios privées, qui «font» l’opinion publique sans souci d’équité ni même de vérité dans leurs propos, dessert la vie démocratique dans la Capitale… S’agit-il du «mystère Québec»?

Pour en savoir plus : www.cem.ulaval.ca

Publié dans le journal Droit de parole