Réforme des institutions démocratiques

2009/11/25 | Par Paul Cliche

L’auteur est membre de Québec solidaire et il a participé au récent congrès du parti.

Quelque 300 délégué-e-s de Québec solidaire réuni-e-s en congrès d’orientation à Laval en fin de semaine ont adopté le programme de leur parti non seulement sur la question nationale et constitutionnelle, la laïcité, l’intégration citoyenne, mais aussi en matière de réforme des institutions démocratiques.

Les deux pièces maîtresses dans ce domaine sont l’adoption d’une véritable politique de décentralisation régionale et l’instauration d’un mode de scrutin mixte avec compensation proportionnelle nationale à partir de listes régionales de candidats.

 

Une véritable politique de décentralisation

Le congrès de Québec solidaire a adopté à l’unanimité la résolution sur la décentralisation. Cette dernière prévoit que les instances démocratiques, locales et régionales, dont les membres seraient élus au suffrage universel, seraient dotées de pouvoirs et de revenus autonomes, ainsi que de mécanismes de péréquation et de démocratie participative. afin qu’elles puissent assumer l’ensemble de leurs responsabilités et assurer leur développement et des services de qualités à la population.

En contrepartie de cette dévolution de pouvoirs, de responsabilités et de ressources de l’État québécois vers des gouvernements régionaux, ce dernier agirait comme leader, rassembleur, planificateur, définisseur des grandes orientations et objectifs, gardien des valeurs communes, de l’équité, de la solidarité sociale et de la protection de l’environnement, ainsi que comme responsable des grands équipements collectifs (établissements hospitaliers, scolaires, réseaux énergétiques, réseaux routiers, etc.)

Québec solidaire est le premier parti québécois à se doter d’une véritable politique de décentralisation régionale puisque les politiques pratiquées jusqu’ici par les gouvernements, libéraux comme péquistes, ont réservé la prise de décision et les ressources  au gouvernement et aux ministères centraux  même  si les services sont déconcentrés dans des bureaux régionaux.

De plus les instances territoriales – comme les municipalités régionales de comté (MRC)  et les conférences régionales des élus (CRE) ne sont que de simples entités administratives tandis que le statut juridique des municipalités les réduit au rang de simples créatures du gouvernement provincial. Cette situation fait de l’État  québécois un des plus centralisés au monde.

Le programme de Québec solidaire est le premier qui préconise le passage d’un État unitaire qui décide d’en haut à un gouvernement régionalisé où le pouvoir se déploie de la base et où l’État est aux services de communautés régionales en vertu du principe de démocratie participative préconisé par ce parti. On a bien compris, lors du congrès, que décentraliser cela ne consiste pas simplement à déménager des ressources et des fonctionnaires vers les régions; mais que c’est un réaménagement global des lieux de décision vers la base.

 

Une proportionnelle avec compensation nationale mais redistribution régionale

Le récent  congrès de Québec solidaire n’a pas seulement décidé que le parti préconisera l’instauration d’un scrutin mixte comportant une compensation proportionnelle. Il a aussi défini les modalités de ce système dans la perspective où le député solidaire Amir Khadir pourrait présenter un projet de loi sur ce sujet à l’Assemblée nationale au cours des prochains mois.

Si cela se produisait, Québec solidaire serait le premier parti à présenter un projet de loi réformant le mode de scrutin actuel après une saga qui dure depuis 40 ans au Québec.

On se souvient que le premier ministre René Lévesque en avait été empêché par le  caucus  de ses députés en 1983 tandis que l’avant-projet de loi présenté par les libéraux en 2004 - qui n’était en réalité qu’un livre blanc - n’a pas connu de suites malgré une commission parlementaire à laquelle plus de 2 000 organismes et individus  ont participé en 2006.

Cette consultation populaire avait permis  d’établir des consensus sur les modalités les plus importantes du projet, mais le gouvernement Charest les a ignorés et a décidé de renvoyer la réforme aux calendes grecques

Le mode de scrutin proposé dans le programme de Québec solidaire permettrait l’élection de 60% de la députation selon le mode de scrutin actuel (majoritaire uninominal à un tour) et les autres 40% selon les résultats proportionnels obtenus par les différents partis qui auraient recueilli au moins 2% des votes au niveau national.

Les électeurs voteraient deux fois sur le même bulletin : une première selon le mode de scrutin majoritaire actuel pour élire leur député de circonscription. Le candidat ayant obtenu le plus de votes dans chaque circonscription serait alors déclaré élu.

Le second vote permettrait d’élire à la proportionnelle les députés assurant la compensation, c’est-à-dire  la correction des distorsions entre les partis causés par le scrutin majoritaire. Cette élection se ferait à partir de listes de candidats établies par les partis.

 

Un système de compensation nationale assurant une représentation régionale satisfaisante

Quant à la compensation, elle serait de nature nationale avec redistribution régionale selon une formule validée dans le rapport du Directeur général des élections du Québec (DGEQ) sur les modalités d’un mode de scrutin mixte compensatoire présenté en décembre 2007. Il s’agit du système de compensation utilisé par l’Allemagne fédérale au niveau national depuis 1948.

Il s’agit d’une forme hybride de la compensation nationale et de la compensation régionale. Cette dernière devrait satisfaire les citoyens et les élus des régions puisqu’elle confère une appartenance régionale aux députés de listes. Elle devrait aussi rassurer les tenants de la compensation nationale parce qu’elle produirait des résultats aussi proportionnels que la formule qu’ils favorisent. La vérité de cette assertion est confirmée par les simulations statistiques effectuées par les experts qui ont préparé le rapport du directeur général des élections.

La procédure de compensation s’effectuerait en deux étapes :

-     Dans une première, le pourcentage de votes obtenus par chaque parti à l’échelle nationale servirait à déterminer le nombre total de sièges  de compensation qui serait alloué à chacun d’eux. Ainsi si Québec solidaire obtenait 15% des votes au niveau national, il serait assuré d’obtenir 15% des sièges de compensation. Cette formule assurerait donc une compensation équitable pour toutes les formations en lice surtout les tiers partis.

-     Dans une deuxième étape, pour un parti donné, le pourcentage de votes obtenus dans chaque région servirait à distribuer entre les régions les sièges compensatoires alloués à la première étape. Comme c’est la règle pour la compensation régionale, les listes de candidats seraient régionales et les députés de listes auraient une appartenance territoriale correspondant à une région regroupant un certain nombre de circonscriptions électorales.

Chacun des partis présenterait une liste fermée de candidats en alternant une femme et un homme. Cette liste devrait représenter la diversité culturelle québécoise. Ces candidats pourraient également se présenter  dans une circonscription et advenant lors élection lors du vote uninominal à un tour leurs noms devraient être retirés des listes de leur parti respectif.