Québec Solidaire et la question nationale

2009/11/26 | Par Yves Chartrand

En tant que membre de Québec Solidaire, indépendantiste et militant de gauche, je suis très déçu des résultats du congrès de la fin de semaine dernière tel que j’ai pu en prendre connaissance dans les journaux.

Les avancées sur la question de l’Indépendance du Québec et de la défense de la langue française sont tellement timides. De plus il n’est jamais question d’identité québécoise au sein de notre parti comme si le nationalisme était  maladie grave d’extrême droite et la porte ouverte à la xénophobie, courant qui est très minoritaire chez les indépendantistes québécois.

Et pourtant chez la majorité des autres peuples du monde la fierté nationale est une vertu et une réponse à la mondialisation et l’uniformisation des cultures à  travers la langue anglaise. Depuis quand porter haut et fort le flambeau de son identité est-il une honte ?

Dans plusieurs autres pays d’immigration comme le nôtre la question de l’identité, de la langue et de l’intégration des immigrants se posent également et l’Allemagne vient d’ailleurs d’adopter un contrat social qui sera proposé aux nouveaux arrivants.

Plutôt que de se mettre la tête dans le sable et de rester cantonné dans un carcan idéologique en se portant unilatéralement à la défense des minorités il serait préférable que la gauche québécoise développe et propose à la population un point de vue progressiste et moderne sur ces questions plutôt que de laisser le champs libre à la droite.

D’autre part se contenter de dire que l’on va référer à la souveraineté à partir des sujets d’actualité et de continuer à utiliser le terme souveraineté au lieu d’indépendance me déçoit beaucoup.

On peut ainsi comme au Parti Québécois entretenir une ambiguïté avec un terme comme souveraineté, dans le cas de Québec Solidaire avec un terme la souveraineté populaire, ce qui sert bien les intérêts des certains membres du parti frileux par rapport à l’indépendance ou carrément fédéralistes.

Certains d’entre eux ont même proposé lors de notre assemblée de comté que le projet de Québec Solidaire puisse se réaliser aussi bien dans le cadre d’un Canada renouvelé que d’un Québec souverain. Pourquoi ces gens ne militent-ils pas au NPD plutôt qu’à Québec Solidaire ?

Françoise David s’illusionne si elle pense convaincre peu à peu ces militants du bien fondé de la souveraineté du Québec. Même s’ils étaient peu nombreux comme délégués au congrès selon elle leur présence le parti contribue à entretenir la confusion et l’immobilisme sur la question de l’indépendance du Québec et de la défense de la langue française et nous éloigne d’une grande partie des progressistes québécois.

Ces mêmes gens qui ont appuyé les luttes de libération nationale et d’indépendance chez les autres peuples du monde ne reconnaissent pas celle du peuple québécois et jouent objectivement le même rôle d’éteignoir sur notre lutte que les fédéralistes « canadian ». 

Dans les années 1960-70 au Québec la lutte pour l’indépendance du Québec et la justice sociale, et l’appui aux autres peuples dans leur lutte de libération étaient intimement liées.

Pourquoi faudrait-il aujourd’hui prioriser la lutte pour la justice sociale aux dépens de notre lutte de libération nationale et non pas affirmer haut et clairement qu’ils sont indissociables pour Québec Solidaire et en faire chaque jour la démonstration ?

Pour ce qui est de la défense de la langue française le parti parle timidement de la question et évite surtout de se prononcer sur des mesures concrètes et audacieuses comme l’enseignement collégial en français.

Pourquoi ne pas dire que l’apprentissage du français devrait être obligatoire pour les nouveaux arrivants comme le font certains pays européens. On se contente de dire qu’il ne faut pas que la nouvelle bataille linguistique se mène sur le dos des immigrants.

Je suis fatigué d’entendre parler des immigrants uniquement comme des victimes et non pas aussi comme des acteurs de la société québécoise dont les gestes et les paroles ont autant de poids que ceux des autres Québécois, et de plus en plus à Montréal où les Québécois d’origine française sommes devenus minoritaires.

L’ambiguïté est également omniprésente dans la démarche de Québec Solidaire vers la souveraineté du Québec avec la mise en place d’une assemblée constituante qui est parfois présentée comme un moyen pour atteindre la souveraineté et d’autres fois comme une démarche démocratique qui pourrait déboucher sur n’importe quel autre choix constitutionnel dont le statu quo.

Dire une chose et son contraire n’est-ce pas la spécialité des partis traditionnels. Il ne faudrait pas que Québec Solidaire vieillisse si vite…