Indépendance, laïcité et défense du français

2009/12/02 | Par Louis Gill

L’auteur est économiste et professeur retraité de l’UQAM

 

Indépendance

« Assez de défaitisme et de petits pas. Remobilisons les Québécoises et les Québécois autour de l’indépendance » ! Ce titre du communiqué qu’on pouvait lire sur le site internet de Québec solidaire au terme de son congrès qui a eu lieu du 20 au 22 novembre a toutes les apparences d’un radical changement de ton de la part d’un parti qui jusqu’ici a plutôt eu la question nationale honteuse.

En réalité, il n’y a de changement qu’en apparence. Au fil des ans, lit-on dans ce communiqué, « le discours sur l’indépendance a été vidé de son sens par certains souverainistes qui ont voulu faire du Québec un pays sans projet. Qu’on se le dise : l’indépendance sans sens n’a aucun sens ».

Voilà bien où le bât blesse. Même si je suis un chaud partisan de profondes transformations sociales, j’estime que Québec solidaire se trompe en posant des conditions à la réalisation de l’indépendance.

La souveraineté politique est une question démocratique de libération nationale, qui se situe sur le même pied que les autres aspirations démocratiques et sociales.

L’indépendance est un objectif en soi, comme les revendications d’égalité entre les hommes et les femmes et d’amélioration des conditions de vie et de travail, parce qu’elle est la clé de la libération nationale du peuple québécois.

Il va sans dire que l’indépendance doit aussi être le moyen de réaliser le projet de société que nous voulons. Mais elle ne saurait être vue comme un simple outil de cette réalisation. Elle est un objectif en soi. Elle doit être défendue inconditionnellement.

Avec la position qui vient d’être adoptée, on peut se demander comment Québec solidaire appellerait à voter dans l’éventualité d’un nouveau référendum sur la souveraineté.


Laïcité

L’autre grande question sur laquelle Québec solidaire affirme avoir adopté une position claire est celle de la laïcité. On lit dans le même communiqué, que ses membres, « ont affirmé haut et fort leur volonté de vivre dans un Québec laïque, mais ouvert aux différences », et que « L’État et les institutions publiques doivent être résolument laïques tout en respectant – avec des balises claires – les croyances religieuses ».

Plutôt qu’une position claire en faveur d’une authentique laïcité et une défense intégrale de l’égalité entre les hommes et les femmes, cette déclaration est au contraire une réaffirmation, sous une forme diluée, des positions rendues publiques par Québec solidaire lors de la publication du rapport Bouchard-Taylor, en faveur de la « laïcité ouverte » proposée par les deux commissaires, ainsi que du port du voile islamique et d’autres signes religieux dans le domaine public.

Dans le cas de la laïcité comme dans celui de l’indépendance, Québec solidaire reporte à plus tard l’adoption d’une position.

Pour la « laïcité », il dit réclamer vigoureusement un débat public qui devrait se terminer selon ses vœux par l’adoption de balises claires à établir quant au respect des croyances religieuses par l’État et les institutions publiques.

Quant à l’option de l’indépendance, c’est une assemblée constituante, que le parti s’engage à mettre sur pied après son élection (pour être réaliste, dans un horizon relativement lointain), qui aura à en décider.

Entre temps, comment Québec solidaire entend-il se situer face à d’éventuelles initiatives venant d’autres intervenants sur la scène politique (partis politiques, syndicats, associations de défense des institutions démocratiques, etc.), qui viseraient à doter le Québec d’un document de type constitutionnel ayant pour objet d’affirmer dès maintenant ses valeurs fondamentales communes (primauté de la langue française, laïcité des institutions, égalité entre les hommes et les femmes, affirmation du patrimoine historique et culturel), et de favoriser ainsi l’intégration harmonieuse des immigrants et la cohésion de la société ?

Il faut regretter que le congrès n’ait pas jugé opportun d’aller dans cette voie.

 

Le français menacé ?

Tout aussi décevante est l’attitude de Québec solidaire à l’égard de la défense de la langue française. Selon lui, le français ne serait pas actuellement menacé par la progression envahissante de l’anglais au Québec et principalement à Montréal.

Sa présidente Françoise David en a donné pour preuve sur les ondes de Radio-Canada que des amis à elle en visite à Montréal ont pu récemment acheter en français sans difficulté des bagels sur la rue Fairmount !

Le seul domaine où il faudrait mieux veiller au respect de la loi 101 serait celui des grandes entreprises où le processus de francisation exigé par la loi est en régression.

S’il est indéniable que la situation s’est détériorée à ce niveau, il faut vraiment vivre sur une autre planète pour ne pas constater que, partout à Montréal et de manière générale dans l’ensemble du Québec, le français est en régression et qu’il faut à tout prix renforcer la loi 101 pour endiguer cette régression.

Si Québec solidaire recherchait le moyen de voir ses appuis continuer à plafonner pour longtemps, il ne pouvait mieux agir qu’en adoptant les orientations de ce congrès.

Dramatique !


Crédit photo: Maxime Tessier