Et si on parlait de mines à ciel ouvert ?

2009/12/03 | Par Camille Beaulieu

Incertain de l’éthique du promoteur et de l’impact sur les populations, c’est du bout des lèvres que le BAPE a accordé son feu vert au projet Canadian Malartic le printemps dernier.

Le gouvernement de Québec s’est rué dans la brèche, deux mois plus tard, autorisant le développement à Malartic, 3500 habitants, de la plus importante mine d’or à ciel ouvert au Canada. Un milliard de dollars de travaux et neuf cents emplois dans un bourg abitibien en déclin depuis 1982 étoufferont bien l’opposition dans l’œuf.

Chambres de commerce et conseils municipaux ont repris ce chantage à l’emploi orchestré par la corporation minière Osisko, restant muets sur les 200 familles relocalisées. Les réticences des vernaculaires coulées noir sur blanc dans une trentaine de mémoires soumis au BAPE n’existaient déjà plus.

Québec a créé un précédent, une mine à ciel ouvert au pays des galeries souterraines. Maintes compagnies s’en inspirent déjà. Les exploitations de surface sont moins dispendieuses que les mines souterraines, mais potentiellement plus polluantes.

À Malartic l’exploitation minière, excusez du peu, laissera derrière elle dans dix ans une fosse de 400 mètres sur 2 kilomètres par un kilomètre de largeur. Ses rejets formeront une montagne de 160 millions de mètres cubes de résidus rocheux.

Même classés stériles ces rejets ne sont pas toujours inoffensif; un risque réel existe de contamination (acides, métaux lourds et même poisons vifs) de la nappe phréatique.

Conformément au scénario habituel, les compagnies ont vite fait alors de se réclamer de la loi sur les Mines pour échapper à celle sur l’Environnement.

Depuis la décision de Québec tout le monde il est content serinent en chœur les ténors du tout à l’économie, comme Françoise Bertrand PDG de la Fédération des Chambres de commerce du Québec.


Un débat s’il vous plaît

Tous d’accord les Abitibiens ? Bien non madame ! Les antennes régionales des centrales syndicales à tout le moins : CSN, FTQ et CSQ, le Réseau vigilance de Malartic, et divers organismes populaires comme le Regroupement d’éducation populaire d’Abitibi-Témiscamingue (REPAT) entretiennent cette idée biscornue d’un débat régional sur l’opportunité des mines à ciel ouvert.

Têtus comme des Bretons, ces braves gens se sont auto baptisés en début de semaine : « Regroupement régional pour un débat public sur les mines à ciel ouvert ! »

« Pourquoi une mine à ciel ouvert. Quelles seront les conséquences, martèle Marc Nantel, porte-parole du regroupement et président du syndicat régional des enseignants, le SEUAT. On nous restreint à des considérations économiques. La ressource est là. Les prix sont bons. Allons y ! »

Val d’Or, pas très loin, illustre à merveille les craintes qui titillent ces régionaux. L’ex mine Sigma, un trou béant défigure l’entrée sud de Val d’Or et témoigne de la déconfiture de la compagnie McWatters en octobre 2003.

Corporation minière Osisko n’est pas prémunie contre pareil revers. Il suffirait que le prix actuel de l’or, 1216,75 $US mercredi dernier, retourne aux valeurs du dernier quart de siècle : 250 $US l’once à la fin des années 1990; 400 $ en 2004, le plafond depuis 1988. La survie, dans l’industrie minière, passe toujours par un prix élevé.

Un autre trou minier, celui de la mine du lac Adams, côté ontarien à cent kilomètres de Malartic, rappelle que d’autres régionaux se sont battus quinze ans becs et ongles pour interdire l’entreposage de 26 millions de tonnes de déchets domestiques importés de Toronto.

L’inquiétude en région se nourrit de plusieurs projets de mines à ciel ouvert d’envergure.  Joana près de Rouyn-Noranda par Mines Aurizon ; Dumont par Royal Nickel à Launay ; Galloway par Vantex, à Arntfield ; Bettie à Duparquet par Clifton Star Resources, et d’autres. La route n’est inaugurée que depuis quelques mois, et déjà les embouteillages !

La surenchère des superlatifs miniers est telle actuellement au Québec que Western Troy Capital Resources de Toronto peaufine une petite centrale nucléaire pour alimenter sa mine du lac MacLeod (de même que des communautés autochtones) au nord de Chibougamau … sans créer le moindre remous. Du coup la compagnie se prend à rêver d’un chapelet de centrales nucléaires dans tout le nord canadien.


LA CRE

Nous réclamons un débat public de la Conférence régionale des élus (CRÉ) depuis l’été dernier. « On nous propose le 26 février, explique encore Nantel. Des discussions sur les lois, l’exploration et l’exploitation minières. On prévoit deux cents participants, essentiellement des élus et des représentants de compagnies minières, de ministères et des premières nations. Bref, tout pour noyer le poisson ! »

La coalition d’une quinzaine d’organismes autour de l’Action boréale (ABAT) de Richard Desjardins, « Pour que le Québec ait meilleure mine » réclame elle aussi un débat public de la CRÉ sur les mines à ciel ouvert.

Les municipalités aux prises avec le même problème doivent bénéficier de l’expertise acquise à Malartic, croit encore Nantel

«  Le débat doit porter sur l’économie environnementale. Plus loin que l’exploitation bébête de ressources naturelles dans l’indifférence des impacts. Les élus, eux, parlent toujours d’économie.

« On aimerait bien discuter aussi de deuxième et troisième transformations, pour sortir du cercle vicieux de la ressource brute exportée.

« On s’interroge aussi sur le fin mot de ces insuffisances fiscales derrières lesquels les compagnies se cachent, d’après le dernier rapport du Vérificateur général. »

Le censeur public a constaté en avril 2009 que les compagnies minières ont versé le sixième à peine des droits miniers dus à Québec depuis 2002. Moins de 1,5% de leur production de 17 milliards de dollars. L’échappatoire à laquelle recourent les compagnies serait quasi institutionnalisée sous forme de PPP (partenariat public privé) dans les arcanes duquel alternent partout les mêmes administrateurs, ingénieurs et géologues.

La loi sur les mines et son principe essentiel, le « free mining » ou accès inconditionnel à la ressource, contredisent la loi sur le développement durable, la loi sur la qualité de l’environnement, la loi sur les compétences municipales, la loi sur l’aménagement et l’urbanisme, sans compter quelques chartes des droits et libertés explique par ailleurs très volontiers « Pour que le Québec ait meilleure mine ».

Tout le brasse camarade réclamé sur les mines à ciel ouvert pourrait éventuellement déboucher, spécule-t-on déjà, sur une enquête publique itinérante, voire sur une Commission parlementaire. Encore des mots qui fâchent !