La laïcité victime d’un détournement identitaire

2009/12/14 | Par Marie-Michelle Poisson

L’auteure est présidente du Mouvement laïque québécois

Il faut de toute urgence retirer le volet de « culture religieuse » du cours d’Éthique et culture religieuse (ECR) afin d’éviter un autre dérapage identitaire autour d’un principe démocratique universel qui, tout comme la liberté, l’égalité ou la dignité, n’appartient pas à un seul peuple mais appartient à tous les êtres humains. Le principe de laïcité est un principe à portée universelle.

Le volet « culture religieuse » doit être retiré car il fait sciemment la promotion d’un type particulier de laïcité qu’on appelle la « laïcité ouverte [aux religions]». Ce type de laïcité a été défini et promu par des gens de toutes obédiences religieuses souhaitant avant tout faciliter les accommodements religieux dans la gestion des affaires publiques.

Au Québec, les promoteurs de la « laïcité ouverte [aux religions]»  ont profité d’une structure institutionnelle, en l’occurrence le Secrétariat aux affaires religieuses et le Comité sur les affaires religieuses du Ministère de l’éducation, pour donner à ce nouveau programme une dimension idéologique propre à rendre familier et souhaitable le maintien du religieux dans les institutions publiques.

Ce soi-disant « modèle québécois de laïcité ouverte [aux religions]» ne fait pas l’unanimité. Aucun débat permettant d’établir clairement le modèle de laïcité réellement souhaité par les Québécois, quelles que soient leurs origines, n’a encore officiellement eu lieu au Québec.

Une société véritablement laïque pourrait-elle maintenir un enseignement de nature religieuse dans ses écoles primaires et secondaires? Est-il du ressort de l’école laïque d’accompagner le « cheminement spirituel » de l’élève en accaparant les ressources dédiées aux services complémentaires pour ce faire?

Une société laïque peut-elle permettre la récitation de prières lors de conseils municipaux ou tolérer qu’un symbole religieux domine son assemblée législative nationale? Ne s’agirait-il pas là d’énormes accommodements religieux?

Tels sont cependant les accommodements religieux que les promoteurs de la « laïcité ouverte [aux religions]» souhaitent voir perdurer sous prétexte de perpétuer l’identité culturelle des québécois.

Pourrait-on, sans craindre le ridicule, prétendre qu’il s’agirait-là d’une véritable laïcité?

La société québécoise n’a pas encore assez réfléchi à son modèle de laïcité et devra certainement engager un large débat public pour venir à bout de cette question.

Un tel débat est plus que jamais nécessaire mais il ne pourra pas être mené à bien sereinement s’il est victime d’un détournement identitaire.

Le cours ECR est l’un des principaux coupables de ce détournement puisque le concept incongru de « culture religieuse » lie irrémédiablement dans les esprits la culture et la religion.

Or, rien ne fonctionne avec ce concept de « culture religieuse »; est-ce que les gens qui appartiennent à une même culture sont tous de la même religion?

Est-ce que la religion à elle seule résume le tout d’une culture? Est-ce que les gens qui témoignent d’une culture particulière sont tous nécessairement religieux? Est-ce qu’une même religion ne se retrouve pas dans différentes cultures? 

Les Québécois ont la liberté de croire à la religion qui leur convient et ne sont pas que catholiques, la culture québécoise ne se résume pas qu’au catholicisme, plusieurs Québécois ne sont pas religieux et ne sont pas moins Québécois pour autant et le catholicisme n’est pas propre au Québécois mais est répandu sur toute la planète.

Et toutes ces propositions sont vraies depuis la naissance de la nation québécoise.

Nous pourrions reprendre ce petit exercice avec toutes les cultures et toujours nous constaterions l’absence de lien nécessaire entre une culture donnée et une religion particulière.

Le concept de « culture religieuse » est une impasse conceptuelle, un concept absurde qui ne peut que ruiner nos chances de débattre en toute intelligence de la place de la religion dans la gestion des affaires publiques.

Voilà pourquoi il est si important de ne plus exposer nos enfants à un enseignement proprement aliénant, un enseignement fondé sur un concept absurde, un enseignement au service d’une propagande en faveur d’une conception tout aussi indéfendable de laïcité.

Le cours ECR est une lamentable erreur; le volet de « culture religieuse » doit en être retiré.