L’après Copenhague

2010/01/06 | Par André Bouthillier

Obama déclare « Les déçus de Copenhague «ont le droit de l'être». Ouf! J’ai eu peur d’être excommunié de je ne sais trop quoi!

Cette conférence flopée nous offre la possibilité de mettre le protocole de Kyoto à la poubelle. Enfin! Oups! Vous aurais-je offusqués? Vous qui êtes pour et qui n’avez pas eu le temps de suivre les girouettes politiciennes, médiatiques et environnementales?  

Simple rappel, Kyoto n’a pas tout faux, sauf qu’il embrasse la notion de «Bourse du carbone», c'est-à-dire que les pollueurs peuvent continuer de polluer avec l’achat de permis d’émissions. Le parlement du Québec, par l’adoption du projet de loi 42, y adhère unanimement et s’acoquine avec la Chicago Climate Exchange (CCE) (1). Comme la bourse de Wall Street, le CCE s’apprête à gagner des milliards de dollars sur le marché des droits d’émissions et revendique un marché non réglementé, ouvert aux spéculateurs.

Franchement, constatons froidement que depuis 1995, les environnementalistes canadiens nous ont fait perdre notre temps à discuter du protocole avec les lobbyistes des grands pollueurs et des politiciens à courte vue, alors que les cheminées des pollueurs continuent à cracher leur venin.
 

À Copenhague, la négociation entre pays s’est confrontée à trois catégories d’objectifs. Un, les pays défenseurs de leur population; deux, ceux qui soutiennent la cause des multinationales polluantes avec la bourse du carbone; trois, les pays en développement qui, pour la première fois, réclament le droit au chapitre. 

Le Canada figure dans le second pôle. En effet, le Premier ministre Harper représente une population majoritaire de droite sur l’échiquier politique qui, dans le confort et l’indifférence, s’accommode très bien de sa situation de parvenue gaspilleuse.

Les sondages d’opinions le prouvent coup sur coup et ce malgré quelques sursauts de conscience, les bottines ne suivent pas les babines. Voilà pourquoi l’aspirant premier ministre, le prince Ignatieff, résigné à ne cibler aucune réduction du carbone en novembre 2009, ne s’engage pas à défaire le gouvernement puisque Harper défend déjà très bien la base politique du Parti Libéral du Canada : « Bay Street ».

Ce centre des affaires torontois et des sièges sociaux des plus grands pollueurs du Canada dépense des millions en lobbying pour s’assurer que rien ne changera, malgré le taux croissant de victimes du cancer partout au pays. 

Impossible ici de reprendre toutes les tractations de Copenhague qui ont contribué à son échec. Le journaliste Hervé Kempf en donne une analyse éclairante sur son blogue au journal Le Monde.fr. Sachons cependant que les cibles de dépollution s’avéraient disparates, restreintes à trop de subtilités comptables.

Mais en quoi la bourse du carbone diffère-t-elle de la taxe du carbone?

1. Taxe sur le carbone: une taxe directe imposé à chaque pollueur émettant du gaz carbonique (CO2). 
 
2. Bourse du carbone - quotas et échange (cap-and-trade) : impose une limite d’émissions par secteur d’activité et laisse le marché développer un système d’échanges entre les entreprises très polluantes et celles moins émettrices.

Le protocole de Kyoto vise donc essentiellement le libre marché de la pollution en misant sur la bourse du carbone. 

Selon Thomas Friedman, chroniqueur au New York Times, « On va donner aux gens de Wall Street le pouvoir de négocier de nouveaux « swaps/papiers commerciaux » et ça va se faire sur le dos de l'environnement cette fois-ci. Ces gens ne s'intéressent pas au réchauffement climatique, mais au rendement qu'on pourrait faire avec ce nouveau produit. » 

James Hansen, directeur du Goddard Institute of Space Studies de la NASA/USA est l’un des plus éminents partisans de la lutte contre le changement climatique, depuis ses premières auditions au Congrès dans les années 1980. 

De la conférence, il retient que « Cette approche basée sur le marché permet aux pollueurs et aux traders de Wall Street d’escroquer des milliards de dollars aux citoyens. Car le commerce et la vente de ces permis perpétue en fait la pollution qu’ils sont censés éliminer. 

Il existe une meilleure alternative, qui serait moins coûteuse que ce système de quotas et de marché des droits. C’est celle d’une taxe/dividende. Dans cette autre approche, la taxe augmentant graduellement serait perçue à la source - à la mine ou au port de débarquement - pour chacun des carburants fossiles (charbon, pétrole et gaz). Cette taxe devrait être uniforme, et être exprimée en dollars par tonne de dioxyde de carbone contenue dans chaque carburant. Les consommateurs ne paieraient directement aucune taxe, mais le prix des produits augmenterait proportionnellement à la quantité de combustible émettant du carbone utilisé pour leur production.

L’entièreté de cette taxe à la source serait ensuite redistribuée à la population. Les ménages prévoyants utiliseraient ce dividende de façon avisée, en modifiant leur style vie, leur choix de véhicule, et ainsi de suite. » 

Reconnaissons que la majorité des Canadiens n’ont pas compris l’enjeu lors de la dernière campagne électorale fédérale. Alors, imaginons que vous décidiez d’acheter une petite voiture hybride ou électrique. Vous réduisez vos émissions, mais pas celles du Canada, puisque la bourse du carbone permet à quelqu’un d’autre d’acheter un gros cylindré, plus polluant. Ainsi le total des émissions fixé par un quota reste inchangé malgré votre geste.

Dans le système de taxe de carbone, chaque action réduisant les émissions serait récompensée. Lorsque votre voisin saura ce que vous économisez par l’achat d’un petit véhicule, il aura envie de vous imiter. La popularité des véhicules efficaces pourrait donc évincer les voitures énergivores du marché.

Ainsi donc, bien qu’il entérinait le protocole de Kyoto, Stéphane Dion s’en détachait par sa prise de position sur la taxe de carbone avec un retour d’investissement dans le maintien du filet social canadien.

À la veille de Noël 2009, le Premier ministre Harper affirmait ne pas exclure la taxe sur le carbone de son radar politique. En bon «suiveux» des États-Unis, il se prépare à toute éventualité. Il est possible que le président Obama adopte cette idée plus simple pour impliquer la population dans le sauvetage de la planète plutôt que se fier à ceux qui la conduisent au bord du précipice.

Intervenez auprès de votre député…. une taxe du carbone plutôt qu’une bourse du carbone. Puisque dans les deux systèmes le citoyen paiera, autant choisir la méthode la plus juste et efficace. Éliminons les boursicoteurs du portrait!


(1) Le Chicago Climate Exchange (CCX) est une filiale de l’International Continental Exchange (ICE) créée en 2000 par des banquiers internationaux dont Goldman Sachs et des compagnies pétrolières comme Shell et BP. 

ICE a acheté l’International Petroleum Exchange de Londres, un marché opaque et pratiquement dérégulé sans qu’aucun registre sur les échanges ne soit tenu. Le siège social réside à Atlanta, alors que la société opère à partir de Londres sous la forme d’un centre financier «offshore». Un des associés et fondateurs, Mr. Richard Sandor est l’inventeur des produits dérivés et des droits d’émissions échangeables sur le CO2. 

Goldman Sachs est le plus gros actionnaire de CCX et le numéro deux de ICE. C’est Goldman Sachs qui a lancé Al Gore dans le business des fonds spéculatifs lorsqu’en 2003, Mr. David Bloom, ancien CEO de Goldman Assets Management a constitué « General Investment Management » avec Al Gore et deux anciens associés de GS.