Négos du secteur public : Négocier ? Mon cul !

2010/01/19 | Par Alain Dion

Je rage. Totalement outré ! Je viens de prendre connaissance du document présentant les demandes du Comité patronal de négociation des cégeps (CPNC). Insatiables, malgré les reculs imposés de force aux enseignantes et enseignants de cégep à l’aide d’une loi spéciale lors de la dernière négociation, les smattes du CPNC reviennent à nouveau à la charge en s’attaquant une fois de plus au cœur de notre profession : la tâche enseignante et la sécurité d’emploi.

Prétextant cette fois-ci que «l’évolution du contexte sociopolitique a donné lieu à la mise en place d’un mode de gouvernance axé davantage sur l’imputabilité et la reddition de compte», les sbires du CPNC tentent d’imposer un mode de gestion où l’enseignement joue maintenant le rôle de deuxième violon.

En agissant de la sorte, ils banalisent le rôle des profs et balaient du même coup du revers de la main l’ensemble des demandes syndicales, rejetant en bloc le travail sérieux et documenté effectué au cours des quatre dernières années du côté syndical.

Ces gens-là ne négocient pas, ils démolissent un pan entier de notre travail : la passion de travailler avec des jeunes, de transmettre des connaissances et de les accompagner dans leur cheminement. Sous l’impulsion de cette nouvelle religion de la gestion, notre rôle d’enseignant se meut peu à peu en celui de professionnels de la gestion de l’enseignement.

C’est totalement ridicule, inefficace et déshumanisant. Et ces iconoclastes de la formule tiennent en même temps un discours moralisateur sur l’importante pénurie de main d’œuvre qui se pointe à l’horizon, sur les défis posés par la présence d’une population étudiante présentant de nouvelles difficultés d’apprentissage, etc. Le soutien à l’enseignement, ça vous dit quelque chose ?  

Et comme si ce n’était pas suffisant, nos petits comiques du CPNC prennent bien soin de terminer leur laïus en soulignant «le contexte économique difficile» dans lequel s’amorce la négociation. Cet argument-là, on nous le sert de toute façon à chaque négociation.

Mais aujourd’hui, quand on connaît les dégâts causés à la Caisse de dépôt par le laisser aller des libéraux, quand on connaît le gaspillage éhonté dans la gestion des travaux d’infrastructure, quand on sait que les cégeps ont utilisé à d’autres fins que celui de l’enseignement les importantes sommes versées en transferts fédéraux, on peut non seulement douter de leur bonne foi, mais bien y voir un cynisme et un mépris intolérables.

On profite de ce contexte économique pour fragiliser encore davantage la sécurité d’emploi et pour ériger en système la précarité. Précarisation des emplois offerts aux jeunes enseignantes et enseignants entrant dans la profession, mais également précarisation des institutions (particulièrement en région) elle-même.

Si l’on ne revoit pas le mode de financement, si l’on n’offre pas d’alternative à certains cégeps de région qui voient littéralement fondre leur effectif étudiant, nous mettons en danger la survie même de certaines institutions.

 

Un portrait très clair

Le portrait est clair, limpide et sans équivoque : ces gens-là n’ont aucun respect, ni pour notre profession, ni pour le travail effectué au quotidien auprès des jeunes du Québec. Ni même pour la qualité de la formation offerte dans nos institutions pourtant reconnue tant par les universités que par les employeurs.

Sous leurs grands principes de gouvernance efficiente, émerge de plus en plus la petitesse de leur vision de l’enseignement. C’est assez !

Si nous sommes véritablement convaincus du bien fondé de nos revendications; si nous en avons réellement assez du mépris et de l’arrogance clairement affichés, une fois de plus, dans ce dépôt patronal;  si nous sommes effectivement conscients de l’importance de notre rôle social, culturel et économique comme enseignante et enseignant, alors affûtons dès maintenant nos armes.

Préparons l’offensive, sortons de notre torpeur syndicale et nouons des solidarités avec l’ensemble du mouvement. Le 1er avril 2010, date à laquelle se termine l’infâme loi spéciale de décembre 2005, nous devons réagir radicalement.  C’est la seule façon de retrouver un peu de notre dignité, de regagner le respect. 

Il faut donc occuper le plus rapidement possible les terrains idéologique, médiatique, mais surtout politique. Il est effectivement plus qu’urgent que le mouvement syndical renoue avec l’action politique.

Nous ne sommes pas simplement face à un employeur borné, pingre ou tout simplement antisyndical. Nous sommes face à un gouvernement idéologique, qui a laissé pourrir la situation économique. Un gouvernement qui tente à la fois d’imposer des reculs aux employés de l’État, mais surtout d’imposer par la porte d’en arrière une précarisation des institutions de l’État.   

Pour certain, il pourrait être tentant, voire facile, de suggérer d’attendre bien sagement que tombe ce gouvernement gangrené de toutes parts. Mais, attendre quoi ?  Que se mette en place un nouveau gouvernement lui aussi malade de gestion, déconnecté du véritable travail fait auprès de la population ? Nous devons au contraire dès à présent tracer une ligne politique très nette, sensibiliser la population et préparer le terrain pour l’arrivée du prochain gouvernement du Québec.  

Négocier avec ces gens-là ? Mon cul ! Ce serait se faire complice du système. Il faut les renverser !