Travailler, c’est trop dur, mais…

2010/01/25 | Par Jacques Fournier

L’auteur est organisateur communautaire retraité

Un rapport vient de paraître sous la plume de l’ancien ministre Claude Castonguay et de Mathieu Laberge, un économiste rattaché au « réservoir d’idées » de droite, l’Institut économique de Montréal. Le rapport préconise que, pour éviter la catastrophe du vieillissement, les aînés restent plus longtemps sur le marché du travail. Le rapport est publié par le CIRANO, le Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations.

Je ne partage pas cette analyse. Le Rapport Castonguay-Laberge s’inspire, selon moi, de lieux communs, il manque d’originalité et d’inspiration et il voit les choses à court terme.

La vraie catastrophe annoncée, ce n’est pas la diminution du produit intérieur brut (PIB) reliée au fait que moins de personnes travailleront. La vraie catastrophe annoncée, c’est le gaspillage des ressources naturelles de la terre (pétrole, forêt, eau, etc.) et leur épuisement rapide. Pour contrer cette vraie catastrophe, il faut aller progressivement vers une décroissance conviviale (www.decroissance.qc.ca), la fin de l’hyper-consommation et la simplicité volontaire (www.simplicitevolontaire.info). Dans les pays occidentaux riches, il faut accepter de vivre en consommant moins (et le contraire pour les pays du Sud).

Bon, je passe sur les nuances évidentes : de nombreuses personnes sont contraintes de travailler à un âge avancé parce qu’elles ont occupé toute leur vie des emplois peu payants et qu’elles ont été incapables de mettre des sous de côté pour leur retraite. Ce n’est pas de ces personnes dont je parle. Je traite des personnes âgées qui se sentent obligées de travailler parce qu’elles n’ont pas vraiment atteint la sérénité qui leur permettrait d’accepter de vivre avec des revenus moindres, mais raisonnables. Victimes du harcèlement publicitaire, ces personnes voient encore leur comportement en bonne partie dicté par le dieu argent : il faut beaucoup consommer pour être heureux et faire comme les voisins. Ce sont ces personnes que les Castonguay-Laberge cherchent à culpabiliser de prendre leur retraite tôt et veulent conscrire dans l’atteinte d’un PIB toujours plus dodu.

Je plaide pour que les gens prennent leur retraite pendant qu’ils sont encore en santé et qu’ils s’activement autrement, en faisant du bénévolat, de la militance ou de l’engagement citoyen. C’est ce dont notre société a besoin et c’est moins stressant que de travailler pour un patron toujours désireux d’augmenter la productivité par tous les moyens.

Au Québec, 28,5 % des citoyens de 45 à 64 ans connaissent un stress intense, comparativement à seulement 9,6 % des 65 ans et plus (Statistique Canada, tableau 105-0501, Québec, 2008). Pourquoi travailler et se stresser alors qu’on peut faire du bénévolat à son rythme pour le plus grand bien de la société?

Un argument du Rapport Castonguay-Laberge m’irrite particulièrement : selon eux, il faut faire comme l’Ontario ! En 2008, 51 % des Ontariens de 60-64 ans travaillaient, comparativement à seulement 40 % des Québécois du même âge. Pourquoi n’incitent-ils pas plutôt les Ontariens à faire comme les Québécois ? Qui est à l’avant-garde de la recherche d’un vrai mieux-être collectif ?