Les Québécois, moins diplômés que les Anglo-Québécois : VRAI !

2010/02/12 | Par Mario Beaulieu

L’Institut de la statistique du Québec (ISQ) a publié récemment un constat « choc » sur le retard universitaire des francophones au Québec. Le taux de diplomation universitaire des jeunes francophones est de 40% plus faible que celui des jeunes anglophones au Québec.

En fait, l’élément-choc de cette étude a simplement consisté à lever le voile sur une donnée depuis longtemps connue, mais qui semble avoir été occultée sous l’effet du fameux tabou entourant tout ce qui touche la question linguistique. Comme l’indique l’ISQ, l’écart qu’ils ont observé existe depuis 40 ans. Photo : Université de Montréal

Sous-financement chronique

Parallèlement, une autre information relative au retard universitaire francophone a été très peu diffusée. Il s’agit du sous-financement chronique des universités de langue française au Québec.

Plusieurs chercheurs et des intervenants impliqués dans la promotion du français ont également tenté d’alarmer l’opinion publique à cet égard. Par exemple, Michel Moisan, professeur de physique à l’Université de Montréal, observait en 1998 que le réseau universitaire anglophone recevait du gouvernement du Québec 23,6 % du financement public, ce qui était de 2,7 fois supérieur au poids démographique de la population anglophone.

Le fédéral allouait 36,7 % de ses subventions aux universités anglophones du Québec, soit plus de quatre fois le poids démographique des anglophones.

Cette situation gonfle indûment l’offre en enseignement supérieur anglophone et contribue grandement à rendre les études universitaires en anglais plus attrayantes, notamment auprès des étudiants allophones qui s’y inscrivent majoritairement.

À partir de 2004, un constat similaire a été fait à plusieurs reprises par Patrick Sabourin et Frédéric Lacroix qui ont observé qu’à l’inverse, dans le reste du Canada, les services universitaires en français reçoivent une part de financement très inférieure au poids démographique des francophones.

Le chercheur Marc Chevrier relevait en 2008, que les trois universités anglophones reçoivent 27% des subventions normées et qu’à Montréal, les deux universités anglophones, McGill et Concordia, comptent environ 57% des professeurs.

Comme pour amenuiser l’importance du facteur linguistique, les auteurs de l’étude de l’ISQ ont fait ressortir qu’en Ontario, les jeunes de langue maternelle française (25 à 34 ans) ont un taux de diplomation universitaire supérieur à celui des anglophones.

Mais ils ne tiennent pas compte du taux d’assimilation énorme et déplorable des Franco-ontariens. En fait, 46 % des jeunes ciblés par l’ISQ seraient classés comme anglophones selon le critère de la langue d’usage du recensement de Statistique Canada en 2006.

Anne Gilbert, professeure à l'Université d'Ottawa, relevait le côté ironique d’une situation analogue en concluant que la francophonie ontarienne se porte de mieux en mieux, mais de moins en moins en français.

De plus, 22 % des individus du groupe ciblé par l’ISQ proviennent du Québec, plausiblement en fonction de l'offre d'emplois (par exemple dans la fonction publique canadienne à Ottawa).

En bref, bien que des facteurs culturels jouent probablement un rôle dans le retard universitaire des francophones au Québec, on peut difficilement soutenir que le financement n’a pas d’impact sur la qualité de l’enseignement et l’accessibilité aux universités de langue française.

De plus, le sur-financement des universités de langue anglaise aboutit à l’exode d’une grande partie des professionnels formés à même l’argent de nos impôts vers le « Rest of Canada » ou les États-Unis.

Ce sur-financement, qui est lié à la domination historique des anglophones montréalais au Québec, n’a aucune justification aujourd’hui. La situation inverse est la norme ailleurs au Canada.

Le Québec est à peu près le seul État au monde où l’on finance des institutions d’éducation supérieure dans une autre langue que celle de la majorité, sans aucune limite et sans aucune restriction.

Il y a 40 ans, le programme du Parti Québécois présenté par René Lévesque voulait qu’on maintienne des établissements scolaires anglophones du primaire à l’université, mais les financer en proportion du poids démographique des anglophones au Québec.

Hélas, il ne s’agit là que d’une des multiples revendications légitimes qui ont été ravalées pour acheter la paix linguistique.

Comment peut-on trouver normal que l’enseignement supérieur québécois en français souffre de sous-financement alors que les jeunes francophones ont un taux de diplomation universitaire 40 % plus faible que celui des anglophones? Ne devrait-on pas à tout le moins étudier sérieusement cette situation?

C’est un débat qu’un grand nombre de nos élus, dirigeants syndicaux, chefs d’entreprises et fonctionnaires fuient comme la peste, eux qui semblent préférer jouer à l’autruche plutôt que d’avoir à remettre en question certains privilèges que Camille Laurin a déjà qualifiés de rhodésiens.

En fait, s’il y a un facteur culturel déterminant de la sous-diplomation québécoise, nous croyons que c’est avant tout celui-ci, cette mentalité du « On est né pour un p’tit pain » si profondément ancrée dans notre inconscient collectif.

L’auteur est président de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal