En grève générale illimitée les chargés de cours répliquent aux Lulucides

2010/02/25 | Par Maude Messier

Exaspérés du piétinement des négociations et sans contrat de travail depuis août dernier, les 2 433 chargés de cours de l’Université de Montréal ont déclenché une grève générale illimitée à 13 heures le 24 février.

Le conflit de travail tombe à point dans l’actualité au moment même où la question du financement des universités du Québec fait les manchettes. Lucien Bouchard et quinze autres personnalités, dont Monique Jérôme-Forget, Joseph Facal, Pierre Fortin et Claude Montmarquette, proposent un «pacte» pour le «financement concurrentiel de nos universités» qui se traduirait par un dégel proportionnel des frais de scolarité en fonction du domaine d’études dès 2012.

Rencontré par l’aut’journal sur la ligne de piquetage, le président du Syndicat des chargées et des chargés de cours de l'Université de Montréal (SCCCUM-FNEEQ-CSN), Francis Lagacé, estime que la proposition des «Bouchard, Lucides et compagnie» est tout simplement «scandaleuse et méprisante, particulièrement pour les étudiants».

La démocratisation et l’accessibilité des études supérieures relève d’un choix social bien établi au Québec: «Il n’y a pas de bonnes raisons de remettre ça en cause aujourd’hui, surtout pas celle du sous-financement. C’est trop facile de remettre ça sur le dos des étudiants alors qu’il y a 800 millions en transfert qui dorment au fédéral.»

Il faut être culotté pour réclamer que les étudiants portent à eux seuls le poids des politiques de compressions passées. À son avis, les solutions existent, seule la volonté politique manque: «On dénonce le sous-financement des universités depuis une bonne quinzaine d’années. Au fil des ans, ceux qui ont eu le pouvoir d’y remédier n’ont rien fait. C’est assez ordinaire de leur part de faire payer les autres pour leur inaction!»

Affichant un déficit accumulé de 139 millions de dollars, l’Université de Montréal figure parmi les mauvais élèves. «Ils refusent d’entendre nos demandes sous prétexte que l’Université n’a pas les moyens de payer. Pourtant, l’automne dernier, la haute direction s’est accordée des augmentations de salaires totalisant 2,5 millions de dollars! Comment voulez-vous que nos membres ne se sentent pas floués là-dedans?»

Le président du syndicat déplore l’intransigeance de la direction relativement aux demandes syndicales: «Ils refusent catégoriquement toutes nos demandes et ne font preuve d’aucune volonté de négocier. Les discussions sont au point mort.» Les chargés de cours n’entendent plus à rire et espèrent que la grève générale illimitée forcera la direction à négocier de bonne foi.

Bien conscient que près de la moitié des cours offerts sont perturbés par la grève, le président du syndicat espère somme toute un règlement rapide du conflit et satisfaisant pour tous: «On souhaite que cette grève soit de courte durée. Il n’en tient qu’à la direction de l’Université. De notre côté, on attend toujours des propositions sérieuses.»

Les chargés de cours réclament notamment un rattrapage et la parité dans le traitement salarial avec les professeurs de l’Université en ce qui concerne la tâche d’enseignement. L’offre patronale se limite à 2% de l’ensemble du financement: «Ce n’est pas sérieux une offre comme ça! Ce qu’on demande, c’est la récupération du pouvoir d’achat de même qu’une rémunération juste et équitable pour le travail qu’accomplissent les chargés de cours.»

Francis Lagacé rappelle que les demandes syndicales, totalisant 5,5 millions de dollars, auront des répercussions positives directes sur les 2 433 chargés de cours, mais aussi sur tous leurs étudiants. Les «bonus» de la haute direction, qui s’élèvent à 2,5 millions de dollars, iront tout droit dans les poches d’une centaine d’individus. De bien belles augmentations de salaires pour des administrateurs d’une université déficitaire!

C’est toutefois la taille des groupes cours qui se place au cœur des revendications des grévistes. Le nombre d’étudiants par groupe a bondi au cours des dernières années, au point de compromettre la qualité de l’enseignement. «Ce qu’il faut comprendre, c’est que la moyenne des groupes cours est passée de 41 à 48 élèves, mais ce n’est qu’une moyenne. L’augmentation de la charge de travail dépend du type de cours.»

Par exemple, il n’est pas rare qu’un cours de sciences humaines accueille actuellement plus de 90 élèves sans aide d’auxiliaires d’enseignement additionnels. Le syndicat juge que la situation est préoccupante à tous les points de vue: «Personne ne gagne dans cette situation. Les chargés de cours sont surchargés, la relation pédagogique et la qualité de l’enseignement s’en trouvent handicapés.» L’ajout d’auxiliaires d’enseignement ou encore le dédoublement des groupes est une priorité pour le syndicat.

«Nos demandes sont justifiées et raisonnables. Il en va de la qualité de l’enseignement dispensé dans cette institution. Pour les 2 433 chargés de cours que nous représentons, c’est aussi une question de respect et de reconnaissance.»