Grève tournante à la ville de Montréal

2010/02/25 | Par Marc Laviolette

Dans le secteur public, nous savons tous que les ingrédients nécessaires à l’atteinte des objectifs d’une négociation sont : des revendications qui correspondent aux besoins des membres et qui préservent le service au public, une mobilisation de la base et un rapport de force favorable.

Pour les syndicats de ce secteur, à cause du caractère public de l’employeur, la question de l’opinion publique joue un rôle levier important. Si le public se sent concerné par les revendications et moyens d’action des syndiqués le rapport de force se trouve renforcé contre l’employeur. Si c’est le contraire, la position syndicale s’en trouvera affaiblie. Les cols bleus de Montréal appliquent très bien ces principes.

En effet, sans convention collective depuis près de trois ans, les 5 200 cols bleus de Montréal gardent l’initiative du débat et du rapport de force par l’application de la tactique de grève tournante dans les 19 arrondissements de la ville de Montréal.

« C’est une première grève tournante dans le monde municipal. L’objectif est de garder nos revendications le plus longtemps possible sur la place publique pour alimenter le débat sans déchainer l’opinion publique contre nous. Et ça marche. Le moral de nos membres est très élevé », déclarait Michel Parent, président du local 301 SCFP-FTQ qui représente les cols bleus.

D’ailleurs, lundi le 22 février, les cols bleus tenaient un « tail gate party » devant l’hôtel de ville pendant que le président Michel Parent intervenait à la période de questions.

« Nous sommes sans convention collective négociée depuis 2002. En vertu de la loi sur les fusions municipales, l’arbitre Gilles Lavoie nous a imposé une convention collective jusqu’en 2007 où nous avons subi d’importants reculs au plan des assurances collectives, des heures de travail, des congés fériés, du taux horaire et du plancher d’emploi. Nous sommes dus pour un rattrapage », nous souligne Michel Parent.

« La ville de Montréal aime mieux privatiser ses services à coût plus élevé (30 à 40 % plus cher) que de les faire livrer par les cols bleus. Nos métiers sont 35 % en bas des métiers à la ville de Toronto », soulignait une page de publicité payée par le syndicat dans le journal La Presse.

« La ville laisse traîner nos négociations parce qu’elle attend le résultat de l’arbitrage des conventions des pompiers et policiers, pourtant nous ne sommes pas loin d’un règlement. Un écart de 38 millions sur une masse salariale de 1,2 milliard nous sépare soit, une augmentation de 3,1 % de la masse sur quatre ans. Pour nous, il est temps que la ville rende justice aux femmes et aux hommes qui, tous les jours dans les rues, sont au service de la population », clame le président Parent.

Même si la grève tournante évolue dans le cadre de la loi sur les services essentiels, le syndicat est à l’offensive sur cette question. En effet, il a porté plainte contre la ville pour non respect de la loi parce que cette dernière faisait entrer au travail, « de façon préventive », les salariés affectés au déneigement alors qu’ils étaient en grève. Selon eux, c’était au cas où il y aurait une tempête…

Le syndicat a porté plainte et le processus de conciliation de la commission a donné raison au syndicat. Le service de déneigement sera assuré par les services essentiels s’il y a une tempête de neige et non « au cas où ». La tentative de la ville pour neutraliser le mouvement de grève tournante a donc échoué.

Encore une fois, pour discréditer le syndicat des cols bleus en grève tournante dans l’arrondissement de Verdun, la ville refusait d’affecter un cadre pour opérer la zamboni de l’aréna lors d’un tournoi du Junior de Montréal qui visait à amasser des fonds pour la leucémie. Le fait que l’opérateur de zamboni ne faisait pas partie des services essentiels et était en grève mettait en péril la levée de fond.

Informé de la situation, le syndicat a offert au Junior de Montréal de fournir gratuitement le service. L’injonction déposée en cour par le Canadien Junior s’est trouvée caduque et le président Michel Parent a procédé à la mise au jeu officielle de la partie sous les applaudissements de la foule et du président du Canadien Junior. Autre échec pour la ville tentant de tourner la grève contre les cols bleus.

Dans les faits, cette grève et les tactiques employées par le syndicat des cols bleus de la ville de Montréal démontrent que la grève dans le secteur public peut être un outil de mobilisation des membres et de l’opinion publique en faveur des travailleurs. Il suffit d’un peu d’imagination syndicale et les cols bleus y excellent.