CANDU à Gentilly-2

2010/03/15 | Par Michel Duguay et Philippe Giroul

 
 
 
 Photo : grappe de combustible CANDU 6

Les auteurs font partie du Mouvement Sortons le Québec du Nucléaire (MSQN)

Le journaliste Louis-Gilles Francoeur a révélé le 4 mars dans Le Devoir que le réacteur nucléaire Gentilly-2 de type CANDU pourrait s’emballer suite à un accident ou à un acte terroriste et causer du dommage au cœur du réacteur « d’une gravité exceptionnelle ». L’accident de Tchernobyl était même évoqué.

Au mois d’août 2009  la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) a complété un rapport de 268 pages qui décrivait 16 problèmes techniques reliés aux réacteurs nucléaires de type CANDU. Le problème principal est la possibilité d’emballement du réacteur suite à un bris dans les centaines de tuyaux à haute pression qui couvrent une longueur totale de sept kilomètres, ou suite à un acte terroriste.

L’article du Devoir s’appuyait sur une analyse du rapport de la CCSN par le journaliste Gilles Provost, anciennement à Radio-Canada, et créateur du documentaire du premier novembre 2009 sur la réfection de Gentilly-2  à l’émission  « Découverte ».

L’article du Devoir a suscité des réactions promptes de la part de Michael Binder, président de la CCSN, et de Mme Marie Élaine Deveault, porte-parole d’Hydro-Québec. M. Binder a affirmé ceci dans sa lettre au Devoir : «En premier lieu, la CCSN tient à assurer le public que les réacteurs CANDU sont sécuritaires. Ils ne posent aucun risque pour la santé et la sécurité des Canadiens, ou pour l’environnement. Ils sont exploités de manière sûre – autant au Canada qu’à l’étranger – depuis plus de 30 ans et continueront de l’être.»

Mme Deveault a fait une affirmation similaire le 8 mars dans le journal Le Nouvelliste : «Les mécanismes sont là et ils subissent des tests régulièrement. Il n’y pas matière à s’inquiéter, l’opération est sécuritaire depuis l’ouverture de Gentilly-2… » La société d'État affirme une fois de plus que les risques d'incident sont minimes et que les mécanismes sont tout à fait prêts à faire face à une situation d'urgence, quoi qu'il arrive.

En guise de réplique, nous signalons que le titre du rapport de la CCSN d’août 2009 est le suivant : «Application of the CNSC Risk-informed Decision Making Process to Category 3 CANDU Safety Issues».

Contrairement aux affirmations de M. Binder et de Mme Deveault, le lecteur peut voir dans le titre la pertinence de se questionner sur les risques et  problèmes de sûreté inhérents à la technologie CANDU. La catégorie 3 s’adresse à des problèmes jugés très graves.

Mme Deveault prétend que les problèmes sont «minimes». S’ils le sont, pourquoi la CCSN a-t-elle dû leur consacrer 268 pages ? Le contenu de ce rapport montre que les professionnels de la CCSN ont de nombreuses inquiétudes, encore une fois en contradiction  avec Mme Deveault.

En 1997, l’Ontario avait mis sept de ses 18 réacteurs en arrêt prolongé à cause de problèmes de maintenance et de sûreté. En février 2010, la firme para-publique Ontario Power Generation (OPG) a annoncé sa décision de ne pas refaire les quatre réacteurs CANDU de première génération de la centrale Pickering B sur la base d’études économiques. OPG évite ainsi habilement d’avoir à résoudre les 16 problèmes techniques non-résolus des réacteurs CANDU.

Est-ce que Mme Marie Élaine Deveault pourrait informer le public québécois des solutions proposées par Hydro-Québec en vue de solutionner ces 16 problèmes ? Est-ce qu’elle pourrait nous informer de la façon de calculer les coûts de la réfection qui la rende supposément rentable au Québec alors qu’elle est jugée par OPG comme n’étant pas rentable en Ontario ? Va-t-on augmenter notre dette déjà considérable au Québec par des investissements non rentables?

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